
Par Thomas Jaquet, Responsable France chez Freedom24
Le sentiment général du marché penche fortement vers la peur. L’indice CNN Fear & Greed, un indicateur largement suivi des émotions des investisseurs, a récemment fait état d’une « peur extrême » – alimentée par des pressions tangibles telles que les droits de douane frappant les principaux partenaires commerciaux des États-Unis et une réévaluation des attentes en matière de croissance.
Le même sentiment émerge dans l’enquête AAII Investor Sentiment Survey, qui fait état d’un pessimisme extrême. Cela démontre un grand changement depuis la fin de l’année 2024, où les sentiments variaient entre l’avidité et la neutralité. Désormais, les investisseurs semblent inquiets à cause de l’escalade de la guerre commerciale, des risques de récession et de l’incertitude géopolitique.
Cependant, cette “peur record” peut être vue comme un signal d’achat potentiel en cas de ralentissement. Ce n’est pas de l’optimisme prudent, car il y a trop de panique pour cela, mais ce n’est pas non plus du désespoir total. Dans ce chaos, les investisseurs expérimentés peuvent trouver des opportunités en adoptant une approche prudente.
Les droits de douane peuvent-ils combler le déficit américain ?
Les droits de douane récemment imposés par le président Trump devraient générer des revenus importants, mais il est peu probable que ces revenus réduisent de manière significative le déficit budgétaire des États-Unis. Selon les données, les droits de douane pourraient rapporter environ 60 à 65 milliards de dollars par an, soit un total de 600 à 650 milliards de dollars sur une décennie. À titre de comparaison, le déficit budgétaire des États-Unis pour l’année fiscale 2024 était d’environ 1200 milliards de dollars. Cela suggère que si les droits de douane peuvent contribuer à augmenter les recettes fédérales, ils ne compenseront qu’une petite partie du déficit annuel.
De plus, l’impact économique plus large des droits de douane pourrait compliquer davantage les efforts de réduction du déficit. Il est donc peu probable que le déficit soit totalement couvert sans mesures supplémentaires. De potentielles réductions des importations dues à des coûts plus élevés, combinées à des mesures de rétorsion de la part des partenaires commerciaux, pourraient réduire les recettes prévues et aggraver le déficit commercial.
Les effets secondaires comme l’inflation et le ralentissement de la croissance compliquent également la situation. Bien que les droits de douane apportent des revenus supplémentaires, ils ne constituent pas une solution globale au problème du déficit et peuvent créer des problèmes économiques supplémentaires.
Incertitudes sur la récupération des marchés après les droits de douane de 2025
Il est difficile de dire combien de temps les marchés mettront à se remettre des pertes causées par les droits de douane imposés par Trump en 2025. Cela dépend de plusieurs facteurs. Actuellement, les droits de douane créent de la volatilité, les guerres commerciales s’intensifient et la croissance mondiale est sous pression. On estime qu’il faudra environ 12 à 24 mois pour se remettre, à condition qu’une solution soit trouvée.
Par le passé, comme lors du conflit commercial entre les États-Unis et la Chine en 2018-2019, les marchés se sont rétablis en un an à un an et demi après la fin des tensions. Cependant, la situation actuelle est plus complexe car elle implique plus de pays, comme le Canada, le Mexique et l’UE, ce qui pourrait retarder la reprise.
Le temps de récupération dépendra de la rapidité des négociations commerciales et de la réduction des mesures de rétorsion. Si Trump fait rapidement des concessions, la reprise pourrait commencer fin 2025 ou début 2026. Mais si la guerre commerciale s’aggrave, la reprise pourrait être retardée jusqu’à mi-2027, surtout avec le risque de récession. Les décisions de la Fed sur les taux d’intérêt et l’impact sur les bénéfices des entreprises joueront aussi un rôle crucial. Pour l’instant, il faut s’attendre à une période turbulente sans solution rapide tant que la situation politique ne se stabilise pas.
Risques de nouvelle baisse des marchés en cas d’intensification de la guerre tarifaire
L’aggravation de la guerre tarifaire est susceptible d’entraîner une nouvelle baisse des marchés à court terme, même si une grande partie du choc initial a déjà été intégré dans les prix. Lorsque Donald Trump a commencé à imposer des droits de douane – en ciblant d’abord le Canada, le Mexique et l’UE – les marchés boursiers, en particulier le S&P 500, le STOXX50 et le Nasdaq, ont souffert, chutant d’environ 20 à 27 % par rapport à leurs récents sommets. Cela suggère que le marché a absorbé la première salve, des secteurs tels que l’industrie, l’automobile et la technologie ayant été les plus touchés. Si les droits de douane s’étendent ou si les mesures de rétorsion s’intensifient, les marchés pourraient baisser encore de 5 à 10 %, surtout si les prévisions de bénéfices des entreprises sont révisées à la baisse.
Le marché a déjà réagi aux nouvelles sur les droits de douane depuis fin 2024, ce qui explique pourquoi une partie de la panique est déjà intégrée. L’indicateur de peur VIX reste élevé (environ 50-60), montrant une inquiétude continue, mais il n’a pas atteint le niveau record de 90.
L’impact réel dépendra de la durée et de l’intensité de la guerre commerciale. Si elle est courte et intense avec des décisions rapides, l’incertitude pourrait diminuer rapidement. Mais si elle s’intensifie et dure, il faut s’attendre à de nouvelles baisses, car les coûts de la chaîne d’approvisionnement et les craintes d’inflation augmenteront.

« Le climat actuel des marchés financiers est dominé par une peur intense, alimentée par les droits de douane et les tensions commerciales croissantes. La reprise des marchés dépendra largement de la rapidité des négociations commerciales et de la réduction des mesures de rétorsion. Si la guerre commerciale s’intensifie, les marchés pourraient subir de nouvelles baisses, avec des impacts négatifs sur la chaîne d’approvisionnement et une augmentation des craintes d’inflation. Dans ce contexte, les investisseurs doivent rester vigilants et développer des stratégies de diversification et des investissements dans des secteurs moins exposés aux tensions commerciales. », Thomas Jaquet, Responsable France chez Freedom24.