Fri. Nov 22nd, 2024

Eco du matin – Hervé Goulletquer – Stratégiste- Direction de la gestion – LBPAM

 

Du profil de la croissance chinoise

Les messages envoyés par l’économie chinoise rassurent ; tant mieux, mais pour combien de temps ? Du côté des négociations commerciales, l’attention doit peut-être se porter sur les relations entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Notons enfin les informations positives, en termes de prise de risques sur les marchés, autour de la Fed.

Le marché attendait la publication du chiffre de la croissance du PIB chinois du premier trimestre. N’est-ce pas une façon de mesurer l’ampleur exacte de la faiblesse de l’économie mondiale en début d’année et, par-delà, d’appréhender la capacité de rebond à venir par la suite ? L’habitude veut que l’on mesure les mouvements du PIB chinois au travers de son glissement sur un an. Et alors, divine surprise, on note une stabilisation entre T4 2018 et T1 2019 : +6,4% ! N’y aurait-t-il donc pas eu de ralentissement ? Si, bien sûr. C’est juste que cette façon de mesurer n’est pas la meilleure. La décélération est bien présente, si on étudie la variation d’un trimestre à l’autre. Le PIB a progressé de 1,4% en T1, soit 0,1 point de moins que lors de la période précédente. Voilà pour le constat ; passons au sens à lui donner et faisons deux commentaires. D’abord, l’inflexion de la croissance économique est modeste. On doit pouvoir pointer un mois de mars significativement plus dynamique que les deux précédents et l’impact progressivement visible des mesures de soutien, mises en place par les autorités publiques ; les deux points étant évidemment liés. Ensuite, un rebond devrait intervenir au deuxième trimestre. Le tempo, dorénavant connu, de l’activité en mars et l’amélioration des enquêtes de conjoncture (avant tout les PMIs) invitent à cela. Cela sera-t-il durable ? Le réglage actuel de la politique économique et l’anticipation d’une décrue des tensions commerciales de par le monde invitent à répondre par l’affirmative. Gardons toutefois à l’esprit le profil trimestriel de la croissance chinoise, visible depuis quelques années : trois trimestres de ralentissement, puis un trimestre de rebond et ainsi de suite.

 

Au total, l’hypothèse d’une croissance économique mondiale qui se reprend à partir du printemps, après le « trou d’air » de la fin de l’an passé et du début de l’année nouvelle, est plutôt validée. Surtout que la partie prospective de l’enquête ZEW en Allemagne envoie un message similaire. Sans doute peut-on le généraliser à l’ensemble de la Zone Euro. On en saura davantage demain avec la publication de la première estimation des indices PMI d’avril. Peut-être de façon paradoxale, ce sont les Etats-Unis qui déçoivent un peu, avec une production industrielle qui a du mal à repartir de l’avant. Sans doute rien de grave ; si ce n’est le constat que le stimulus budgétaire se fait moins sentir et que donc le momentum de la croissance revient vers le potentiel de celle-ci (2% en rythme annuel ?).

 

Faisons un bref point sur les nombreuses discussions commerciales bi ou trilatérales actuellement en cours. Une conclusion heureuse n’est-elle pas une condition nécessaire à la consolidation du « mieux » en matière de croissance économique mondiale ? Du côté Chine-Etats-Unis, l’agence Reuters nous apprend qu’un accord serait quasiment trouvé concernant les transferts de technologie, la cyber-sécurité, la propriété intellectuelle, le taux de change, l’agriculture et les barrières non-tarifaires. Dans ces conditions, pourquoi n’y a-t-il pas encore de communication sur la fin des négociations ? Qu’est-ce qui « coince » encore ? On ne sait pas. Du côté Europe-Etats-Unis, le dialogue officiel peut démarrer. Ce qui envoie un message important pour les marchés : l’impossibilité, au moins théorique, d’imposer de nouvelles taxes pendant que les parties négocient. Du Côté Japon-Etats-Unis, il semble que l’ambition est d’obtenir vite un accord et, pour ce faire, de limiter le nombre de dossiers couverts. Il n’empêche que l’agriculture et l’automobile devrait être « au menu » des sujets abordés. Ce ne sont pas les thèmes les plus simples. Il reste l’accord Etats-Unis, Mexique et Canada (sensé remplacé l’Accord de Libre-Echange Nord-Américain – ALENA -). Le Congrès américain (sous l’influence des Démocrates ?) ne se hâte pas à la ratifier. Tant et si bien que certains observateurs à Washington s’interrogent sur la réaction éventuelle du Président Trump. Pourrait-il prendre prétexte d’un refus du Congrès pour dénoncer l’ALENA ? On se mettrait alors à parler de la réapparition de droits de douane. Même si les effets macroéconomiques à en attendre sont limités, le message envoyé ne serait pas bon. Au moins pour ce qui est de l’ambiance de marché.

 

Finissons par la politique monétaire américaine, pour noter deux choses. D’abord, il semble que la Maison Blanche commence à hésiter : est-il opportun de pousser les candidatures de personnages controversés à des postes de gouverneurs du Board de la Fed ? Herman Cain ne risque-t-il pas des ennuis avec la justice pour des affaires fiscales et de harcèlement ?  Quant à Stephen Moore, ses propos radicaux, qu’il s’agisse des institutions politiques ou de la gestion de la politique monétaire, peuvent inquiéter en matière de fonctionnement du processus de décision au sein de la banque centrale. Ensuite, il apparait de plus en plus qu’une majorité des dirigeants actuels de la Fed n’ont pas l’intention de redémarrer la hausse du taux directeur tant que l’inflation ne sera pas, de façon à la fois un peu significative et un peu durable, au-dessus de la barre des 2% sur un an. Ce qui ne devrait pas se faire à l’horizon des prochains trimestres. La double perspective n’est pas pour déplaire ; au moins dans une perspective de prise de risques sur les marchés de capitaux.

 

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