Comment les obligations sont redevenues incontournables dans les portefeuilles ?
Par Svein Aage Aanes, CIO Fixed Income chez DNB Asset Management
L’année écoulée a été marquée par une évolution significative dans la composition des portefeuilles d’investissement. Alors que les marchés des actions et du crédit ont dans l’ensemble enregistré des performances solides, l’environnement des taux d’intérêt a été marqué par une volatilité considérable. En Europe en particulier, les taux d’intérêt ont fortement grimpé, en raison d’anticipations croissantes de déficits publics plus élevés, eux-mêmes liés à l’augmentation des dépenses dans la défense et les infrastructures au sein de l’Union européenne. Face à cette dynamique, de nombreux investisseurs ont revu leur positionnement, réduisant la surpondération actions pour adopter une posture plus neutre.
Les incertitudes géopolitiques, appuyées récemment par le spectre d’une guerre commerciale mondiale, ont également poussé les investisseurs à réduire leur exposition au risque. Dans le segment obligataire, cela s’est traduit par un allongement de la duration. En effet, les rendements plus élevés renforcent l’attrait des obligations comme protection en cas de ralentissement économique. En outre, les risques de crédit ont été globalement surpondérés dans les portefeuilles.
Le rôle des obligations s’est renforcé au cours des dernières années. Dans une allocation équilibrée, elles offrent non seulement une source de revenu, mais jouent aussi un rôle essentiel de diversification face aux risques actions. Si les obligations à haut rendement restent souvent corrélées positivement aux actions, les obligations d’État conservent généralement une corrélation négative aux rendements boursiers. La hausse des taux a permis une nette amélioration des rendements réels, renforçant encore l’attrait des obligations comme outil de diversification.
Un marché du crédit stable malgré la volatilité
Le début de l’année 2025 s’est caractérisé par une divergence marquée entre les évolutions aux États-Unis et en Europe, en particulier depuis l’investiture de Donald Trump. En Europe, la nécessité d’augmenter les dépenses de défense et de sécurité a entraîné un accroissement des déficits et une augmentation de l’émission d’obligations d’État. Cela a poussé les taux d’intérêt à la hausse de manière significative. Aux États-Unis en revanche, les économies drastiques prévues dans le secteur public, combinées aux menaces de droits de douane commerciaux, ont suscité des inquiétudes croissantes quant à une récession, ou du moins, à une croissance économique plus faible. Il en a résulté une forte performance des marchés boursiers européens et une faiblesse aux États-Unis. Parallèlement, les taux d’intérêt ont augmenté en Europe et baissé aux États-Unis.
Dans ce contexte, le marché des obligations d’entreprise s’est montré globalement stable, même si un élargissement des spreads de crédit commence à poindre aux États-Unis. L’incertitude ambiante pousse les investisseurs à maintenir une duration neutre, tant les scénarios de forte hausse ou de forte baisse des taux semblent aujourd’hui plausibles. Les perspectives économiques restent larges et incertaines.
Malgré cela, les perspectives pour les marchés du crédit restent positives, en particulier dans les pays nordiques où les finances publiques sont sous contrôle et les entreprises solidement capitalisées. Les spreads nordiques offrent actuellement une prime attractive par rapport à leurs homologues européens ou américains.
Le virage budgétaire de l’Union européenne et de ses États membres influence aussi fortement les taux. La décision de l’Allemagne d’exclure les dépenses de défense excédant 1 % du PIB du calcul de la limite de déficit (fixée à 0,35 % du PIB) a constitué un tournant majeur, entraînant une hausse significative des taux en zone euro.
Ces niveaux de taux plus élevés redonnent de l’attractivité aux obligations souveraines, notamment comme outil de couverture face aux risques actions. Les titres d’État finlandais, en particulier, se distinguent par un bon portage et des perspectives de rendement intéressantes. Pour une couverture pure, les obligations américaines ou allemandes restent toutefois les plus solides.
Les marchés obligataires nordiques restent porteurs. Qu’il s’agisse de titres Investment Grade ou High Yield, les entreprises nordiques bénéficient d’une stabilité politique, de bilans solides et d’une capitalisation robuste. La préférence va aux obligations de courte duration, tandis que les dettes souveraines ou garanties sont détenues sur des maturités plus longues. Les titres du secteur financier ou immobilier continuent d’offrir de belles performances avec un potentiel de resserrement des spreads.
Pour les investisseurs fortement exposés aux actions, il peut être pertinent de se protéger contre les risques de taux avec une duration plus longue. Malgré les fluctuations potentielles, les obligations d’entreprise devraient continuer d’offrir des opportunités de rendement intéressantes au cours des 12 prochains mois. Dans l’ensemble, les segments Investment Grade et High Yield conservent des perspectives favorables.