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L’incertitude géopolitique : une nouvelle constante dans la construction des portefeuilles

Par Julien Dauchez, Head of Portfolio Consulting & Advisory chez Natixis Investment Managers

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les gestionnaires d’actifs ont dû accorder une attention croissante aux enjeux géopolitiques dans la construction des portefeuilles. L’année 2024 a été exceptionnelle à cet égard : 58 élections ont eu lieu dans le monde, affectant fortement les flux d’investissement. On pense, par exemple, à la baisse du CAC 40 qui a suivi l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale en France, ou encore au rallye des actions américaines après l’élection de Donald Trump.

La démondialisation s’est ainsi progressivement inscrite dans les allocations. L’appétit croissant pour l’or en est l’un des signes les plus visibles. Amorcé par les banques centrales des pays du Sud souhaitant réduire leur exposition au dollar, il est désormais amplifié par les investisseurs en quête de protection face aux risques géopolitiques.

La fin de l’exceptionnalisme américain contraint les portefeuilles à trouver de nouvelles boussoles

Plus que les annonces de Donald Trump sur les nouveaux tarifs douaniers, c’est l’incertitude désormais généralisée qui pèse le plus actuellement sur l’esprit des investisseurs. Largement commentés, leur impact sur la croissance mondiale et l’inflation, les politiques monétaires et les résultats des entreprises, sont en réalité encore difficile à cerner.

Les investisseurs s’interrogent : quel sera l’impact final de ces mesures sur la croissance mondiale ? Sur l’inflation ? Et, par ricochet, sur les politiques monétaires et les bénéfices des entreprises ? Faute de visibilité, les réallocations s’opèrent par petites touches. On constate une réduction des expositions aux mégacapitalisations américaines, aux valeurs cycliques et aux secteurs à forts besoins d’investissement. Parallèlement, une rotation s’opère en faveur des actions européennes, perçues comme moins vulnérables au contexte actuel.

La défiance envers le dollar s’installe également. Les portefeuilles réduisent leur exposition au billet vert et aux actifs libellés en dollar, dans un contexte où l’exceptionnalisme américain est remis en cause. Cette évolution profite aux obligations souveraines européennes, qui retrouvent un certain attrait. Elle favorise également des actifs refuges comme l’or ou le franc suisse, ainsi qu’un regain d’intérêt pour les actifs émergents.

Vers la fin du modèle « 60/40 » ?

Dans ce nouvel environnement, la robustesse du modèle « 60/40 » – cette allocation classique combinant 60 % d’actions et 40 % d’obligations – est de nouveau questionnée. Si l’année 2024 avait permis un retour en grâce de cette approche, les premiers mois de 2025 en montrent les limites. En Zone Euro, ce type de portefeuille affiche une performance négative de -0,02 % depuis le début de l’année, après une progression de 6 % en 2024. La composante obligataire, censée jouer un rôle défensif, n’a progressé que de 1,4 % sur la période, alors même que le spectre d’un retour de l’inflation plane sur les marchés.

Sur le volet actions, l’exposition en dollar s’est révélée coûteuse : elle efface une bonne part des gains, en dépit d’une performance boursière mondiale en légère baisse en monnaie locale. Le véritable risque, aujourd’hui, réside dans une éventuelle re-corrélation entre grandes classes d’actifs. C’est précisément pour se prémunir contre ce scénario que les investisseurs intensifient leur diversification.

L’attention portée aux actifs alternatifs – tant liquides que non cotés – s’en trouve renforcée. Leur démocratisation, amorcée depuis quelques années, s’accélère à mesure que le besoin de résilience devient central dans la gestion des portefeuilles.

Dans un monde où la géopolitique, les barrières commerciales et l’inflation dictent de plus en plus la performance, l’agilité et la diversification redeviennent les maîtres-mots.

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