Point Macro-économie
Thomas GIUDICI – Responsable de la gestion obligataire – Salamandre & Auris Gestion
Entre la surenchère constante de Donald Trump, ses allers-retours incessants et ses contradictions notoires, on frôle l’indigestion. Il est en effet difficile de s’y retrouver lorsque, dans une même phrase, Donald Trump évoque à la fois les droits de douane réciproques qui seront annoncés le 2 avril, qualifié de « jour de la libération », pour mettre fin à ce qu’il décrit comme un pillage de la « tirelire » américaine depuis des années, et « la surprise des gens qui verront sa clémence ». C’en est donc trop pour le consommateur américain dont le moral est au plus bas. L’indice de confiance des consommateurs a ainsi chuté pour le quatrième mois consécutif, atteignant son plus bas niveau depuis 2021, repassant même sous les niveaux observés en 2022, lorsque l’inflation commençait à inquiéter sérieusement les ménages. Seule la résilience du marché de l’emploi a évité une chute plus brutale. Les perspectives des ménages ne sont pas plus réjouissantes puisqu’elles sont tombées à un plus bas de 13 ans. Historiquement, de tels niveaux précèdent souvent une récession. C’est bien là le nœud du problème : les données macroéconomiques « dures » pointent toujours vers une économie américaine résiliente, sans risque de récession apparent. Cependant, ce climat d’incertitude pourrait amplifier le risque de récession si les comportements venaient à changer avec des mécanismes auto-réalisateurs.
Les marchés financiers sont donc entrés en mode « risk-off » et rejouent le scénario de la stagflation à la lecture des derniers chiffres économiques. L’inflation PCE, indicateur préféré de la Fed, a en effet progressé de 0,4 % sur un mois pour la partie core (soit 2,8% en rythme annualisé), dépassant les prévisions du consensus, alors que les dépenses réelles des ménages n’ont augmenté que de 0,1 % , avec une révision à la baisse du chiffre de janvier (-0,6 % au lieu de -0,5 %). Du côté de l’inflation, ces données montrent que la dynamique des prix reste sous pression. Avec l’instauration à venir des droits de douane, dont on ne peut imaginer qu’un effet négatif sur les prix, l’objectif des 2% semble difficilement atteignable. Bien que Jerome Powell nous ait refait le coup de l’inflation transitoire lors de la dernière réunion de la Fed, les déclarations des différents membres du FOMC dans les jours qui ont suivi sont plus dubitatives. Même les plus dovish de l’institution américaine commencent ainsi à remettre en cause de futures baisses de taux. Seule une dégradation marquée de l’économie ou du marché de l’emploi pourraient les y contraindre. Pour le moment, et comme indiqué supra, cela n’est toujours pas le cas. Si le lien entre baisse de la consommation et du moral des ménages peut être facile à faire, il ne faut pas non plus négliger l’impact négatif de la grippe, particulièrement virulente, et des conditions météorologiques sur le début d’année.
Pour l’heure, rien ne semble pouvoir arrêter Donald Trump. Néanmoins le principe de réalité (financier ou économique) finira, tôt ou tard, par s’imposer. Le « jour de la libération », à défaut de libérer les marchés, lèvera au moins l’incertitude sur les droits de douane appliqués. Gageons qu’il s’agisse d’un maximum avant d’inévitables tractations. L’Union Européenne n’a pas attendu cette « libération » pour réfléchir à des concessions…