Par Thomas Giquel, Responsable de la gestion obligataire – Indosuez Wealth Management
Les marchés obligataires des pays développés évoluent dans des bornes étroites depuis
le début d’année. Les taux souverains remontent légèrement après avoir baissé de façon
surprenante fin 2023. Sur les marchés de crédit, le resserrement des primes de risques
compense les hausses de taux longs.
Nous n’avons pas l’habitude de commenter les actions de la Banque du Japon dans ce document
mensuel, et pour cause : la dernière hausse de taux datait de janvier 2007 ! Le 19 mars de cette
année, la Banque du Japon est sortie de sa politique de taux négatifs en haussant ses taux courts
de -0,1 % à 0 %. L’institution a également mis fin à sa politique de contrôle de la courbe des taux.
Tout en maintenant sa politique d’achat d’obligations. Une nouvelle ère s’ouvre grâce au rebond,
certes modeste, mais durable, de l’économie japonaise. Les taux longs avaient déjà fortement
progressé depuis début 2023, anticipant cette fin de politique monétaire exceptionnelle. La courbe
japonaise est la seule dont la pente est positive parmi les pays du G7 (graphique 3).
Aux États-Unis, la réunion de la Réserve fédérale (Fed) du 20 mars confirme trois baisses de taux
pour l’année 2024. La première interviendra selon toute vraisemblance au mois de juin. La réunion
du 31 juillet prochain se tiendra entre la convention Républicaine (mi-juillet) et la convention
Démocrate (mi-août). Pour éviter d’être taxée de favoriser un camp politique, la Fed devrait éviter
d’intervenir, sauf en cas de dégradation marquée de l’économie, ce qui n’est pas le scénario
central. Dans ce cas uniquement, des baisses de taux de 50 pb sont envisageables, par extension,
la réponse des actifs risqués sera négative.
En zone euro, Christine Lagarde a pré-signalé une baisse des taux directeurs de la BCE pour le
mois de juin. L’amplitude sera selon toute vraisemblance de 25 pb. Le 13 mars, la BCE a
également revu son cadre opérationnel, optant pour un système orienté vers la demande de
besoin de liquidité des banques. Le niveau des réserves obligatoire des banques est maintenu à
1 %, contre une hausse à 2 % envisagée. Il s’agit d’une nouvelle encourageante pour le secteur
bancaire, car ces réserves ne sont pas rémunérées.
La volatilité des marchés obligataires diminue continuellement (graphique 4). Cette normalisation
succède à deux années qui marqueront les esprits des gérants et investisseurs obligataires pour
une génération. Par extension, la faiblesse persistante de la volatilité sur les marchés actions nous
incite à aborder avec prudence les mois qui viennent. Il est certainement encore trop tôt pour
parler de complaisance des marchés, mais les valorisations intègrent déjà de nombreuses bonnes
nouvelles.
LES PRIMES DE RISQUE CONTINUENT DE SE RESSERRER
Dans les pays développés, le marché Investment grade (crédit de qualité) compense la hausse
des taux par une rémunération du risque toujours plus faible. Cette rémunération surcompense
les investisseurs au regard des taux de défaut historique. Les ratios de hausse/abaissement de
notation se détériorent légèrement, toutefois les fondamentaux d’entreprises sont sains.
Une année après la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) aux États-Unis, et le rachat de dernière
minute de Credit Suisse par UBS, le secteur bancaire attire à nouveau les investisseurs. Les
banques rappellent leur dette très subordonnée (AT1) le plus souvent à la première date de call,
et bénéficient de conditions de marché favorables pour se financer sur l’ensemble de leurs piliers
réglementaires.
Sur le haut rendement, les entreprises optimisent leurs courbes de crédit, en rachetant de la dette
à court terme pour réémettre de la dette à moyen terme, bénéficiant ainsi de la structure inversée
de la courbe des taux. La dispersion dans le marché est actuellement très faible, signe de grande
vigueur.
Sur les marchés émergents, l’Amérique latine surperforme le marché américain. En termes de
valeur relative, cette zone devient moins attractive.
Sur le marché asiatique, nos gérants spécialisés considèrent les valorisations trop chères sur la
zone. Ils réduisent les risques de crédit pour rester réactifs et opportunistes. Suite à la vague de
faillites dans le secteur immobilier chinois, ce secteur qui pesait 47 % du marché en 2021 a
diminué pour ne représenter que 9 % aujourd’hui. Le marché du haut rendement est dorénavant
constitué de près de 20 % de services cycliques aux consommateurs, de 24 % de financières et
de 11 % d’énergie.