Par Christopher Dembik, conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet AM
Le dollar fort devrait rester la norme en 2025. Les investisseurs internationaux ne parient désormais plus que sur l’économie américaine. Conséquence : les flux entrants sur le marché américain atteignent des niveaux records, ce qui soutient structurellement la hausse des actions américaines et du billet vert. Par exemple, sur la semaine allant du 5 au 13 novembre, les ETF américains et les fonds communs de placement ont attiré 56 milliards de dollars. C’est le deuxième plus grand afflux hebdomadaire depuis 2008. C’est juste incroyable.
Historiquement, la force du dollar constitue un problème pour les pays émergents, ces derniers empruntant massivement en USD. Heureusement, la situation a radicalement changé par rapport à la période 2010-2013. Les pays émergents possèdent des fondamentaux plus solides. Ils ont mieux géré la crise Covid que les pays du G10. Enfin, ils ont un niveau de dette extérieur souvent inférieur à 60% du PIB et n’ont pas de problème majeur de soutenabilité de leur dette, à l’exception de l’Ukraine, pour des raisons évidentes.
Prenons l’Argentine. Il y a quelques trimestres de cela, le pays était au bord de la banqueroute. Le président Javier Gerardo Milei a mis en œuvre une thérapie de choc : baisse de 30% des dépenses publiques (seules les allocations universelles aux ménages ont été sanctuarisées), diminution du nombre de fonctionnaires (-75,000 en un an), suppression de plus de 50 agences de l’État, fin des transferts budgétaires aux provinces etc. Les premiers résultats sont encourageants : la croissance redémarre, la dérive des prix a été stoppée (inflation divisée par dix) et le déficit budgétaire qui était autour de 6% du PIB à son arrivée au pouvoir devrait être résorbé l’an prochain. Cela a créé quelques remous sur le peso, sans surprise. Mais ils ont été rapidement endigués par la banque centrale.
La Turquie était également dans une situation proche. Le retour à l’orthodoxie budgétaire et monétaire porte ses fruits : contrôle de l’inflation, dé-dollarisation du système financier, accroissement de la liquidité du marché des capitaux, amélioration nette de la balance des paiements via une baisse des importations (excédent de 3 milliards de dollars), hausse de la note de crédit du pays (B+ par S&P – soit à trois crans de l’investment grade) et baisse de la volatilité du taux de change de la monnaie locale.
Par le passé, les cycles haussiers du dollar étaient synonymes de crise des pays émergents. Mais ça, c’était avant. Il n’y a pas eu de défaut souverain cette année. Il n’y en aura certainement pas l’an prochain. L’histoire ne se répète pas toujours.
Perspectives
L’inflation en zone euro en novembre est la principale statistique de la semaine. Pas de surprise. L’inflation devrait continuer de renouer avec la cible de 2%, ce qui laisse une marge de manœuvre certaine à la Banque Centrale Européenne (BCE) pour poursuivre sa politique de baisse des taux. Certains analystes prévoient une accélération du rythme de baisse en raison des éventuelles taxes douanières de l’administration Trump. C’est mal connaître la BCE. Elle devrait continuer la stratégie des petits pas et opter pour une baisse de seulement 25 points de base du taux directeur en décembre.
Le saviez-vous?
Nvidia représente un quart des gains du S&P 500 cette année, selon les données de Bloomberg.