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Par Benoit Humeau Analyste Thématiques Durables, spécialiste engagement et politique de vote

En raison des mesures de distanciation sociale et de l’impact économique de la crise sanitaire, les assemblées générales traditionnellement printanières doivent s’organiser autrement. La crise a déjà un impact non négligeable sur le contenu des résolutions, à l’instar de celles relatives aux dividendes et aux rémunérations des dirigeants.

Le 28 février 2020, les organisations professionnelles alertaient sur le risque de voir l’organisation des assemblées générales et leurs contenus être perturbés par la crise du COVID-19.

Les régulateurs des différents pays européens soutiennent les entreprises et ont rapidement assoupli le cadre légal des AG, tant sur le format que sur le calendrier, en renforçant des dispositifs déjà existants. En effet, la directive Droits des actionnaires de 2007 facilite l’engagement des investisseurs dans la gouvernance des entreprises. Depuis le texte européen, ces dernières ont pour obligation de permettre la participation aux assemblées générales à distance, par voie électronique. Ainsi, d’après des statistiques d’ISS[1], au 2 avril 2020, près de la moitié des entreprises avait décidé de maintenir son instance de manière virtuelle (par exemple, Sanofi ou Schneider Electric). L’autre moitié avait d’ores et déjà annoncé son report, cette part grandissant d’ailleurs de jour en jour (par exemple : LVMH, Danone, Vinci, etc.).

Toutefois, on peut craindre que l’organisation virtuelle des AG ne freine les échanges qui ont habituellement lieu à cette occasion entre le management et ses actionnaires, et notamment les petits porteurs. A ce sujet l’AMF a émis le 27 mars 2020 des recommandations aux entreprises qui organiseraient des AG à distance, afin qu’elles mettent en place une communication appropriée : retransmission sur leur site Internet, traitement efficace des questions écrites, etc.

 

Qu’en pensent les parties prenantes des entreprises ?  

Phitrust, spécialiste français de l’engagement actionnarial, communiquait dès le 18 mars sur la nécessaire prise en compte « des incertitudes et des urgences de la situation actuelle » par les entreprises et leurs actionnaires. La société de gestion souligne en particulier la disconvenance que représenterait le versement du dividende calculé sur l’exercice 2019 en cette période de crise (le dividende ne peut être versé qu’après approbation en AG).

Le manque de visibilité devrait amener toutes les entreprises à se reposer la question de leurs priorités et à réétudier les décisions soumises au vote des actionnaires. Le paiement du dividende peut-il avoir lieu, les rachats d’actions doivent-ils se poursuivre, alors que les entreprises et leurs parties prenantes sont sous pression (salariés en chômage partiel, allongement des délais de paiement aux fournisseurs, suspension des cotisations par l’Etat…) ? La trésorerie des entreprises est-elle suffisante pour maintenir l’activité dans le respect des mesures sanitaires, et pour préparer l’après-crise ? S’il existe un doute, la révision du dividende paraît saine, les actionnaires devant consentir aux efforts collectifs, au même titre que les autres acteurs économiques.

Une convergence se dessine aujourd’hui sur ce point. Les organisations syndicales et patronales, ainsi que le gouvernement français, ont pris position et appelé à interdire le versement des dividendes aux entreprises aidées par l’Etat. Conséquence directe ou non, la liste des entreprises ayant annoncé le non-versement des dividendes à leurs actionnaires s’allonge. Le mouvement touche les entreprises dont l’Etat est actionnaire, tel Engie, les banques comme la Société Générale, les assureurs comme Axa, mais aussi des entreprises de secteurs particulièrement impactés par la crise comme Accor ou Airbus. D’autres ont annoncé sa réduction, comme Michelin ou Veolia.

L’AFEP[2] appelle aussi les dirigeants à l’exemplarité, en réduisant leur rémunération sur la durée pendant laquelle certains de leurs salariés seraient au chômage partiel.

 

La position de La Banque Postale Asset Management 

La Banque Postale Asset Management est convaincue que la limitation du retour aux actionnaires à court terme aura des effets positifs dans la durée et qu’elle facilitera la sortie de crise en préservant les fonds propres des entreprises.

LBPAM a d’ores et déjà transmis ce message aux entreprises dont elle est actionnaire. Lors des AG, LBPAM accompagnera les sociétés qui auraient renoncé au dividende, et examinera avec attention les montants envisagés par celles qui en proposent, pour s’assurer qu’ils ne sont pas en contradiction avec les besoins actuels.

Enfin, filiale d’un groupe public, LBPAM a fait de la modération des rémunérations des dirigeants un principe de vote important depuis de nombreuses années, afin de préserver la cohésion sociale. Encore plus dans ce temps de crise, tous les efforts semblent bienvenus et seront valorisés dans notre analyse des résolutions soumises aux AG 2020.

 

[1] ISS : Institutional Shareholders Services, agence de conseil en vote auprès des investisseurs

[2] Association Française des Entreprises Privées

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