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Endettement de la France: attention de ne pas abuser de la patience des marchés…

Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France

Alors que guerre commerciale lancée par Donald Trump truste l’attention des marchés, la dégradation surprise de la note américaine par Moody’s il y a quelques jours est une piqure de rappel à la vigilance sur la dette française.

Il n’est pas si loin le temps où l’on surveillait l’évolution du « spread OAT-Bund » comme le lait sur le feu, s’inquiétant de le voir se rapprocher de la zone symbolique des 100 points de base. Cet écart entre les taux de référence à 10 ans de l’Allemagne et de la France est aujourd’hui de 68 points de base, un niveau que l’on peut qualifier de médian : toujours sensiblement plus important que le niveau de 50 points de base qui prévalait pré-dissolution de l’Assemblée nationale, mais moins important que les 90 points de base que l’on a tutoyé au quatrième trimestre l’année dernière. Tout en rappelant que les 90 points de base était l’écart le plus important observé depuis 2012 et la crise de la dette en zone euro…

La détente du « spread OAT-Bund » est due à plusieurs facteurs, mais qui ne sont pas vraiment lié à une amélioration de la trajectoire budgétaire de la France. Il y a d’abord eu la capacité du gouvernement Bayrou à éviter la censure en début d’année, ramenant un semblant de stabilité politique, facteur appréciable sur le marché de l’obligataire souverain.

Il y a ensuite eu l’action de la BCE qui procède depuis l’année dernière à des baisses de taux régulières, ce qui a pour effet de détendre le marché obligataire. On se souvient par exemple qu’en 2022, lorsque la BCE et la Fed remontaient très fortement leurs taux directeurs pour juguler l’inflation, le spread OAT-Bund s’était élargi. Inversement, les baisses de taux de la BCE détendent donc ce spread.

Autre facteur ayant favorisé ce resserrement des taux entre la France et l’Allemagne : le boost budgétaire allemand. Le changement politique de Outre-Rhin, le volontarisme du nouveau chancelier et ce grand plan d’investissement allemand prévu pour les prochaines années est vu comme un facteur positif pour l’ensemble de la zone euro, marquant un petit changement d’approche de l’Allemagne par rapport à sa rigueur budgétaire historique.

Dernier facteur ayant joué en faveur de la détente du spread OAT-Bund : l’instabilité américaine sous la présidence Trump, une instabilité qui a déclenché un petit mouvement de rotation sur les actifs financiers, avec des investisseurs qui ont décidé d’alléger un peu leur surexposition aux actifs américains, que ce soient via les actions mais également les obligations gouvernementales. Ce mouvement de rotation a bénéficié aux actifs européens, actions et obligations confondues.

Pour conclure, de nombreux facteurs ayant contribué au petit resserrement du spread OAT-Bund sont des facteurs exogènes, qui ne sont pas liés à l’amélioration du profil de la dette française. Les vrais efforts budgétaires sont à venir, et les annonces du gouvernement vont devoir arriver rapidement car les marchés se sont montrés suffisamment patients par rapport à une trajectoire de déficit insoutenable.

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