Par Thomas Giudici – Responsable de la gestion obligataire – Salamandre & Auris Gestion
Le nouveau mandat de Donald Trump se met doucement en place avec, comme on pouvait s’y attendre, son lot de polémiques, le futur Président élu plaçant ses fidèles aux postes stratégiques sans que ceux-ci ne fassent forcément preuve d’une compétence particulière en la matière.
On notera ainsi les futures nominations de (i) Matt Gaetz à la justice, sous le coup d’un rapport d’éthique de la Chambre des représentants pour diverses infractions sexuelles présumées et des détournements de fonds, de (ii) Robert Kennedy Jr, complotiste antivax, comme secrétaire à la santé, entraînant tout le secteur pharmaceutique dans le rouge, de (iii) Brendan Carr à la tête du régulateur des télécoms et assez farouchement opposé aux GAFAM qu’il considère comme un cartel de la censure à démanteler ou encore, par exemple, de (iv) Chris Wright comme secrétaire à l’énergie et fondateur d’une entreprise spécialisée dans la fracturation hydraulique et le pétrole de schiste.
Le ton est donc donné. D’autant qu’avec les deux Chambres acquises à sa cause, les contrepouvoirs seront assez limités et ne pourront venir que de son camp. A ce titre, l’élection à la tête de la majorité républicaine au Sénat de John Thune, sénateur modéré et favorable au libre-échange, face à deux candidats, dont Rick Scott arrivé en dernière position et soutenu par Donald Trump, montre peut-être la volonté du Sénat de garder une certaine forme d’autonomie. John Thune avait notamment alerté durant l’été des potentielles conséquences inflationnistes de la hausse des droits de douane. Finalement, comme cela avait été le cas pour son premier mandat, certaines postures de Donald Trump auraient finalement plus pour but de servir de moyen de pression dans les discussions, notamment internationales.
Enfin, si la réunion de politique monétaire de la Fed post-élection était passée complètement inaperçue, Jerome Powell a semble-t-il voulu se rappeler au bon souvenir des marchés financiers en opérant un changement de communication pour le moins radical. Si le Président de la Fed considère toujours que l’économie américaine est « remarquablement bonne » avec un marché du travail encore résilient, il se montre en revanche désormais plus mesuré sur le risque inflationniste alors que l’institution américaine ne prend, officiellement, pas encore en compte le résultat de l’élection. Jerome Powell considère donc que la Fed devra maintenir une approche graduelle et prudente dans les prochaines semaines.
Suite à ces déclarations, le marché a fortement repricé ses anticipations de baisse de taux pour la fin d’année et la possibilité que la Fed ne fasse rien en décembre est désormais clairement sur la table. Quand on y pense, l’enchaînement des décisions de la Fed depuis cet été est assez incompréhensible : après une pause en juillet à contre-courant des autres banques centrales et du processus de désinflation à l’œuvre, la Fed a acté une « jumbo cut » en septembre en essayant de rattraper son retard, pour finalement ne rien faire lors de la prochaine réunion ?