Fri. Nov 22nd, 2024

Par Laurent Gonon, directeur des gestions, et Mabrouk Chetouane, directeur de la recherche et de la stratégie – BFT IM

 

Dans un contexte de ralentissement de l’économie mondiale, l’année 2020 sera marquée par la poursuite des politiques monétaires accommodantes tant aux Etats-Unis qu’en Europe.

Le soutien sans faille des banques centrales plaide malgré tout pour rester exposer aux actifs risqués, actions et crédit en tête, tout en privilégiant l’Europe qui profite d’une croissance économique qui devrait rester stable et de la solidité des fondamentaux de ses entreprises. Les multiples incertitudes politiques, à l’image du calendrier électoral américain et de ses possibles implications sur le plan externe, incitent toutefois à la prudence et à la sélectivité.

 

Malgré un premier semestre marqué par une guerre commerciale exacerbée entre la Chine et les Etats-Unis et une croissance économique mondiale moribonde, les marchés actions auront finalement enregistré de solides performances au cours de l’année 2019. Le CAC 40 a ainsi gagné près de 26% depuis le début de l’année (chiffres au 16/12), tandis que l’Eurostoxx 50 et le Nasdaq ont respectivement progressé de 25% et 31% (chiffres au 16/12). L’apaisement actuel des relations sino-américaines, au gré des récents tweets de Donald Trump, et l’annonce d’un accord commercial entre ces grandes puissances économiques constituent, il est vrai, un facteur de soutien pour les marchés financiers.

 

Ralentissement de la croissance mondiale

 

Si tout scénario de récession économique est écarté, l’année 2020 ne s’annonce pas nécessairement sous les meilleurs auspices en dépit de l’accalmie commerciale qui se profile. La conjoncture reste en effet marquée par une décélération graduelle de la croissance économique mondiale, qui devrait se stabiliser autour de 3%. En particulier, l’émiettement attendu des perspectives de croissance aux Etats-Unis et en Chine feront de ces deux pays les principaux contributeurs au ralentissement de l’activité mondiale. Contrairement à 2018 et 2019, où l’économie américaine avait notamment bénéficié d’un soutien budgétaire substantiel via des baisses massives de taxes, 2020 devrait voir ce facteur disparaître. Le scrutin présidentiel pourrait également mettre en suspens l’investissement des entreprises, qui a déjà ralenti en 2019 et ainsi pesé sur la croissance outre-Atlantique. Les Etats-Unis pourront toutefois toujours compter sur la politique monétaire accommodante de la Réserve fédérale (Fed) qui devrait maintenir des conditions monétaires et financières aussi favorables que possible dans un contexte d’accroissement significatif de l’endettement des entreprises non-financières.

 

La situation de la Chine apparaît plus préoccupante. Le pays subit en effet un fort ralentissement de la demande intérieure, expliqué par une baisse des investissements et, surtout, de la consommation des ménages. Ce contexte aurait dû conduire les autorités chinoises à mettre en œuvre une politique de relance budgétaire plus ostensible. Or, le gouvernement chinois a, jusque-là, privilégié les mesures de dépenses ciblées dont les effets sont moins spectaculaires et prennent davantage de temps à se manifester. Mais une aggravation significative de la conjoncture économique chinoise liée à la poursuite de l’érosion des moteurs internes de croissance contraindrait à coup sûr Pékin à agir.

 

Une zone euro résiliente

 

Malgré sa faiblesse actuelle, la croissance économique en zone euro affiche toujours une résiliente relative et devrait se maintenir en 2020 à des niveaux comparables à ceux observés en 2019. Les regards seront toutefois tournés vers l’Allemagne afin de surveiller la résistance du secteur des services d’une part et la capacité de rebond du secteur manufacturier allemand d’autre part. Les marges de manœuvres budgétaires dont disposent les économies allemandes et néerlandaises, par exemple, ne garantissent pas l’utilisation de ces dernières, et ceux malgré les appels insistants de Mario Draghi et de Christine Lagarde. Il faudrait en effet que la situation du côté de l’emploi se détériore nettement pour contraindre les pouvoirs publics à recourir à l’arme budgétaire.

 

A l’instar de la Fed, la Banque centrale européenne (BCE) devrait continuer d’être particulièrement accommodante en 2020. Christine Lagarde, sa nouvelle présidente, devrait en être marcher dans les pas de son prédécesseur Mario Draghi. La seule incertitude se situe sur les réflexions actuelles des principales banques centrales sur leur objectif d’inflation ainsi que sur l’efficacité des outils de politiques monétaires mis en place. Déjà à l’œuvre au sein de la Fed, ce dossier devrait figurer parmi les priorités de Christine Lagarde. Pour autant, 2020 devrait être dans la continuité de 2019, avec une inflation qui restera à des niveaux bas et loin des objectifs des banques centrales.

 

Pour 2020, la vigilance sera également de mise au regard des nombreuses échéances politiques et électorales que ce soit en Italie, au Royaume-Uni avec la suite du feuilleton « Brexit », et, surtout, en fin d’année, les élections présidentielles aux Etats-Unis. Autant d’incertitudes politiques qui peuvent être sources de volatilité sur les marchés financiers.

 

Allocation : s’exposer aux actifs risqués

 

Une fois n’est pas coutume, les banques centrales ont encore été l’un des principaux facteurs de soutien des marchés financiers en 2019. La finance comportementale a également joué un rôle déterminant pour comprendre l’évolution des régimes de risques sur les marchés financiers. Tout au long de l’année 2019, les investisseurs ont adapté leur comportement et leur stratégie, passant du « risk-on » au « risk-off », au gré des événements politiques et économiques, voire des tweets de Donald Trump. Ces deux éléments – banques centrales d’un côté et, de l’autre, finance comportementale – devraient continuer d’être les principaux moteurs des marchés financiers tout au long de l’année 2020.

 

Dans un contexte de ralentissement économique généralisée, l’inflation devrait continuer d’être particulièrement faible. Cet environnement plaide donc pour un maintien des taux d’intérêts à des niveaux très bas voire négatifs. Dès lors, nous maintenons notre exposition aux actifs risqués, en particulier les actions et le crédit.

 

En 2019, les marchés actions ont en effet connu de solides performances sur l’ensemble des grandes places mondiales. Alors que les bénéfices des entreprises sont demeurés plutôt faibles, les actions ont été portées par la forte hausse des multiples. En 2020, ce moteur devrait toutefois jouer un moindre rôle et il faudra donc compter sur un rebond des bénéfices des entreprises pour soutenir la hausse des marchés actions. D’autant plus que les rachats d’actions vont avoir tendances à se réduire en 2020. Même si les actions conservent de l’attractivité, la prudence et la sélectivité sont donc toujours de mise sur les actions. A ce titre, les actions européennes doivent être privilégiées du fait de la bonne tenue de la croissance économique en zone euro, de la solidité de leurs bilans et, enfin, de valorisations qui, malgré une réelle progression en 2019, sont encore loin d’être excessives par rapport à d’autres zones géographiques. Comme en 2019, nous comptons repondérer nos portefeuilles sur des valeurs cycliques (industrielles, technologiques) ou défensives (santé). Les actions « value » devraient également connaître un certain retour en grâce, tout comme les petites et moyennes valeurs.

 

Le marché du crédit conserve également de son attractivité. Malgré une légère remontée ces derniers mois, les taux de défaut restent encore inférieurs à leur moyenne de long terme. Le crédit reste donc une classe d’actifs à privilégier, tant sur le segment « high yield » et que le segment « investment grade ». Comme en 2019, nous privilégions le crédit européen, les entreprises européennes affichant des fondamentaux plus solides que les entreprises américaines, ces dernières affichant un niveau d’endettement plus élevé.

 

2019, année charnière pour l’ESG

 

L’investissement socialement responsable et l’intégration des facteurs ESG (environnement, social et gouvernance) dans les stratégies de gestion se sont imposés comme une réelle tendance de fond. A cet égard, 2019 a constitué une année charnière pour l’ESG, les fonds indiciels (ETF) comme les fonds monétaires ayant clairement franchi le pas. Proposer des fonds ISR ou ESG devient désormais une impérieuse nécessité pour toutes les sociétés de gestion, afin notamment de répondre à la quête de sens des investisseurs, institutionnels comme particuliers. Mieux, l’ESG s’impose aujourd’hui comme l’un des principaux moteurs de sélection de valeurs : les mauvais élèves vont être durablement sanctionnés tandis les bons élèves seront plébiscités.

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