Après un mouvement important de vente sur les marchés du crédit, les rendements ont atteint des niveaux qui, selon nous, devraient protéger les investisseurs de la volatilité future tout en offrant un revenu attractif.
Avec les hausses spectaculaires des taux qui ont impacté les marchés obligataires mondiaux, les craintes croissantes de récession, la persistance d’une inflation élevée et les prix élevés de l’énergie, 2022 est une année difficile pour les marchés financiers, y compris le crédit. Cependant, après des décennies de taux d’intérêt bas et de gestion de crise macro-financière envoyant les taux d’intérêt réels en territoire négatif, l’environnement d’investissement pour les épargnants a profondément changé. Les revenus du crédit sont de retour et nous pensons qu’ils resteront probablement en tête des priorités d’investissement pendant un certain temps.
Une hausse rapide et fulgurante des taux
À la fin du mois de septembre, les marchés mondiaux des obligations d’entreprises avaient chuté de 18 % depuis le début de l’année;1 une évolution sans précédent au cours des deux dernières décennies. Les deux tiers de cette performance négative sont dus à la hausse des taux d’intérêt, et seulement un tiers à l’élargissement des spreads.
Le changement radical de l’environnement inflationniste post-Covid – l’inflation de la zone euro est passée de -0,3 % à 10 % en termes annuels2 – a contraint les plus grandes banques centrales à relever leurs taux d’intérêt. Cette tendance se poursuivra probablement au début de 2023. Les marchés anticipent désormais que la Réserve fédérale américaine portera ses taux directeurs à au moins 4,5 % d’ici la fin du premier trimestre 2023,3 tandis que les taux directeurs de la Banque Centrale Européenne devraient atteindre 2,75 % d’ici la mi-2023.4 Les deux institutions devraient laisser les taux d’intérêt élevés pendant un certain temps.
Aujourd’hui, les acteurs du marché et les banques centrales semblent mieux alignés en termes de trajectoire future des taux d’intérêt. Bien que le risque d’une surprise négative ne puisse être sous-estimé, il est peu probable qu’elle soit similaire à ce que les marchés financiers ont enduré cette année. Il est alors raisonnable de penser que la plupart des resserrements des taux directeurs soient incorporés dans le prix actuel des taux à court terme.
Les primes du marché du crédit ont incorporé une récession
La prime du marché du crédit par rapport aux obligations d’État les plus sûres a sensiblement augmenté. Dans la catégorie “investment grade”, la prime moyenne est passée de 96 à 181 points de base,5 tandis que dans la catégorie “high yield”, l’écart moyen est passé de 400 à 622 points de base.6
Cette hausse des primes de crédit est le reflet logique de la détérioration du climat économique, de la compression des marges des entreprises et de la diminution de la liquidité mondiale. Toutefois, les spreads de taux sur les marchés mondiaux du crédit se situent actuellement à près de 70 points de base au-dessus de leur moyenne sur cinq ans.1 Au cours des deux dernières décennies, lorsque ce niveau était atteint, cela indiquait que les marchés pensaient qu’une récession était imminente. Par conséquent, nous pensons que les spreads actuels intègrent une prime de “récession modérée”.
Les fondamentaux des entreprises apparaissent plus résistants
Les bilans des entreprises ont été mis à l’épreuve par la crise de Covid, mais ils sont devenus résilients. Si nous pensons que les taux de défaut vont augmenter par rapport aux niveaux historiquement bas de début de 2022, il est peu probable qu’ils atteignent les cycles de récession précédents. Les crédits les plus vulnérables (high yield) ont contenu leur ratio d’endettement pendant la crise Covid et ont depuis maintenu des niveaux élevés de liquidités dans leurs bilans. Les besoins en financement ayant été satisfaits en 2021 en prévision de temps plus difficiles, il n’est pas urgent pour ces entreprises de se présenter sur le marché en 2023 si les conditions de marché ne sont pas favorables. Entre-temps, les prix élevés de l’énergie devraient empêcher le secteur de l’énergie de contribuer au cycle de défaut, comme lors des précédents ralentissements économiques. Malgré cela, le marché est excessivement pessimiste, les spreads de crédit européens prévoyant un taux de défaut cumulé de 44 % au cours des cinq prochaines années,7 un niveau que nous estimons excessif.
Les valorisations du marché du crédit se sont améliorées
Selon nous, la combinaison de rendements plus élevés et de spreads plus larges a considérablement amélioré les valorisations et a radicalement changé les perspectives de performance des marchés du crédit. En comparaison, les rendements moyens des obligations européennes investment grade sont passés de 0,5 % à 4,15 %8 depuis le début de l’année, tandis que les rendements des obligations high yield sont passés de moins de 3 % à 8,25 %.9Les marchés américains du crédit ont connu des évolutions similaires. Pendant des années, les épargnants ont dû faire face à des rendements globaux très bas. Pourtant, aujourd’hui une allocation au marché mondial du crédit de notation moyenne investment grade10 avec une sensibilité limitée aux taux d’intérêt est désormais capable d’offrir un rendement brut en euros supérieur à 5 %.
Les nouvelles valorisations actuelles des marchés obligataire permettent aux rendements d’agir comme un bouclier contre la volatilité future des marchés financiers. Le mécanisme est simple : il faudrait que le rendement actuel soit effacé avant que l’investisseur ne perde de l’argent. En fait, certaines simulations effectuées à la fin du mois de septembre ont montré qu’une hausse similaire des rendements et des spreads, observée depuis le début de l’année n’entraînerait pas de pertes si l’investisseur choisissait un mandat global crossover.10
Rééquilibrage des actions vers les obligations
Les faibles rendements du début de l’année 2022 ont amené la plupart des portefeuilles mondiaux à préférer les actions aux obligations. La perspective de dividendes résilients et de programmes de rachat d’actions offrait une meilleure valeur. Cette situation a radicalement changé avec les prix et les rendements d’aujourd’hui. La récession étant un scénario très plausible, la croissance des bénéfices est incertaine et pourrait être négative pendant quelques trimestres. Le rendement des dividendes du S&P50010, un marché d’actions américain de référence, est à peine de 1,7 % au troisième trimestre 2022, ce qui est bien inférieur au rendement de 5,74 % du marché investment grade américain.11
Les rendements obligataires sont de retour
Les investisseurs désireux de protéger leur portefeuille d’épargne contre une volatilité excessive des marchés financiers ne devraient plus ignorer les opportunités offertes par les marchés mondiaux du crédit après une période prolongée de faibles performances. Selon nous, les valorisations actuelles offrent un flux de revenus attractif et prévisible pour les investisseurs à moyen terme et il est temps d’en profiter.
Toutes les données sont arrêtées au 30 septembre 2022, sauf indication contraire..
Ce document ne doit pas être considéré comme une prévision, une recherche ou un conseil en investissement, et ne constitue pas une recommandation
, une offre ou une sollicitation pour acheter ou vendre des titres ou adopter une stratégie d’investissement. Les opinions exprimées par Muzinich & Co sont en date d’octobre 2022.
- ICE Index Platform, ICE BofA ML Global Corporate & High Yield Index (GI00)
- Eurostat, 31st December 2020 to 30th September 2022
- Bloomberg, Fed Fund rates, Federal Reserve as priced by forward markets
- Deposit Facility Rate, European Central Bank
- ICE Index Platform, ICE BofA Global Large Cap Corporate Index (G0LC) 31st December 2021 to 30th September 2022
- ICE Index Platform, ICE BofA Global High Yield (HW0C) from 31st December 2021 to 30th September 2022
- Bloomberg, ITraxx Crossover Index, with 40% recovery rate assumption
- ICE Index Platform, ICE BofA Euro Corporate Index (ER00)
- ICE Index Platform, ICE BofA European currency High Yield Constrained Index (HEC0)
- Bloomberg, Standard & Poor’s, as of 30th September 2022.
11.ICE Index Platform, ICE BofA ML US Corporate Index (C0A0, as of 30th September 2022
FOR PROFESSIONAL/ WHOLESALE CLIENTS & QUALIFIED/ ACCREDITED/ INSTITUTIONAL INVESTORS ONLY
Descriptions des indices
GI00 – L’indice ICE BofA ML Global Corporate & High Yield suit la performance des obligations d’entreprises de qualité investment grade et de qualité inférieure à investment grade émis publiquement sur les principaux marchés nationaux et européens. Les titres admissibles doivent être notés par Moody’s, S&P ou Fitch, avoir une durée résiduelle d’au moins un an jusqu’à l’échéance finale, une échéance d’au moins 18 mois au moment de l’émission et un calendrier de coupons fixes.
G0LC – L’indice ICE BofA Global Large Cap Corporate Index (G0LC) suit la performance des obligations d’entreprises de grande capitalisation notées investment grade émis publiquement sur les principaux marchés nationaux et européens. Les titres admissibles doivent avoir une notation investment grade (basée sur la moyenne de Moody’s, S&P et Fitch). En outre, les titres admissibles doivent avoir une durée résiduelle d’au moins un an jusqu’à l’échéance finale, au moins 18 mois jusqu’à l’échéance finale au moment de l’émission et un calendrier de coupon fixe..
HW0C – L’indice ICE BofA ML Global High Yield Constrained contient tous les titres de l’indice ICE BofA ML Global High Yield (HW00), mais l’exposition aux émetteurs est limitée à 2 %.
ER00 – L’indice ICE BofA ML Euro Corporate suit la performance de la dette d’entreprise investment grade libellée en euros et émise publiquement sur les marchés nationaux en Europe ou des membres de l’Euro. Les titres éligibles doivent être notés investment grade (sur la base d’une moyenne de Moody’s, S&P et Fitch), avoir une échéance finale d’au moins 18 mois au moment de l’émission, une durée résiduelle d’au moins un an jusqu’à l’échéance finale, un calendrier de coupons fixes et un encours minimum de 250 millions d’euros.
HEC0 – L’indice ICE BofA ML Euro High Yield Constrained Index contient tous les titres de l’indice ICE BofA ML Euro High Yield Index (HE00) mais l’exposition aux émissions est limitée à 3%.
ICE BofAML US Corporate Index (C0A0) – L’indice ICE BofAML US Corporate Index suit la performance de la dette d’entreprise investment grade libellée en dollars américains et émise publiquement sur le marché intérieur américain.
Call ou non call des obligations hybrides : le cas Naturgy
Entreprises citées :
Naturgy, Casino, Rallye, EDF, Suedzucker, Aryzta, Faurecia, BNP Paribas, Bourbon
Si de plus en plus d’investisseurs préparent leurs tickets d’achats sur le marché obligataire, la situation n’évolue pour le moment pas en termes de niveaux de rendement et de volatilité, tant la crainte reste le sentiment dominant pour le moment… Heureusement quelques éléments concrets des entreprises viennent parfois remettre quelques briques bien matérielles au milieu de ce marasme d’émotivité qui emmène parfois les taux et les réflexions sur des terrains bien étonnants… Nous parlions de l’emprunt bancaire de Faurecia fin septembre, nous parlerons aujourd’hui des obligations hybrides de l’émetteur espagnol Naturgy.
Naturgy est une entreprise espagnole de taille moyenne active à la fois dans la production, les réseaux et l’approvisionnement d’électricité et de gaz ; avant 2018 elle se dénommait Gaz Natural. Comme toutes les entreprises du genre, au métier stable et aux besoins de financements élevés du fait des coûts d’infrastructures, Naturgy fait régulièrement appel au marché obligataire pour se financer, qu’il s’agisse d’obligations senior ou d’hybrides, au nombre de trois actuellement.
Rappelons en amont que les obligations hybrides sont dénommées ainsi car elles sont à la croisée des chemins entre dette et fonds propres, entre obligations et actions. Ce sont ainsi des obligations perpétuelles, dotées de coupons fixes qui peuvent être supprimés ou reportés en fonction de clauses spécifiées en amont dans le prospectus, et qui peuvent être remboursées au gré de l’émetteur selon un calendrier prédéfini : les fameux « calls émetteurs ».
Pour l’investisseur, ces outils mixtes sont plus risqués – absence de maturité fixe et certaine, suspension possible des coupons, subordination en cas de défaut- et offrent donc plus de rémunération.
Pour l’émetteur, ils permettent d’émettre de la dette qui sera considérée, par les agences de notation, comme un mix « dette/action », en général avec une pondération à 50% chacun, ce qui est souvent appelé clause « equity ». Ils permettent donc d’améliorer la notation de crédit d’un émetteur bien que ce soient des produits de dette, à la condition de respecter un fonctionnement défini par les agences elles-mêmes, à savoir, en général, rappeler au premier call et refinancer par de nouvelles obligations équivalentes.
Les hybrides corporates ont donc une utilité légèrement différente des hybrides bancaires, puisqu’elles ne servent à renforcer les fonds propres que du point de vue des agences de notation et des investisseurs qui leur font confiance alors que les hybrides bancaires peuvent être utilisées par le régulateur comme coussin d’absorption pour les banques. On a d’ailleurs vu beaucoup par le passé plus de déconvenues et d’imprévus dans les hybrides bancaires que dans les hybrides corporates.
Pour profiter au maximum de ces outils, les émetteurs ont donc l’habitude de rembourser ces obligations et d’en réémettre de nouvelles équivalentes, pour des raisons qui dépendent plutôt de considérations comptables et de notation crédit que pour des raisons purement économiques.
En effet, a priori, on pourrait se dire qu’un émetteur rembourse une dette perpétuelle uniquement s’il peut se financer à meilleur compte ou proche.
Mais pourquoi faire un hebdo sur les hybrides aujourd’hui ? Parce que les taux montent ! Et alors quel rapport ?
Ces dettes sont perpétuelles et peuvent donc être remboursées ou… pas. Or pendant une décennie, les taux étaient sur des niveaux historiquement bas. Les émetteurs ont donc profité au maximum de cette fenêtre pour émettre des obligations hybrides aux coupons extrêmement bas, entre 1% et 3% parfois. S’ils devaient remplacer ces hybrides aujourd’hui, avec la hausse des taux et la hausse des primes de crédit, ils paieraient, pour le même type d’instrument, deux à dix fois plus ! Même émettre des obligations seniors coûterait aujourd’hui plus cher que quelques anciennes hybrides émises il y a quelques années…
Comme pour les banques lors de la crise financière de 2008, la question se pose donc : pourquoi un émetteur ne conserverait-il pas, à perpétuité, ou du moins tant que les taux ne rebaissent pas massivement, cette source de finance
ment à bon compte ? Le ratio économie de coût / insatisfaction des agences de notation et des investisseurs ne peut-il pas être très favorable pour une entreprise ?
Ainsi, parmi les premiers émetteurs encore en vie (car souvent le non call d’hybrides fut tout de même le prélude à un défaut ou à une restructuration, comme dans le cas récent de Bourbon) n’ayant pas rappelé leurs obligations hybrides, trouve-t-on Suedzucker, Aryzta (qui pourrait bien changer sa politique prochainement…) et le sempiternel Casino, forcé par son actionnaire Rallye d’utiliser tous les subterfuges possibles pour favoriser le patrimoine de son bénéficiaire final au détriment de toutes les autres parties prenantes…
Mais revenons à Naturgy. L’une de ses hybrides, d’un montant en circulation équivalent aux deux autres, soit 500M€, était depuis quelques semaines entré dans sa période de premier call. Son coupon avant call était de 4.125% et basculait en taux variable ensuite avec un premier fixing qui l’estimait autour de 6.5%. Certes, ce coupon grimpait mais il était clairement en deçà des niveaux actuels de rendement du marché, au vu du stress majeur et de la quasi-impossibilité de placer de nouvelles obligations hybrides actuellement. Naturgy avait alors trois choix :
- Rembourser l’obligation et tenter d’en émettre une nouvelle pour la remplacer :
- Naturgy respecte les attentes des agences de notation et du marché
- Ses autres hybrides et la nouvelle conservent leur clause « equity »
- Le coût d’emprunt de la nouvelle obligation se situe autour de 9% au vu des conditions de marché actuel, soit beaucoup plus que le coupon de 4.125% payé jusqu’à présent et passant à 6.5% post- date de call
- Rappeler sans remplacer par une nouvelle obligation :
- Naturgy respecte les attentes du marché
- Les métriques de crédit se détériorent très légèrement du fait de la suppression d’une hybride comptée à 50% en fonds propres.
- L’entreprise profite de son matelas de cash conséquent pour économiser le coupon de cette obligation
- S&P supprime le ratio « equity » de toutes les hybrides de l’émetteur, soit l’équivalent de 750M€, ce qui peut dégrader le rating.
- L’entreprise peut communiquer sur ses plans à venir pour contrecarrer cet effet collatéral
- Ne pas rembourser du tout cette hybride
- La maturité escomptée à quelques jours devient une perpétuité
- Le prix des hybrides chute violemment, la réputation de l’émetteur se dégrade, au moins temporairement
- L’entreprise économise 3% de coupon par rapport à l’émission d’une nouvelle obligation (9% – 6.5% environ)
- S&P supprime le ratio « equity » de cette hybride seulement et conserve les autres, soit l’équivalent de 250M€
Depuis, quelques jours, alors que la date limite d’annonce de premier call s’approchait (18 octobre) et que le pessimisme prégnant du marché n’aidait pas à une réflexion sereine, des articles fleurissaient, en particulier sur Bloomberg, affirmant que Naturgy pourrait avoir plus intérêt à opter pour la 3ème solution que pour les deux autres, rendant les investisseurs particulièrement fébriles.
C’était oublier que les arguments principaux utilisés étaient toujours les mêmes :
- La pure technique financière de court terme sans prise en compte des autres équilibres de l’entreprise
- La procyclicité autoréalisatrice des marchés financiers
- Les desideratas d’agences de notation dont on connaît aussi la procyclicité, le retard et l’absence de jugement de bon sens dans les situations les plus critiques…
Voici donc l’argument qui était utilisé :
- Le coût de nouvelles obligations serait prohibitif actuellement
- Les obligations en circulation sont extrêmement rentables pour Naturgy en termes économiques
- Naturgy peut optimiser son coût d’emprunt tout en satisfaisant les agences de notation pour ne pas voir son rating dégradé
- La meilleure solution est donc la 3eme
Et plus le délai du call approchait, plus les obligations devenaient illiquides et s’éloignaient du prix de remboursement de 100 et plus les observateurs actualisaient sur la rente un taux devenu absurde… Un titre à un mois valant 98 et offrant « en théorie » près de 25% de rendement. Mais en réalité, c’est simplement une décote de prix due à l’incertitude et personne ne gagnera 25% sur la période. Affirmer ensuite qu’en cas de non call, les obligations Naturgy devraient être pricées sur la rente à 12% ou 13% de rendement est une erreur puisque c’est justement parce qu’il n’avaient pas annoncé leurs intentions que le prix était à 98% ! En cas de call, le raisonnement est sans objet, en cas de non-call, l’émetteur reste solide, l’incertitude se réduit et, après une situation épidermique probable, les obligations pouvaient rejoindre d’autres hybrides à calls longs entre 80% et 90% du nominal, soit 7% à 8% de rendement. Une déconvenue donc possible mais pas à la hauteur des craintes de certains analystes…
Mais c’était aussi oublier, comme pour Faurecia, les équilibres et les solutions de Naturgy :
- Un matelas de cash de 10Mds€ : pourquoi payer un coupon à 6,5% et se mettre à dos les investisseurs pour quelques mois, le tout pour un coussin « equity » de 250M€ alors qu’on dispose de cet amas de cash, probablement loin d’être rémunéré à 6% ?
- Un horizon long : l’entreprise peut très bien avancer, si elle souhaite conserver l’utilité de ses autres hybrides pour sa notation, prévenir les agences qu’au vu des conditions de marché, il est préférable de patienter quelques mois pour remplacer son hybride. Est-on vraiment au jour près quand on parle d’obligations perpétuelles ?
- La dégradation liée au call de cette obligation est de moins de 0.5x de levier, celui-ci passerait ainsi d’environ 3.3x à 3.5x environ, soit un niveau restant tout à fait modeste et ne dégradant pas suffisamment la notation pour qu’elle passe même un cran
- Naturgy est dans le secteur de l’énergie, secteur dont on sait qu’il n’a jamais dégagé autant de bénéfices tant les prix ont bondi ! Quel intérêt pour un émetteur en plein boom de recourir aux subterfuges des entreprises les plus fragiles et/ou aux plus mauvaises réputations, Casino/Rallye en étant peut-être le parangon avec ses hybrides qui traitent aujourd’hui autour de 15% du nominal, pour s’efforcer de gagner quelques dixièmes de ratio de levier alors qu’elle peut les gagner en quelques mois de free cash flows ?
Bref, pour conclure, Naturgy a bien annoncé hier le remboursement de ses obligations perpétuelles, rassurant les investisseurs, dont les gérants Octo AM qui finissaient par être gagnés par le défaitisme du marché malgré leur foi en l’émetteur depuis plusieurs mois (nous mentionnerons ici les analystes de BNP, rare banque à émettre un avis tranché et juste sur le sujet quelques jours avant la date limite de call), et faisant fi des cahots des marchés financiers, comme Faurecia le faisait il y a quelques semaines. Le sujet Naturgy se répétera et il conviendra surtout de ne tirer aucune règle générale de ce cas particulier, chaque entreprise, chaque situation et chaque obligation hybride étant tout à fait spécifique. L’analyse et la décision finale d’un investisseur dépendra de la pondération des facteurs entre coût économique, coût réputationnel, bilan, notation, perspectives d’activité, et parfois même politique comme ce sera sans doute le cas pour EDF, autre entreprise aux nombreuses hybrides dont certaines sont assorties de calls courts à maturité quelques semaine
s…
A Propos d’Octo AM
Créée en 2011 à l’initiative d’Octo Finances et adossée au groupe Amplegest depuis 2018, Octo AM est spécialiste de la gestion obligataire ‘value’. S’adressant essentiellement aux investisseurs professionnels, qu’ils soient institutionnels ou patrimoniaux, Octo AM décline sa gestion au travers de fonds ouverts, fonds dédiés ou mandats avec un objectif permanent : rechercher les obligations offrant, selon le gérant, un rendement supérieur à son risque de crédit sur un horizon donné.