Thu. Nov 21st, 2024

Jean-Marie MERCADAL – Directeur Général Délégué en charge des gestions OFI AM

Nous faisons référence au fameux idéogramme chinois, où le signe graphique qui représente le concept de crise signifie également opportunité.
Le mois d’octobre a été rude.
Les investisseurs sont confrontés à une phase boursière anxiogène, pour de multiples raisons que nous avions évoquées lors de notre publication d’octobre : la volatilité des marchés avait ainsi été un peu oubliée après plusieurs années de soutien des Banques Centrales et une année 2017 haussière en « ligne droite »…
Comme à chaque consolidation un peu sévère, le moral des investisseurs flanche… alors que se profilent probablement des opportunités…

ALLOCATION D’ACTIFS

Le mois d’octobre s’achève enfin ! C’est une bonne nouvelle
pour les investisseurs !
Sur les actions américaines, il s’agit du pire mois d’octobre
depuis 2008 et l’un des pires mois depuis 10 ans avec un repli,
du plus haut au plus bas, de près de 10 % de l’indice S&P 500 et
de 14 % de l’indice Nasdaq riche en valeurs technologiques. Les
actions européennes ont également perdu en extrême près
de 10 %. Et à l’intérieur des indices, nous avons assisté à un
mouvement de rotation sectorielle très violent, à deux niveaux :
forte baisse des valeurs sensibles à une remontée des taux
d’intérêt, avec en corollaire une reprise des secteurs défensifs
« visibles », et parallèlement, une désaffection des valeurs « cycliques
». Les petites et moyennes valeurs ont également été très
pénalisées avec des replis de plus de 20 % en Europe.
Ce contexte très tourmenté a sérieusement affecté les sociétés
de gestion qui ont été confrontées à de grosses vagues de rachats
: les derniers chiffres issus de « Morningstar » montrent
que les investisseurs ont procédé à des retraits pour près de
85 Mds$ des fonds actions au troisième trimestre. Les sociétés
de gestion cotées ont vu leurs capitalisations boursières perdre de
20 à 30 % dans l’ensemble, ce qui ne paraît pas incohérent au vu
des performances affichées : à ce jour, et surtout après octobre,
les résultats d’ensemble des gérants ne sont pas satisfaisants.
La part de fonds qui surperforment figure parmi les plus bas
niveaux depuis 2001, avec en Europe seulement 31 % des fonds
en surperformance. Sur la catégorie actions françaises la statistique
est encore pire avec seulement 13 %, et 25 % pour les
actions américaines. La moyenne des fonds diversifiés d’allocation
flexible affiche une performance très décevante de près
de – 4,6 % entre le début de l’année et fin octobre.
Pourquoi une correction aussi violente ?
Les investisseurs sont confrontés depuis quelques mois à une
multiplication de facteurs d’incertitudes – que nous avions déjà
évoqués à plusieurs reprises dans ces colonnes – mais au bout
d’un moment l’accumulation finit par provoquer des réactions
très vives : guerre commerciale, situation politique très compliquée
en Europe (Brexit, Italie…), fin des politiques monétaires
ultra accommodantes… Mais, fait nouveau, la saison de
publication des résultats des entreprises, si elle n’a pas été
mauvaise dans l’ensemble, a mis en évidence quelques « profit
warnings » et également des doutes sur les « guidances »,
c’est-à-dire les perspectives données par les chefs d’entreprises.
Sommes-nous dès lors dans une logique d’auto-réalisation,
avec la baisse de visibilité liée au contexte global qui pèse sur
la confiance des investisseurs et des chefs d’entreprise ? Les
marchés nous annoncent-ils un « hard landing », c’est à dire une
forte contraction de l’activité ?
Les instituts de conjoncture internationaux comme l’OCDE et
le FMI ont révisé à la baisse leurs perspectives de croissance
mondiale. Pour l’instant, cette révision est modérée, passant de
3,9 % à 3,7 % mais avec la mise en évidence de risques potentiels
plus importants, surtout si la guerre commerciale s’intensifie.
Nous notons par ailleurs une divergence de plus en plus manifeste
entre les États-Unis et le reste du monde.
La Chine serait en première ligne sur le sujet de la guerre commerciale
alors que la croissance du pays suscite des interrogations.

Mi-octobre, les autorités sont intervenues pour stimuler l’activité
en annonçant un assouplissement monétaire alors que les
statistiques officielles annonçaient un taux de croissance de
6,5 %, ce qui reste convenable. Mais les marchés doutent de
ces statistiques officielles et considèrent que si des mesures de
soutien sont prises, c’est qu’il y a un problème. La zone Euro pose
aussi question. Les dernières enquêtes de conjoncture ne sont
pas encourageantes. L’indice PMI manufacturier d’octobre en
Allemagne est au plus bas depuis 3 ans. Ce ralentissement de
l’activité observé dans toute la zone s’explique par la faiblesse
des nouvelles commandes, notamment à l’exportation. Et la
consommation risque de ralentir dans les prochains mois sous
l’effet de la hausse des prix de l’énergie. Au final, la croissance
pourrait avoir du mal à atteindre 2,0 %, contre près de 2,5 %
attendu en début d’année. Nous sommes cependant, là aussi,
loin d’une récession.
Il n’y a donc finalement qu’aux États-Unis où les indicateurs
d’activité restent robustes avec une croissance de 3,5 % au
troisième trimestre. La dynamique reste forte : 250 000 emplois
créés encore en octobre, avec une hausse du salaire horaire
de 3,1 %, ce qui porte le taux de chômage proche des plus bas
historiques à 3,7 %. L’issue des élections de Mid Term donne
une répartition des pouvoirs entre les deux chambres. Il s’agit
du scénario attendu qui n’a pas provoqué de réaction négative
sur les marchés. C’est une situation presque idéale qui pourrait
limiter les velléités quelquefois imprévisibles de Donald Trump
sans remettre en cause les acquis des baisses d’impôt et des
mesures de soutien de l’économie. Donald Trump risque d’être
ainsi limité dans son action domestique. Il peut se focaliser sur
la politique étrangère, et les sujets susceptibles de peser ne
manquent pas : Iran, Corée du Nord, « guerre commerciale vis-àvis
de la Chine… », les signaux envoyés sont pour l’instant contradictoires
et la réaction des marchés est vive à chaque déclaration,
ce qui montre qu’il s’agit d’un sujet majeur de préoccupation. La
rencontre entre le Président américain et son homologue chinois
le 30 novembre prochain lors du sommet du G20 à Buenos Aires
sera très importante : soit une voie de négociation plus constructive
s’ouvre, soit Donald Trump peut en profiter pour dénoncer
les avantages actuels et le manque de réciprocité de la Chine
et appliquer unilatéralement 25 % de taxes sur les importations
chinoises aux États-Unis. Cette éventualité appellerait probablement
des mesures de rétorsion (dévaluation du Yuan, blocages
administratifs pour les affaires avec les États-Unis…). Dans ce
cas, les réactions en chaîne sur l’économie et les autres pays
émergents seraient négatives. Nous continuons à penser que
la raison devrait l’emporter et que personne n’a vraiment intérêt
à s’engager dans une spirale négative. À suivre.
Enfin, à ces problématiques de fond s’ajoutent les risques
conjoncturels consécutifs à la hausse du pétrole. Le cours du
baril a plus que doublé lors des 18 derniers mois, ce qui peut
avoir un impact. Aux cours actuels, autour de 70 USD le baril,
il se situe dans une zone « neutre » idéale qui préserve les
intérêts des pays producteurs et qui ne devrait pas trop
pénaliser les pays consommateurs. Mais il y a un risque à la
hausse du fait de la conjonction d’un certain nombre de facteurs :
embargo américain vis-à-vis de l’Iran, problèmes de distribution
et de qualité sur le pétrole de schiste aux États-Unis…

Si la macroéconomie donne donc des signes de tassement,
mais toutefois pas de récession, les nouvelles provenant de
la micro-économie donnent désormais un panorama plus
modéré : les résultats d’ensemble publiés par les entreprises
restent globalement bons mais il y a eu plusieurs « profit
warnings » et les « guidances » apparaissent plus prudentes.
Aux États-Unis, le bilan trimestriel s’avère satisfaisant : près
de 80 % des entreprises qui ont publié leurs résultats ont
dépassé les attentes des analystes, avec une progression
moyenne des bénéfices de 23,5 % et des chiffres d’affaires
en progression de près de 9 %. Mais il convient de remarquer
que ces nouvelles étaient déjà intégrées dans les cours.
Les entreprises qui ont battu les attentes ont vu leurs cours
de bourse stagner dans l’ensemble alors que celles qui
ont déçu ont enregistré une sous performance médiane
de l’ordre de 5 %, avec quelquefois des replis de l’ordre de
20 %. Les investisseurs semblent donc douter des perspectives
futures, les marges bénéficiaires pouvant être affectées
par la hausse des coûts de production, la hausse des taux…
Pour l’instant, les analystes anticipent une progression de
l’ordre de 9 % des bénéfices des entreprises de l’indice
S&P 500 en 2019. En Europe, l’image diffère légèrement
jusqu’à présent et reflète la dynamique moins porteuse :
40 % seulement des entreprises qui ont publié battent
les attentes. Pour l’ensemble de l’année 2018, les bénéfices
ont été révisés à la baisse et nous attendons une progression
en masse de 5 % des bénéfices contre près de 10 %
initialement. Pour l’année prochaine, les perspectives restent
positives avec + 10 % mais les marchés semblent en douter
pour l’instant.
Quel scénario envisager ?
Les marchés craignent donc un « scénario noir », qui combinerait
ralentissement économique, hausse de l’inflation, fin des
politiques monétaires accommodantes et, de ce fait, hausse
des taux d’intérêt. Mais le pire n’est pas certain. Chacun
des facteurs de risque pris individuellement a une probabilité
d’occurrence qui est largement inférieure à 50 % d’après nos
analyses. Concernant la « guerre commerciale », nous avons
le sentiment que la raison l’emportera comme expliqué cidessus.
En Europe, les élections européennes risquent
d’être difficiles pour les partis pro-européens, mais c’est
probablement déjà dans les cours. Le cas de l’Italie retient
l’attention actuellement. Au vu des derniers sondages, c’est
la Ligue du Nord qui progresse au détriment du mouvement
« 5 étoiles », plus franchement hostile à la rigueur budgétaire
prônée par Bruxelles. Le scénario qui nous semble le plus
probable est celui d’un échec de la coalition actuelle avec,
à terme, une nouvelle coalition formée par la Ligue du Nord
et le parti de centre droit. Au final, un attelage plus libéral économiquement
et attaché à rester dans la zone Euro. En attendant,
il risque d’y avoir beaucoup de volatilité sur la dette italienne
au cours des prochains mois, mais il y aura un bon moment
pour l’acheter – car nous ne pensons pas que le scénario
d’éclatement de l’Euro se produise, même si il y aura une
représentation populiste antisystème accrue au sein du
nouveau parlement européen.
Reste la question des taux d’intérêt…

T A U X D ’ I N T É R Ê T

Comment investir dans un environnement
de fin de politiques monétaires
ultra accommodantes ?
Réduire les durations.
S’il n’y avait pas eu l’épisode de la crise italienne en zone Euro,
la logique aurait voulu que le rendement du Bund 10 ans se
situe autour de 0,75 %, niveau atteint en début d’année d’ailleurs.
En effet, la normalisation en cours de la politique monétaire
et les conditions économiques justifient un tel niveau. La BCE
a annoncé la fin de son programme d’achat de titres à partir de
l’année prochaine. Les taux directeurs ne devraient cependant
pas être modifiés dans les prochains mois et l’Eonia restera
en territoire négatif. Aux États-Unis, la Fed annoncera
probablement un nouveau relèvement des Fed Funds de
25 pb en décembre (actuellement à 2,00 %/2,25 %). Les
marchés attendent 3 ou 4 hausses supplémentaires en 2019
et la fin du cycle de resserrement est prévu pour le courant
2020, avec des Fed Funds autour de 3,25 %/3,50 %. À moins
d’une rechute claire en ralentissement/récession, il nous
semble donc inéluctable d’atteindre des niveaux de taux longs
plus « normaux » dans les prochains mois. Peut-être après les
élections européennes pour ce qui est de la zone Euro ? Le cas
est un peu différent aux États-Unis. Les rendements obligataires
ont déjà remonté parallèlement à la croissance et au durcissement
monétaire opéré par la Fed. Le 10 ans T-Notes américain se
stabilise désormais entre 3,00 % et 3,20 %. La logique historique
de ces 30 dernières années voudrait qu’il soit proche du niveau
des Fed Funds à la fin du cycle actuel, soit autour des niveaux
actuels selon les « futures » de marché, soit plutôt autour de
3,50 % selon la moyenne des prévisions des membres de la
Fed, et ce à horizon mi-2020. Rien de bien dangereux selon
nous pour les marchés : on semble loin d’un « krach » obligataire.
Il convient cependant de conserver des sensibilités
modérées à ce stade à notre avis.
Trouver des poches de sous-valorisation.
Difficile sur le crédit « Investment Grade ». Si les spreads(1)
ont remonté, ils ne nous semblent pas encore assez attractifs
pour immuniser contre le risque de sensibilité à la remontée
des taux d’intérêt. La thématique des obligations indexées
contre l’inflation nous semble intéressante, surtout que
les « breakevens(2) » ont rebaissé sensiblement en zone Euro,
autour de 1,30 % à 10 ans en Allemagne et en France et moins
de 1,00 % en Italie. Il convient de s’y positionner dans une
perspective de moyen terme.
Concernant les obligations européennes « High Yield », nous
attendions un écartement supplémentaire de 50 points de
base avant de repasser franchement positif. Il s’est produit en
octobre. Nous pouvons désormais construire des portefeuilles
bien diversifiés sur ce segment avec un rendement supérieur
à 5,00 % à horizon 5 ans, ce qui nous semble attractif.
De même, nous considérons que nous sommes « également
bien rémunérés » pour le risque sur les obligations émergentes
en devises locales. Elles ont bien résisté en octobre, les principales
devises s’étant stabilisées dans l’ensemble. Le Réal brésilien

a même progressé avec l’élection du nouveau
Président car son programme libéral
séduit les marchés. De nombreux spécialistes
considèrent que les monnaies émergentes
restent sous-évaluées globalement.
Le rendement est élevé à près de 8,50 %
sur un panier équilibré de dettes gouvernementales
de près de 5 ans de maturité.
Les obligations convertibles semblent
encore intéressantes pour leur convexité
plus que pour les rendements offerts. Par
ailleurs, la volatilité implicite(3) a remonté à
près de 30 en Europe mais se situe plutôt
dans des bas de fourchette depuis quelques
années, et s’explique par les flux qui sont
sortis cette année de la classe d’actifs.

A C T I O N S

Faut-il acheter franchement
maintenant ?
Après une correction de plus de 10 %
depuis les plus hauts niveaux de l’année,
les valorisations des actions – et particulièrement
européennes – nous semblent
attractives, en absolu et également en
comparaison des autres classes d’actifs.
D’ailleurs, et en dépit de la hausse de la
volatilité de ces dernières semaines, les
modèles d’allocation que nous utilisons
n’ont pas réduit la part des actions. Le
PER(4) 2018 de l’indice S&P 500, c’est-àdire
sur des résultats désormais pratiquement
connus, est à moins de 17, celui de
2019 est à 15,5 avec une progression des
résultats de près de 9 % attendue pour
l’année prochaine. Cela reste historiquement
très convenable. En Europe, ces
chiffres s’établissent respectivement à 13,7
et 12,5, avec un rendement des dividendes
qui a monté à 3,7 % désormais.
Si notre scénario se déroule, il convient de
privilégier les valeurs qui bénéficieraient
d’une tension modérée des taux obligataires
et qui sont très décotées actuellement
: banques européennes, automobile, certaines industrielles…
Globalement, nous restons toutefois encore
neutre sur les actions car la phase de
correction actuelle peut durer et l’appétit
des investisseurs semble encore modéré.
Nous passerions franchement à l’achat si
des replis supplémentaires de 5 % à 10 %
se produisaient, particulièrement sur les
actions européennes qui sont très peu
détenues actuellement par les investisseurs
internationaux.
Enfin, nous réitérons notre vue positive
sur l’or, qui a nettement sous-performé les
autres actifs financiers ces derniers mois,
et qui pourrait bénéficier de la conjonction
d’un certain nombre de facteurs positifs :
stabilisation, voire baisse du dollar, remontée
de l’inflation et tensions politiques.

Notre scénario central

Nous sommes passés de positif à
neutre sur les actions en mai dernier.
Depuis, les indices ont perdu près
de 10 % en Europe. Il y a beaucoup
d’éléments de risques, mais qui sont
à notre avis partiellement intégrés
dans les cours et les valorisations
d’ensemble des actions sont très
convenables. Nous avons donc failli
repasser positifs ! Nous pensons
cependant que la phase de volatilité
et de consolidation peut durer encore
quelques semaines.
Au final, nous voyons une situation
de marché un peu « classique » de
consolidation qui est davantage liée
à des craintes de ralentissement
économiques et financières que
systémiques. Un scénario du type
été 2015/février 2016 nous semble
possible. À cette époque, les actions
avaient consolidé de près de 20 % en
extrême en Europe et de près 10 %
aux États-Unis… avant de reprendre
un chemin haussier.

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