Fri. Nov 22nd, 2024

Par Asterès

Une statistique moins utile que les données nationales

Observer l’évolution des dividendes du CAC40 est peu instructif, il est préférable de consulter des
données concernant l’ensemble de l’économie française. La rémunération des actionnaires du CAC40
augmente logiquement : la taille de l’économie mondiale s’accroit et la composition de l’indice CAC40
tend mécaniquement à ne retenir que les entreprises de taille croissante, par exemple suite à des fusions.
Analyser l’évolution des dividendes (et plus largement de la rémunération du capital) dans l’ensemble
de l’économie française est plus instructif et indique une certaine stabilité à long terme.

1) Evolution des Dividendes du CAC40 : De multiples facteurs biaisent l’analyse

La progression des dividendes versés par le CAC40 fait l’objet de commentaires réguliers alors
que cette statistique souffre de nombreuses faiblesses. Que ce soit pour se réjouir de la santé des
grandes entreprises françaises, ou pour critiquer la rémunération de leurs actionnaires, les profits et
dividendes des groupes du CAC40 sont abondamment commentés. Mais ces chiffres doivent être maniés
avec précaution, car ils ne prennent en compte ni l’évolution de l’ensemble de l’économie, ni du CAC40
lui-même.
Il est logique que les dividendes versés par le CAC40 augmentent chaque année. Le chiffre
d’affaires, les profits et les dividendes des entreprises du CAC40 progressent logiquement avec la
croissance nominale (croissance réelle plus inflation). Ainsi, entre 2003 et 2023, la rémunération des
actionnaires du CAC40 (dividendes et rachats d’actions) a été multipliée par près de cinq1. Une telle
évolution est assez attendue puisque, dans le même temps, le PIB nominal mondial (les groupes du
CAC40 étant fortement internationalisés, il est plus pertinent de les comparer au monde qu’à la France)
a été multiplié par trois2. Une fois ajustés par l’évolution de la croissance nominale mondiale, les
dividendes et rachats d’actions du CAC40 ont connu une progression de 50 % au cours des vingt
dernières années.

L’évolution de la composition du CAC40 dans le temps rend les comparaisons historiques
hasardeuses. Il est logique que les dividendes du CAC40 tendent à augmenter puisque, du fait des
fusions-acquisitions, les entreprises qui le composent tendent à grandir. De plus, les entreprises les moins
performantes sortent de l’indice, ce qui crée un biais de composition en faveur des plus performantes.

  • Les fusions font naturellement croître la taille des entreprises qui composent le CAC40. En 2021,
    PSA Peugeot-Citroën est devenu Stellantis, ce qui a entraîné l’ajout dans le groupe de FIAT et Chrysler.
    En 2018, Essilor est devenu EssilorLuxottica. En 2008, Unibail a racheté Rodamco, puis Westfield en
    2017 pour former Unibail-Rodamco-Westfield. Et, en 2006, Arcelor a fusionné avec Mittal. Ainsi, par
    rapport à 2003, le CAC40 est plutôt devenu un « CAC46 », gonflant logiquement les dividendes totaux
    distribués.
  • Les acquisitions et cessions modifient la taille des entreprises composant le CAC40. Par exemple,
    en 2021, LVMH a racheté Tiffany & Co, date à partir de laquelle les dividendes versés par le joaillier
    américain sont comptabilisés dans les dividendes versés par le CAC40. Les entreprises peuvent
    également vendre des filiales. Il est cependant probable que les entreprises composant le CAC40
    tendent structurellement à croître, sans quoi elles sortiraient de l’indice.
  • La composition du CAC40 évolue. Régulièrement (parfois plusieurs fois par an3), des entreprises
    sortent ou entrent de l’indice CAC40. Ainsi, comparer les dividendes versés par le CAC40 en 2023
    avec ceux versés par les entreprises composant l’indice vingt ans plus tôt a une pertinence limitée,
    puisqu’il ne s’agit pas des mêmes entreprises. De plus, comme les entreprises les moins performantes
    sortent de l’indice, il ne reste que les plus performantes, ce qui tend à gonfler mécaniquement les
    dividendes versés par les entreprises du CAC40.

2) Evolution de la rémunération du capital : les données nationales sont plus pertinentes

Des données nationales publiées par l’Insee4 permettent de suivre l’évolution des dividendes versés
par les entreprises françaises. Ces données concernent l’ensemble des entreprises localisées en France
et son comparables facilement avec d’autres grandeurs (comme la valeur ajoutée ou les salaires versés).
Elles indiquent une hausse limitée de la part des dividendes comparée à la valeur ajoutée et une
stagnation du partage de la valeur entre travail et capital.
Les dividendes versés par l’ensemble des entreprises françaises ont augmenté, mais les dividendes
reçus également. Les revenus distribués par les sociétés (qui correspondent presque intégralement à des
dividendes) à leurs actionnaires (les emplois en comptabilité nationale) sont passés de 0,4 milliard
d’euros en 1950 à 206 milliards d’euros en 20225. Cependant, dans le même temps, les revenus perçus
par les sociétés (les ressources) sont passés de 0,3 milliard d’euros à 153 milliards d’euros. Ainsi, les
dividendes versés nets des dividendes reçus sont passés de 0,1 milliard d’euros à 52 milliards d’euros
entre 1950 et 2022. La hausse des dividendes versés et reçus tient surtout à l’évolution de l’organisation
des entreprises6 qui se divisent de plus en plus en filiales, ce qui implique des versements de dividendes
qui n’apparaissaient pas lorsque les entreprises étaient centralisées.

Rapportés à la valeur ajoutée, les dividendes évoluent en dents de scie. Les évolutions en valeur
nominale sur longue période peuvent être trompeuses, car l’ensemble des grandeurs de l’économie
tendent à croître. Ainsi, en rapportant les dividendes nets (versés moins reçus, soit emplois moins
ressources) à la valeur ajoutée des entreprises, on constate que le taux est globalement stable sur longue
période. Sur quelques années, il présente cependant de fortes variations (par exemple 4,9 % de la valeur ajoutée en 2008 contre 1,8 % en 2015 et une hausse à nouveau à partir de 2017), ce qui rend plus
intéressantes les évolutions sur plusieurs décennies.

Le partage de la valeur ajoutée dans l’économie française est globalement stable sur longue
période. La question du versement des dividendes est souvent liée, dans le débat public, à celle du
partage de la valeur entre capital et travail. Il convient, pour observer cette évolution, d’observer la part
de la valeur ajoutée qui rémunère le travail (salariés) ou le capital (excédent brut d’exploitation, EBE).
Sur longue période, le partage de la valeur ajoutée évolue peu, malgré quelques variations annuelles

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