entretien avec Philippe Chalmin
ACTION FUTURE 21 – Matières premières
Les marchés de matières premières vivent un choc.
Alors qu’ils ont été longtemps délaissés, les hausses historiques des cours des matières premières, principalement tirés par la demande chinoise, ravivent les opportunités d’investissement. Pour nous éclaircir sur cette situation, bien comprendre la situation actuelle et anticiper son évolution probable, nous nous sommes adressés à Philippe Chalmin, l’un des plus éminents spécialistes sur le sujet. Depuis son bureau de l’Université de Paris Dauphine, où il enseigne et dirige le Master Affaires Internationales, il nous a accordé cet entretien. Un observateur parle aux acteurs…
Quelle distinction faites-vous entre une matière première et une commodité ?
P. CHALMIN: C’était exactement le thème de mon cours aujourd’hui. Qu’est-ce qu’on appelle une commodité ? C’est la francisation du terme anglais de « commodity ». Pour les matières premières, leur définition est très simple. On entend par matière première un produit brut ou à peine transformé pour le rendre propre à un échange international, là où en anglais, la notion de commodities est beaucoup moins attachée à l’état physique du produit qu’à la nature de son marché ; au fond on en est venu à ce que les commodities soient essentiellement des produits pour lesquels la formation du prix se fait par ajustement instantané de l’offre et de la demande sur un marché. Et quand on parle de commodities aujourd’hui, on parle beaucoup plus d’un état de marché que de la nature d’un produit, puisque vous pouvez avoir des produits très industriels, certains semi-conducteurs, les grandes bases de la chimie, etc….
On est donc largement sorti du carcan des matières premières, sachant que paradoxalement certaines matières premières ne sont pas encore des commodities – je pense au minerai de fer ou au diamant brut, pour lesquels, pour l’instant encore, nous ne sommes pas dans une logique de commodities. Mais le monde des commodités couvre quand même deux tiers en valeur du commerce mondial de marchandises, et un bon tiers du commerce des services. C’est quand même une des grandes réalités de la fin du XXe siècle que cette émergence du monde des commodities, qui se caractérise par une chose : c’est l’instabilité des marchés. Qu’est-ce qui caractérise une commodité ? C’est que je ne sais pas de quoi demain sera fait, et que donc j’ai besoin de me projeter dans le lendemain. Au fond donc le monde des commodités par essence, c’est le monde des marchés dérivés.
Tout ce qui fait l’objet d’une cotation sur les marchés dérivés peut donc être qualifié de commodité ?
Oui. On pourrait même aller plus loin : tout ce qui pourrait faire l’objet d’une cotation. Car il y a nombre de produits qui sont techniquement des commodités, mais pour lesquels, pour une raison ou pour une autre, il n’y a pas d’OTC qui se soient développés.
C’est une définition personnelle ?
C’est une définition chalminiène ! Je crois être un de ceux en France qui a poussé à l’adoption de ce mot de commodité qui se trouve d’ailleurs sur la couverture de Cyclope. Evidemment en français, le mot est un peu ambigu.
À quand son intégration dans le dictionnaire ?
Elle pourrait être assez rapide, tellement c’est accepté aujourd’hui. Au fond, dans commodité, il y a l’idée du produit banalisé…
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