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Après vingt ans d’ample mondialisation, la crise financière mondiale de 2007-2009 a marqué une rupture. Si l’implosion du système économique a été évitée, son cours a profondément changé et cela d’autant plus que plusieurs grandes crises se sont succédé. Les pays émergents ont pris conscience de la fragilité des pays occidentaux. Ces derniers sont de plus en plus confrontés à la segmentation de leur population et à la montée en puissance de forts courants populistes. Les tentations protectionnistes se sont multipliées notamment aux États-Unis. L’Union européenne a été depuis quinze ans confrontée à la crise des dettes souveraines, au Brexit et à la guerre en Ukraine. La Chine qui a été durant vingt ans le moteur de la croissance mondiale est apparu comme l’une des grandes gagnantes de la crise financière. Elle avait même, en 2020, réussi à échapper à la récession mondiale provoquée par l’épidémie de covid dont elle serait pourtant à l’origine. Or, depuis deux ans, le pays est confronté à une série de défis qui remettent en cause son modèle de développement. 

 

La politique du zéro covid maintenue jusqu’au début de l’année 2022 a entraîné un profond ralentissement de l’économie. Son abandon a été suivi d’un rebond de courte durée. La crise immobilière latente depuis des années a pris des formes plus aigües depuis deux ans, plusieurs promoteurs immobiliers rencontrant de réelles difficultés financières. Les perspectives de croissance de la Chine semblent structurellement plus faibles – une des raisons pour lesquelles l’agence de notation, Moody’s, a décidé le 5 décembre dernier, tout en maintenant la note de la Chine inchangé (A1) de la placer sous perspective négative signifiant qu’elle pourrait l’abaisser à moyen terme. Au-delà de l’immobilier, la Chine doit faire face au ralentissement du commerce international sur fond de montée du protectionnisme, au  vieillissement démographique et à la transition énergétique. Le 12 décembre dernier, la Conférence centrale sur le travail économique du Parti communiste a souligné la nécessité de rebâtir une croissance pour les prochaines années. Elle a établi une liste de priorité dans les domaines suivants :

 

  • augmenter les efforts en faveur des innovations scientifiques et technologiques afin de moderniser l’industrie ;
  • accroître la demande interne pour être moins dépendant des exportations ;
  • augmenter le niveau de gamme de la production chinoise
  • évaluer les risques pesant sur les secteurs clefs de l’économie et disposer des moyens pour les prévenir
  • encourager l’agriculture et soutenir les zones rurales ;
  • développer le lien urbain/rural ;
  • promouvoir une croissance en phase avec les objectifs de lutte contre la réduction des gaz à effet de serre ;
  • garantir et améliorer les moyens de subsistance de la population.

 

Les travaux de la conférence servent de base à la fixation de la prévision de croissance pour 2024, qui sera annoncée en mars. La plupart des prévisionnistes estiment qu’elle ne devrait pas dépasser 5 %. Moody’s prévoit même un taux de 4 %. 

 

La Chine est ainsi entrée dans un processus de banalisation de sa croissance. Compte tenu de ses fondamentaux, elle ne peut guère espérer revenir à un taux de croissance se situant entre 6 et 10 %. Le déclin de sa population active et la tertiarisation des activités ainsi que les moindres gains de productivité l’exposent à une croissance plus lente. Le pays doit en outre gérer l’atterrissage de son marché immobilier. Dans le passé, les ventes étaient stimulées par la demande spéculative d’acheteurs qui pensaient que les prix augmenteraient. À l’avenir, le marché devra répondre principalement à la demande fondamentale des acheteurs désireux d’acquérir un logement neuf ou de meilleure qualité. Pendant des années, les Chinois ont acquis des logements pour préparer leur retraite. L’absence de locataires risque de peser sur les revenus des retraités dont le nombre augmente rapidement avec le vieillissement de la population. Le marché immobilier chinois est saturé. La surface habitable est de 42 m² par personne, selon le recensement de 2020 ; un ratio comparable à celui de nombreux pays européens. Ces derniers n’ont pas le monopole de la baisse des transactions. En Chine, celles-ci se sont contractées de 40 % entre 2019 et 2023, ce qui met sous tension les promoteurs immobiliers. La crise immobilière place également en difficulté de nombreuses collectivités locales qui tiraient profit de la vente de terrains. Ces dernières disposent de structures de financement en lien avec l’immobilier ce qui les place en grande difficulté financière. Le gouvernement central souhaite éviter un effet domino tout en évitant de se lancer dans un large plan de sauvetage qui grèverait les finances publiques et qui pourrait déresponsabiliser les acteurs locaux. 

 

Quoi qu’il en soit, l’immobilier ne sera pas, dans les prochaines années, un moteur de croissance pour la Chine. Les responsables politique de ce pays tablent désormais sur trois nouveaux leviers comprenant les voitures électriques, les batteries lithium-ion et les énergies renouvelables. Pour le moment, ces industries ne représentant que 3,5 % du PIB chinois, contre 23 % du PIB pour l’immobilier, en prenant en compte la soustraitance et les implications financières pour les finances locales. Les nouveaux secteurs industriels seront moins créateurs d’emplois que le bâtiment. Ce secteur avait l’avantage d’’intégrer des salariés peu formés ce que ne pourra faire les secteurs de haute technologie. 

 

La crise immobilière tout comme l’épidémie de covid ont porté atteinte à la confiance des consommateurs chinois. Cela les a conduits à augmenter leur taux d’épargne en annulant ou en reportant certains achats. Des économistes craignent qu’une nouvelle baisse des prix de l’immobilier n’inhibe la consommation en nuisant à la richesse des Chinois, les poussant à mettre plus d’argent de côté. D’un autre côté, la fin de la bulle immobilière permettrait des dégager des sommes pour la consommation. L’économiste Hui Shan de Goldman Sachs affirme que les ventes au détail, à l’exclusion des voitures et de l’ameublement sont corrélées de manière négative aux prix de l’immobilier. Quand les logements deviennent moins chers, les ventes au détail augmentent un peu plus rapidement. 

 

Face à la remise en cause de son modèle de croissance, la Chine à défaut de trouver des solutions économiques, pourrait être tentée par un coup de force en organisant par exemple un blocus de Taïwan afin d’imposer des négociations. Jusqu’à maintenant, les autorités chinoises ont fait preuve d’une relative prudence en la matière sachant qu’elles avaient plus à perdre qu’à y gagner en engageant un bras de fer avec les États-Unis. Cette prudence pourrait disparaître en cas de dégradation de la situation économique et en cas d’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis au mois de novembre 2024. Une montée du protectionnisme outreAtlantique, remettant en cause les intérêts de la Chine, pourrait inciter ce pays à défier la première puissance mondiale. 

 

Par le cercle de l’épargne

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