Sun. Dec 22nd, 2024

Par William Gerlach, Directeur régional France et Royaume-Uni chez iBanFirst

Si la BCE va sans nul doute entamer son cycle de baisse en juin, le calendrier concernant la Fed demeure beaucoup plus incertain. Une situation qui pourrait entraîner à terme une forte dévalorisation de l’euro par rapport au dollar.

L’inflation aux États-Unis est non seulement élevée mais elle accélère. L’indice des prix à la consommation a atteint 3,5 % sur un an en mars, contre 3,2 % en février, et un consensus à 3,4 %. Hors éléments volatils, c’est pire. L’inflation atteint 3,8 % sur un an et même 0,4 % sur un mois – ce qui est un rythme anormalement élevé.

Ce n’est pas structurel, mais c’est suffisamment problématique pour repousser la perspective de baisse des taux par la Réserve Fédérale américaine (Fed). En début d’année, le consensus de marché tablait sur 6-8 baisses de taux avec un début en mars. Désormais, il n’en prévoit plus que deux avec un début en septembre… qui pourrait même être repoussé à décembre si l’inflation ne reflue pas significativement d’ici la rentrée. Le scénario d’une baisse des taux en juin, en même temps que la Banque Centrale Européenne (BCE), la Banque Nationale Suisse et la Banque du Canada, est désormais complètement écarté, à moins d’avoir des chiffres de l’emploi très décevants – ce qui est peu probable. L’équation pour la Fed pourrait même se compliquer dans les semaines à venir si la flambée des prix du pétrole (en approche de 90 dollars le baril) se poursuit.

Il y a toutefois un autre paramètre à prendre en compte. Il n’y a pas que le marché de l’emploi et l’inflation qui pèsent dans la balance. Le service de la dette est tout aussi important. En supposant que les taux restent stables, le coût de la dette pour le gouvernement fédéral américain devrait atteindre près de 6 % du PIB d’ici la fin de l’année. C’est énorme et perçu par le marché comme insoutenable à long terme.

En revanche, si la Fed baisse ses taux de 150 points de base, cela provoquerait une baisse de 33% de la charge d’intérêts, par exemple. Ce n’est pas négligeable. À n’en pas douter, la Fed a aussi conscience de cet enjeu à l’approche de l’élection présidentielle.

Bataille presque gagnée contre l’inflation en zone euro

À l’inverse, la situation en zone euro est plus simple. L’inflation reflue rapidement. L’indice des prix à la consommation harmonisé a atteint 2,95 % sur un an en mars – première baisse sous le seuil symbolique de 3 % en deux ans. C’est en-dessous des projections de la BCE. Le chiffre de l’inflation sous-jacente est aussi encourageant. Elle a baissé à 2,44 %. Là encore, c’est en-dessous de la projection de la BCE (2,6 %). On voit mal ce qui pourrait empêcher la zone euro d’entamer son cycle de baisse des taux dès le mois de juin – comme prévu par le marché. En revanche, il reste une incertitude sur l’ampleur de la baisse des taux sur 2024. Le marché hésite entre trois

ou quatre baisses de taux de 25 points de base chacune. Nous penchons plutôt pour trois baisses de taux. Mais nous reconnaissons que cela ne va pas changer fondamentalement la donne sur les marchés financiers.

Quel effet sur l’EUR/USD si la Fed baisse ses taux après la BCE ?

Historiquement, la Fed a toujours amorcé les cycles de baisse ou de hausse de taux. Mais les temps changent. La surperformance de l’économie américaine incite la Fed à prendre son temps – à raison.

Si la BCE baisse ses taux dès le mois de juin, le différentiel de taux va s’ajouter au différentiel de performance économique et donc conduire à une baisse plus prononcée de l’euro. Le marché est déjà largement positionné à l’achat sur le dollar en raison de la bonne santé de l’économie américaine, des gains de productivité (entre 3-4% par trimestre alors qu’ils sont négatifs en zone euro), de la recherche de rendement plus élevé et – fait nouveau – du repricing du risque lié à l’élection présidentielle américaine (ce qui favorise le dollar en tant que valeur refuge). Selon le rapport Commitment of Traders de la CFTC, les spéculateurs (à la fois les intermédiaires financiers et les institutionnels) ont augmenté sensiblement leurs positions nettes à l’achat sur le dollar américain pour la troisième semaine consécutive. C’était avant le chiffre de l’inflation américaine.

Tant que l’EUR/USD ne s’affaisse pas sous le seuil de 1,05, nous pensons que la BCE ne va pas s’inquiéter outre-mesure du taux de change et de l’impact de la faiblesse de l’euro sur l’inflation importée. Quand bien même l’euro chute nettement sous ce seuil, on sait que la banque centrale a assez peu d’outils actionnables pour limiter la dépréciation de l’euro, à part des interventions verbales qui sont par nature hasardeuses. Nous restons comme le reste du marché à la vente sur l’EUR/USD avec une première cible à 1,05. On ne peut pas exclure un été noir pour l’euro avec une chute plus prononcée, vers 1,0350, par exemple.

La faible volatilité est l’autre point de vigilance qu’il faut avoir à l’esprit. La volatilité implicite sur la paire EUR/USD est inférieure à 5%. C’est anormal. C’est le cas pour toutes les paires majeures. L’absence de grand risque géopolitique (même s’il y a des sujets de tension) et la relative stabilité des données macroéconomiques expliquent certainement en partie cette atonie. Jusqu’à quand ? Difficile à dire. Mais c’est un point à garder en tête. 

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