Fri. Nov 22nd, 2024

Par Hervé Goulletquer- stratégiste – direction  de la gestion – LBPAM / L’Eco du matin

Ce n’est qu’au début du crépuscule que la chouette… prend son envol (Hegel, préface aux Principes de la philosophie du droit, 1820)

 

Christine Lagarde a in fine utilisé sa première conférence de presse post Conseil des gouverneurs, moins pour préciser l’orientation de la politique monétaire de la BCE et davantage pour dessiner ce que sera son style de communication et quel est son état d’esprit. A chacun de devoir comprendre la « chouette de Minerve ».

Les dossiers de politique extérieure qui ont hanté les marchés tout au long des trimestres passés se referment : Américains et Chinois seraient sur le point de s’entendre et le Royaume-Uni est sur le point de quitter l’Union Européenne.

 

Christine Lagarde a présidé son premier Conseil des gouverneurs de la BCE et a tenu, ès-qualité, sa première conférence de presse. Il n’y a pas grand-chose à retenir sur le fond : des prévisions économiques peu modifiées et un réglage monétaire inchangé. Sur le premier point, elle insiste sur des risques baissiers un peu moins prononcés et sur le second on a envie de comprendre que rien ne serait modifié à l’horizon des prochains trimestres. Bien sûr, la politique monétaire devrait être « complétée » par des actions en faveur de plus de croissance de la part des gouvernements nationaux et de Bruxelles. En matière de revue stratégique, la Présidente nous dit que celle-ci démarrera en janvier et qu’elle devrait durer un an. La cible d’inflation, les outils et le bien fondé de tel ou tel niveau de taux directeurs feront l’objet de discussions, approfondies dans un esprit ouvert, tant à l’intérieur du système européen de banques centrales qu’avec le Parlement européen, le monde académique et la société civile. Les débats s’élargiront aux questions du changement climatique et de montée des inégalités.

 

En fait, le plus important est ailleurs. L’attention était davantage sur la forme que sur le fond. Christine Lagarde a envoyé un double message. D’abord, sa communication : il ne faudra pas sur-interpréter ses propos, ni la comparer à ses prédécesseurs. Elle communiquera à sa façon et avec des expressions qui pourront être différentes en fonction des auditoires. Bref, attention à ce que le ECB Watching ne se perde pas en de vaines conjectures ! Ensuite, son état d’esprit : elle n’est ni colombe (un biais plus en faveur de la croissance), ni faucon (un biais en faveur d’une inflation faible et stable) et elle dépasse ce jeu d’alternative en se décrivant chouette. En stricts termes de politique monétaire, peut-être doit-on comprendre que son analyse n’est pas prédéterminée par une vision idéologique (monétariste ou keynésienne).

 

On peut sans doute pousser le raisonnement un peu plus loin. N’est-ce pas la Présidente de la BVE qui nous y invite, en rappelant que la chouette est souvent associée à une certaine sagesse ? Disons deux choses. Premièrement, l’oiseau en question est l’attribut d’Athéna, la Grecque, ou de Minerve, la Romaine ; déesse, certes de la sagesse, mais aussi de la stratégie militaire et plus généralement de la « pensée élevée », qu’elle soit littéraire, artistique ou industrielle. Christine Lagarde se donne alors le beau rôle, au-dessus des chapelles et des coteries qui maillent le « petit monde » de la politique économique. Deuxièmement, comment ne pas penser à la métaphore d’Hegel, reprise en titre de l’Eco du Matin de ce jour ? Que veut dire l’affirmation selon laquelle « ce n’est qu’au début du crépuscule que la chouette de Minerve prend son envol » ? Assurément que la sagesse vient après l’action. Celle-là est-elle condamnée à être toujours en retard ? Non, car elle est par essence une nécessaire prise de recul. Le temps d’une banque centrale sous la houlette de Christine Lagarde ne sera-t-il donc pas celui des marchés ? On croit le comprendre ; mais cela pourra-t-il toujours être le cas ? Vraisemblablement pas.

 

Restons dans l’univers de la politique économique et intéressons-nous à la Chine. La conférence centrale sur l’activité économique (China’s Central Economic Work Conference) 2019 vient de se terminer. Ses conclusions permettent de dessiner les orientations à prendre l’année prochaine. L’objectif est de stabiliser le rythme de la croissance, mais sans mettre trop fortement l’emphase sur le PIB et ses évolutions.  Pour ce faire,  la politique budgétaire (principalement les investissements en infrastructure financés par des obligations « spéciales ») serait davantage sollicitée que l’arme monétaire. Pourquoi ? Pour ne pas participer d’une croissance trop élevée de l’endettement. L’ambition est de stabiliser le ratio crédit/PIB. L’attention sera surtout portée sur la liquidité (elle doit rester ample) et sur l’efficacité de la transmission des mesures prises. Au-delà de ces actions à mener, le but est d’assurer la stabilité de la Société chinoise. D’un point de vue économique, cela signifierait assurer que l’emploi et les salaires ne ralentissent pas de trop, voire qu’une inflexion puisse s’enclencher. Cette quête de la stabilité ne doit toutefois pas empêcher la poursuite des réformes de structure et l’ouverture au reste du monde.

 

Décidemment, il ne faut pas quitter le champ de la politique économique ! Au nombre des sujets à l’agenda du Sommet européen en cours on trouve la réforme de la Zone Euro. L’ambition est d’approfondir l’union monétaire et budgétaire et de protéger du risque de crise et de contagion. Les sujets seront assurément abordés ; sans que les discussions soient déjà conclusives.

 

Finissons par la politique. Il y a un petit côté  nativité avant l’heure ce matin. D’abord, les termes de la phase 1 de l’accord sino-américain seraient arrêtés. Pékin achèterait significativement plus de produits agricoles en provenance des Etats-Unis et modifierait ses pratiques en matière de propriété intellectuelle ; Washington, la concession est de taille, reviendrait sur une partie de l’augmentation  des droits de douane, décidée ces derniers trimestres ;  les deux capitales s’engageraient aussi à ne pas se lancer dans des politiques de changes « agressives ». Tout ceci demande confirmation ; mais il apparaît ce matin qu’enfin « on n’y est presque » !

 

Là, on y est ; les Brits quittent l’Union Européenne. Cela sera effectif au 31 janvier. Les Conservateurs sortent de l’élection générale avec une confortable majorité aux Communes et le Premier ministre Johnson pourra mener son projet à terme. Reste à définir les relations futures entre l’Ile et le Continent.

 

Le point de départ : la déclaration politique, revisitée le 17 octobre dernier. L’ambition est de créer une zone de libre échange pour les marchandises (pas de droits de douane et de quotas). En ce qui concerne les services, la référence, qui serait un minimum, est les récents accords signés par l’UE avec le Canada ou le Japon.

 

L’ambition de Boris Johnson est que tout soit réglé à la fin de 2020, c’est-à-dire au terme de la période de transition telle que définie aujourd’hui. Mais comment aller aussi vite, si la volonté de Londres est de s’éloigner des règles de l’UE ? Et quid du « chiffon rouge » de la fin de la libre circulation des citoyens de l’Union au RU ?

 

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