Sun. Sep 8th, 2024

Par Swiss Life Asset Managers

– Les attaques en mer Rouge font grimper les coûts du fret, mais le risque d’inflation est contenu
– Selon les enquêtes, les Etats-Unis ont mieux entamé 2024 que l’Europe
– Chine : crise immobilière et ambiance morose entraînent faible croissance et déflation

La hausse rapide du coût du fret depuis décembre à la
suite des attaques sur les navires en mer Rouge ravive
le souvenir de la pandémie et des craintes d’inflation.
Mais plusieurs facteurs contredisent une augmenta-
tion des prix d’une sévérité comparable. Côté offre, il
n’y a ni blocage mondial de marchandises ni de porte-
conteneurs. L’allongement des délais de livraison est
moins marqué et mieux prévisible. D’ailleurs, la de-
mande de biens recule, alors qu’elle avait explosé lors
de la pandémie. Une situation qui devrait éroder le
pouvoir de fixation des prix des entreprises. Actuelle-
ment, nous observons de près l’évolution des prix à
l’importation et à la production.

Etats-Unis – Moral en hausse

L’économie américaine semble planer au-dessus de la
mêlée et a signé une croissance étonnamment forte au
4e trimestre 2023. Cela a induit un relèvement de nos
prévisions 2024. A nouveau, les moteurs n’ont qu’une
origine : consommation publique et des ménages sont
quasiment les seuls piliers de la croissance, alors que
l’investissement stagne. Depuis le changement de ton
de la Fed en décembre 2023, les taux à long terme ont
toutefois baissé, et le moral des entreprises améri-
caines, notamment chez les acteurs de l’immobilier, a
quelque peu rebondi. Celui des ménages s’est amélioré
dans le sillage du repli de l’inflation et de marchés des
actions florissants. Mais la corrélation avec la consom-
mation réelle est généralement faible. En raison d’un
marché du travail moins animé et de la disparition de
l’épargne excédentaire, nous continuons de prévoir un
repli de la consommation. Les débats se font plus cons-
tructifs entre Républicains et Démocrates sur la ques-
tion du budget fédéral. Même si celui-ci n’est pas en-
core adopté, les chefs de la majorité des deux chambres
du Congrès se sont au moins accordés sur un cadre de
dépenses du même montant que l’année précédente.
En l’état, le « shutdown » pourrait être évité et le frein
budgétaire redouté pourrait se muer en facteur de
croissance neutre pour les dépenses publiques en 2024.

Zone euro – Timide début d’année

Au lieu du léger repli attendu, l’économie en zone euro
a stagné au 4e trimestre 2023, d’après une première es-
timation. Elle a donc échappé à la récession technique.
Mais la progression reste faible dans l’ensemble. Les ré-
sultats des enquêtes du début d’année ne traduisent
pas encore de franche amélioration. Malgré un progrès,
le PMI de l’industrie demeure nettement inférieur au
seuil de croissance des 50 points. Par ailleurs, environ
un tiers du rebond est imputable à l’allongement des
délais de livraison, causé par les attaques sur les navires
en mer Rouge. Il ne peut donc pas être considéré
comme positif. Le PMI du secteur tertiaire a déçu les
attentes en janvier, avec une accélération du repli de la
marche actuelle des affaires. Le mois dernier, le moral
des ménages s’est également dégradé, malgré une nou-
velle légère hausse des salaires réels en zone euro. Dans
cette région, le début d’année devrait donc s’apparenter
à une lente reptation. Les dernières enquêtes auprès des
banques n’indiquent plus qu’un très léger durcisse-
ment des conditions de crédit et pour les trois pro-
chains mois, les banques n’attendent pas de nouveau
repli de la demande hypothécaire ni du crédit aux en-
treprises. De premiers signes traduisent que la trans-
mission des taux plus élevés via le canal de l’octroi de
crédit a lentement atteint son pic. Des taux plus bas
courant 2024 devraient avoir un effet apaisant.

Allemagne – Climat mitigé

Selon les premières estimations, la récession technique
a une fois de plus été évitée grâce à une révision à la
hausse de la croissance, à 0%, au 3e trimestre 2023. Au
4e trimestre, la baisse s’est inscrite à 0,3%, et les en-
quêtes traduisent de la prudence en ce début d’année.
Certes, tant le PMI et que l’indice ifo du climat des af-
faires signent un léger mieux – un repli moins rapide
en réalité – dans l’industrie manufacturière. Les nou-
velles commandes notamment ont un peu plus appro-
ché les 50 points. A l’inverse, la dégradation se poursuit
dans le secteur tertiaire, en raison d’une évaluation né-
gative de la situation actuelle (ifo) et d’une accélération
du repli des commandes (PMI). En janvier, le relève-
ment de la TVA de 7% à 19% pour les restaurants pour-
rait être un facteur de cette baisse de confiance. Les pré-
visions d’une meilleure marche des affaires, selon le
PMI, constituent une lueur d’espoir. En revanche, la si-
tuation et les estimations empirent dans le secteur de
la construction. Après un léger mieux en décembre, le
moral des ménages recule en janvier. Même la perspec-
tive de revenus en amélioration et d’achats importants
lors des douze prochains mois n’a pas fait long feu.
In globo, nous voyons donc des risques de baisse pour
nos prévisions de croissance (0%) pour le 1er tri-
mestre 2024.

Les données d’inflation en décembre 2023 et jan-
vier 2024 (non parues à la clôture de la rédaction) sont
faussées par des effets exceptionnels et uniques. Globa-
lement, nous pensons qu’elle a continué de refluer. En
décembre, les prix à la production ont baissé de 8,6%
comparés à l’année précédente – une surprise – et les
PMI du secteur manufacturier font état de prix encore
en léger repli malgré la hausse mondiale des coûts du
fret.

France – Fin de la crise du pouvoir d’achat

Fin de la crise du pouvoir d’achat en vue en France ? Il
y a de bonnes chances que les salaires réels des ménages
français augmentent pour la première fois depuis 2021.
Selon l’enquête mensuelle de l’INSEE, l’anticipa-
tion de cette évolution remonte le moral des ménages
depuis quelque temps. En janvier, il affichait la valeur
la plus élevée depuis l’éclatement de la guerre en
Ukraine. En particulier, de plus en plus de ménages ont
indiqué qu’ils prévoyaient des achats importants lors
des douze prochains mois. En effet, le nombre d’imma-
triculations était revenu à son niveau d’octobre 2020
dès décembre 2023. Outre le moral des ménages en
hausse, la détente logistique après la pandémie peut
avoir contribué à cette évolution. En plus de pouvoir
dépenser davantage, les ménages ont également la pos-
sibilité d’épargner plus ou de se désendetter. Quelle op-
tion retiendront-ils ? La sécurité de l’emploi et la tra-
jectoire des taux ont la réponse. Ces prochains mois, il
faudra scruter si l’évolution des carnets de commandes
pointe vers un rebond de la demande. C’est en tout cas
la direction que prend le tertiaire d’après les chiffres de
janvier. Le franchissement du creux conjoncturel en
cours d’année est donc un scénario réaliste.

La prévision avancée de l’évolution des prix à la con-
sommation en janvier paraîtra seulement après la clô-
ture de la rédaction. Mais de l’avis général, elle devrait
indiquer une baisse. Ces prochains mois, la hausse des
prix des produits alimentaires va également diminuer.
Au second semestre, l’inflation devrait à nouveau pas-
ser sous les 2%. A court terme, les prix de l’énergie cons-
tituent un risque haussier pour nos prévisions d’infla-
tion de 2024 et 2025.

Italie – Un potentiel inexploité

L’économie italienne a livré une bonne surprise au
4e trimestre. Au lieu de stagner, le PIB a progressé de
0,2% par rapport au trimestre précédent. Mais d’après
l’institut italien de la statistique, ce bon résultat est
principalement le fruit de la hausse des exportations
nettes, alors que la demande intérieure a reculé au
4e trimestre. Les perspectives en 2024 et 2025 sont ti-
mides, mais positives. Comme ailleurs en Europe, les
ménages italiens vont profiter de la légère hausse des
salaires réels, et les derniers chiffres de l’emploi témoi-
gnent d’une nouvelle amélioration. Le climat de con-
sommation s’est donc légèrement éclairci. Le secteur
industriel continue de tourner au ralenti. Le marché
du travail, notamment, recèle un potentiel de crois-
sance inexploité si la confiance des entreprises s’amé-
liore comme prévu en 2024 et 2025. Malgré une forte
croissance de l’emploi ces trois dernières années, la par-
ticipation au marché du travail en Italie chez les 15-
64 ans n’est que de 65% au 3e trimestre 2023, bien en
deçà de la moyenne de 74% en zone euro (source :
Banque mondiale).


Suisse- La BNS détient les clés

La croissance économique devrait continuer à être por-
tée par la forte immigration nette. Les derniers chiffres
du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) indiquent
que la population résidante permanente a franchi la
barre des neuf millions de personnes au printemps.
Notre prévision d’une croissance du PIB réel de 1% si-
gnifie donc que l’économie stagne si on la calcule par
habitant. Les stimuli font défaut, abstraction faite de
facteurs exceptionnels comme la forte activité touris-
tique liée à la météo dans les stations de sport d’hiver
ou les recettes des licences des associations sportives
que sont le CIO et l’UEFA, respectivement pour l’orga-
nisation des JO et du Championnat d’Europe de foot-
ball. A la différence de l’Europe voisine, la hausse des
salaires réels courant 2024 va moins contribuer à l’aug-
mentation de la demande domestique. Un regain de
dynamique conjoncturelle devra donc passer soit par
une hausse de la demande économique mondiale, soit
par une plus grande disposition à l’investissement sur
le marché intérieur. Des taux d’intérêt bas ou un franc
moins fort (ou les deux à la fois) seraient alors néces-
saires. Dans tous les cas, c’est la Banque nationale
suisse (BNS) qui a les clés.

A l’heure où nous rédigeons cette analyse, les chiffres
de l’indice suisse des prix à la consommation en janvier
n’étaient pas disponibles. Selon nous, une série de prix
fixés par l’administration et la hausse du taux de TVA
devraient avoir contribué à ce que l’inflation ait tem-
porairement franchi la barre des 2%. Cette trajectoire
est d’autant plus probable que les données du mois de
décembre avaient livré une surprise à la hausse. Cette
augmentation était imputable à des prix plus élevés
dans le secteur tertiaire. Par ailleurs, nous observons
une nouvelle hausse des prix du carburant et du ma-
zout.

Espagne – Sprint final étonnant

Au 4e trimestre 2023, l’économie espagnole a progressé
davantage que prévu, à 0,6%, ce qui explique notre re-
lèvement de prévision de PIB pour 2024. Selon l’insti-
tut statistique national espagnol (INE), les dépenses
publiques et la consommation privée ont porté la
croissance. Des quatre grands pays de la zone euro,
seule l’Espagne a profité d’une croissance des salaires
réels dès juin 2023. De plus, des enquêtes montrent
que les ménages espagnols, en comparaison historique,
sont particulièrement enclins à effectuer des achats im-
portants ces douze prochains mois. L’investissement a
en revanche reculé au 4e trimestre 2023. Cependant, les
conditions de crédit ne se sont davantage durcies ré-
cemment en Espagne, et les investissements dans le
cadre du programme « NextGenerationEU » pour-
raient quelque peu dévier le vent de face de la politique
budgétaire en 2024. En janvier, l’inflation est passée de
3,3% à 3,4%. L’inflation sous-jacente a moins reculé que
prévu (de 3,8% à 3,6%). Outre la suppression progres-
sive des allégements fiscaux sur l’énergie, la hausse des
pondérations des services pourrait expliquer l’augmen-
tation surprise de l’inflation.

Royaume-Uni – Inflation volatile

La récente révision des chiffres du PIB britannique a
quelque peu changé la donne. Au lieu d’une croissance
de 0,6%, il progresse seulement de 0,3% sur l’année 2023.
En soi, c’est un meilleur résultat que ce qui était
redouté début 2023. En ce début d’année 2024, le ta-
bleau est contrasté pour l’économie britannique. Les
PMI de janvier font état d’un marasme persistant dans
l’industrie, un secteur où les entreprises rapportent
une dégradation de la situation de la chaîne logistique
pour la première fois depuis janvier 2023. Côté ter-
tiaire, la progression se poursuit. D’après l’enquête de
GfK, les ménages n’ont pas été aussi confiants en l’ave-
nir depuis début 2022. Inflation plus faible et hausse
des salaires réels en sont les facteurs clés. Mais tous les
voyants ne sont pas au vert en matière de consomma-
tion. L’ampleur et le moment choisis par la
Banque d’Angleterre pour de premières baisses de taux
tant attendues sont plus incertains qu’ailleurs. En ef-
fet, l’inflation britannique reste forte et volatile. De
plus, le marché du travail a connu un coup de froid au
second semestre 2023. L’emploi a stagné et le nombre
de postes vacants a reculé, avec un faible impact sur le
taux de chômage jusqu’ici cependant. In globo, nous
prévoyons, notamment au 1er semestre 2024, une
faible croissance puis, conséquence des premières
baisses de taux, une accélération.

Nouvelle hausse surprise de l’inflation britannique en
décembre (de 3,9% à 4,0%). L’inflation sous-jacente
stagne à 5,1%, au lieu du recul prévu. Tandis que l’in-
flation des prix des marchandises a nettement reculé,
celle des services affiche 6,4%. Certes, la très forte vola-
tilité des prix dans le secteur du voyage y a contribué,
mais les chiffres de décembre ont quelque peu perturbé
les prévisions de baisses de taux de la Banque d’Angle-
terre.

Chine – Pression déflationniste

En 2023, la croissance chinoise progresse de 5,2%, con-
formément à nos prévisions et au-delà de l’objectif du
gouvernement d’« environ 5% ». Cependant, les don-
nées sous-jacentes révèlent quelques faiblesses. Ainsi,
les prix macroéconomiques subissent leur plus long re-
pli depuis 1999. Le déflateur du PIB – à savoir la diffé-
rence entre le PIB nominal et le PIB réel – se contracte
pour le troisième trimestre de rang, signe que l’écono-
mie est sous pression déflationniste. Il y a deux raisons
majeures à cela. Primo, la faiblesse persistante du sec-
teur immobilier. Secundo, la morosité des ménages,
déclenchée par le repli du marché résidentiel. Nous es-
timons que la fragilité du marché immobilier va conti-
nuer de peser sur l’économie cette année, car le gouver-
nement vise un nouveau recul de l’investissement afin
d’y rétablir l’équilibre. Le volume de transactions de-
vrait donc aussi être limité, car la confiance dans le sec-
teur n’est pas simple à restaurer. Par conséquent, nous
abaissons notre prévision de PIB pour 2024 à 4,5%. A
4,4% pour 2025, elle est légèrement supérieure à celle
du consensus, car nous pensons que si l’investissement
immobilier va certes ralentir, la demande se sera stabi-
lisée d’ici là, ce qui devrait avoir un effet positif sur le
climat de confiance général.

L’an dernier, la Chine a souffert d’une pression défla-
tionniste, pour diverses raisons. D’une part, une de-
mande globalement faible, limitant le pouvoir de fixa-
tion des prix des entreprises. De l’autre, un fort repli
du prix de la viande de porc et des prix des matières
premières en baisse. Pour l’année qui vient, nous pré-
voyons une stabilisation des deux derniers facteurs ci-
tés, ce qui devrait ramener l’inflation en territoire posi-
tif.

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