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La revue des marchés : BCE : baisse des taux… cet été

• L’allègement monétaire attendra ;
• Le T-note remonte 4,15 % ;
• Le crédit reste bien orienté ;
• Rebond du Nasdaq grâce aux semiconducteurs.

Réforme des règles budgétaires de l’UE

Après des années de réflexion puis des mois de négociations, les 27 se sont finalement entendus sur une réforme des règles budgétaires de l’Union européenne. Celle-ci se révélait nécessaire, en raison du manque d’efficacité du précédent cadre et du fait qu’il n’était plus adapté aux conditions économiques actuelles. Si des avancées ont été réalisées sous l’impulsion de la
Commission européenne et de ses propositions, l’ajout de clauses de sauvegarde contraignantes par les pays dits« frugaux » limite la portée de cette réforme.

Des régles budgétaires indispensables dans l’UE

Des règles budgétaires sont indispensables dans le cadre d’une union monétaire comme l’UE. Les pays de la zone euro partagent en effet la même monnaie, la politique monétaire étant menée par la BCE, alors queles politiques budgétaires sont définies par les États membres. Des règles sont donc nécessaires pour coordonner les politiques budgétaires nationales, adopter un juste équilibre entre politique monétaire et politique budgétaire et éviter l’apparition de déficits et de dettes publics trop élevés dans certains pays, de nature à peser sur la stabilité de la zone euro.
Afin de respecter les critères inscrits dans les Traités – un déficit public inférieur à 3 % du PIB et une dette publique ne devant pas dépasser les 60 % du PIB –, les pays doivent respecter un certain nombre de règles stipulées dans le Pacte de Stabilité et de Croissance, adopté en 1997.

Limite des anciennes régles budgétaires

Ces règles se révélaient complexes, procycliques, irréalisables pour certains pays et finalement peu respectées ce qui pesait sur la crédibilité du pacte.

Complexité des règles

Elles reposaient notamment sur des critères non observables, comme celui de parvenir à une cible de déficit structurel à moyen terme de 0,5 % à 1 % du PIB. Ce dernier est le solde budgétaire négatif hors éléments conjoncturels pesant sur les finances publiques. Il repose sur une mesure de la croissance potentielle, c’est-à-dire la croissance à long terme, lorsque tous les facteurs de production sont utilisés et que la stabilité des prix est assurée. Cette mesure de croissance n’est pas observable et doit être estimée.
Les résultats varient selon les méthodes et hypothèses retenues.

Règles procycliques

L’une des limites est le caractère procyclique de ces règles budgétaires. Lorsque le pays est en récession, le déficit public s’accroît, du fait de moindres revenus, comme les recettes de TVA, et de la hausse des dépenses publiques pour amortir le choc. Or, les règles budgétaires amplifient le choc, étant donné que les pays sont tenus de réduire ces déséquilibres au prix de moindres dépenses publiques et, souvent, au détriment de l’investissement public, pourtant nécessaire à la croissance de long terme.
Ajustement irréalisable pour les pays très endettés Les anciennes règles stipulaient que les pays ayant une dette publique sur PIB supérieure à 60 % devaient réduire l’excès de dette d’1/20e par an. Cela constituait un ajustement beaucoup trop important pour certains pays, avec par exemple une réduction de 4 % du PIB par an pour l’Italie, rendant les règles inaplicables. Régles inefficaces
Ces règles n’ont pas permis d’éviter la crise de la dette souveraine (en 2010-2012), amenant la BCE à réagir rapidement sous l’égide du Président Mario Draghi, donnant lieu aux trois mots désormais célèbres : « whatever it takes », prononcés lors d’un discours, en juillet 2012, lorsque les risques d’éclatement de la zone euro étaient devenus prégnants. Mario Draghi a déclaré que la BCE ferait tout ce qu’elle pourrait, dans le cadre de son mandat, pour préserver l’intégrité de la zone euro, en ajoutant : « Croyez-moi, ce sera suffisant ». Cela a été suivi de l’annonce d’un nouvel instrument (OMT), qui n’a jamais eu besoin d’être activé, sa seule existence se révélant efficace. Celui-ci permet à la BCE d’acheter des obligations d’État, sur le marché secondaire, à de strictes conditions.

Problème de crédibilité

Se posait en outre un problème de crédibilité puisqu’aucun pays n’a été sanctionné pour non respect des règles, alors que le Pacte de Stabilité et de Croissance stipulait l’adoption de sanctions dans le cas de déficit public excessif et de la non adoption des mesures requises pour le réduire.

Règles non adaptées à la situation actuelle

Par ailleurs, les dettes publiques ont fortement augmenté depuis 1997, et bien davantage avec la crise du Covid-19, ce qui rend les règles du pacte de stabilité et de croissance inadaptées à la situation actuelle, celles-ci requérant un ajustement rapide et irréalisable pour un grand nombre de pays. Selon la Commission européeenne, la dette de la zone euro a été en moyenne en 2023 de 90 % du PIB, contre 73 % en 1997, avec des niveaux très hétérogènes.

Nécessité d’une réforme

Des ajustements ont été faits depuis 1997, mais ils se sont révélés insuffisants. La suspension des régles budgétaires depuis 2020, pour faire face à la crise du Covid-19, puis à la crise énergétique, constituait l’opportunité de réformer celles-ci, avant leur réinstauration à partir du 1er janvier 2024.

Accord des 27 sur une réforme des régles budgétaires

Les critères inscrits dans les Traités de déficit public inférieur à 3 % du PIB et de dette publique ne dépassant pas les 60 % du PIB sont maintenus. Ce qui évolue est le moyen d’y parvenir : le Pacte de Stabilité et de Croissance. Deux points essentiels de l’accord reprennent les propositions de la Commission européenne d’avril 2023.

Approche différenciée selon les pays

Plutôt que de suivre des cibles communes et donc inadaptées selon les pays, la réforme prend en compte les spécificités propres de chaque pays comme le ratio de déficit et de dette publique par rapport au PIB, la croissance…
Des trajectoires budgétaires pluriannuelles propres à chaque État membre seront déterminées. Elles seront basées sur une analyse de la soutenabilité de la dette réalisée par la Commission européenne. Les pays devront présenter des plans budgétaires et structurels à moyen terme, de 4 à 5 ans, s’engager à suivre une trajectoire budgétaire sur cette période et réaliser les réformes et investissements nécessaires. Cette approche différenciée selon les économies permettra de rendre l’application des règles plus réalisable.
La CE déterminera une « trajectoire technique » pour les pays dépassant les seuils de 3 % ou 60 %
Pour les pays ayant un ratio de déficit public sur PIB supérieur à 3 % ou de dette publique sur PIB supérieure à 60 %, la CE déterminera « une trajectoire technique » des dépenses nettes. Celle-ci sera telle qu’à la fin de la période d’ajustement budgétaire de quatre ans, la dette publique devra être « possiblement » sur une trajectoire baissière ou se maintenir à un niveau inférieur à 60 % à moyen terme et le déficit public devra être ramené et maintenu sous le seuil de 3 % du PIB à moyen terme.

Un indicateur unique : la trajectoire des dépenses publiques

Ce sont les dépenses publiques hors charges d’intérêt et éléments cycliques. Lorsqu’un pays dépasse le seuil de 3 % de déficit public rapporté au PIB ou de 60 % de dette publique sur PIB, la CE lui adressera une trajectoire des dépenses publiques nettes sur 4 ans.
Celle-ci vise à rendre ce cadre moins procyclique qu’il ne l’était auparavant. Allongement possible de la période d’ajustement à 7 ans
Les pays peuvent demander un allongement de la période d’ajustement budgétaire à 7 ans, contre 4 ans autrement, s’ils s’engagent à adopter des réformes et à réaliser des investissements en faveur de la durabilité et de la croissance. Ceux réalisés dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience seront pris en compte.

Maintien des règles concernant la procédure pour déficit excessif

La trajectoire des dépenses nettes devra être compatible avec un ajustement structurel annuel minimal du déficit de 0,5 % du PIB.

Période transitoire en 2025, 2026 et 2027

La hausse de la charge d’intérêt ne sera pas prise en compte dans le calcul de l’ajustement à réaliser dans le cadre de la procédure pour déficit excessif.

Amende moindre

En cas de non-respect des règles budgétaires, l’amende pourrait atteindre jusqu’à 0,05 % du PIB tous
les 6 mois, qui s’accumulerait, jusqu’à ce qu’une action suivie d’effets soit menée.

Clauses dérogatoires

La clause dérogatoire générale au niveau de l’UE a été maintenue en cas de fort ralentissement de l’activité. Elle a été utilisée lors de la crise du Covid-19 puis prolongée lors de la crise énergétique, afin de permettre aux gouvernements de prendre les mesures budgétaires visant à amortir le choc sans précédent sur la croissance.
Une clause dérogatoire nationale a été ajoutée en cas de circonstances exceptionnelles. Cela vise à réduire le caractère procyclique des mesures.

Surveillance

Des organismes indépendants, comme le Comité budgétaire européen surveilleront le respect des règles.

Ajouts de deux clauses de sauvegarde

Les pays dits « frugaux », dont l’Allemagne, ont tenu à ajouter des régles plus strictes, avec des cibles bien spécifiques, pour éviter le maintien de déficit et de dette trop élevés.

Règle sur la soutenabilité de la dette

Les pays avec un ratio de dette publique supérieur à 90 % du PIB devront réduire la dette en excès d’au moins 1 point de pourcentage de PIB par an en moyenne sur la période d’ajustement. Les pays dont la dette est comprise entre 60 % et 90 % du PIB devront réduire la dette en excès d’au moins 0,5 point de pourcentage de PIB par an en moyenne. Auparavant, l’ajustement demandé était d’1/20e de la dette en excès par an, ce qui était irréalisable pour les pays très endettés.

Règle sur la résilience des déficits

Les pays doivent poursuivre l’ajustement budgétaire jusqu’à atteindre une marge de sécurité commune d’un déficit public de 1,5 % du PIB sous le seuil de 3 %. Cela nécessite une réduction annuelle du solde primaire structurel de 0,4 % du PIB ou de 0,25 % du PIB en cas d’extension de la période d’ajustement.

Une réforme en demi-teinte

L’objectif de cette réforme était, notamment, de simplifier les règles budgétaires de l’UE, les rendre moins procycliques, de fixer des objectifs plus réalistes et permettre une plus grande appropriation des règles par les pays membres. Au final, les nouvelles règles semblent tout aussi complexes, voire plus, en raison de l’ajout de règles de réduction mathématiques des déséquilibres de la part des pays frugaux.
Les points positifs résident dans un ajustement plus graduel du ratio dette sur PIB des pays faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif et de la prise en
compte de leur situation propre. Comme on l’a vu, ils ont la possibilité de demander une période d’ajustement plus longue, à la condition que des investissements et réformes soient réalisés pour assurer la durabilité et la croissance. Les règles budgétaires sont ainsi moins procycliques.
La période transitoire entre 2025 et 2027 est la bienvenue : elle permettra de ne pas prendre en compte la hausse de la charge de la dette dans le calcul de l’ajustement à réaliser dans le cadre de la procédure pour déficit excessif. La clause de sauvegarde nationale est également un élément positif visant à rendre moins procyclique l’ajustement requis.

En revanche, la marge de sécurité visant un déficit public de 1,5 % du PIB est trop stricte pour les pays les plus endettés. Selon une analyse de Bruegel1 , l’ajustement budgétaire annuel à réaliser pour l’Italie serait important. Le solde structurel primaire devrait s’améliorer d’1,15 % par an, si l’ajustement se fait sur 4 ans, et de 0,61 %, s’il se fait sur 7 ans. Si l’ajustement se fait sur 7 ans, 5 pays de la zone euro devront améliorer leur solde budgétaire structurel de plus de 0,4 % par an. Ce qui est un effort important.

Conclusion

La réforme budgétaire de l’UE se révèle en demi-teinte. La prise en compte des spécificités de chaque pays, un ajustement plus graduel du ratio dette publique sur PIB et la clause dérogatoire nationale constituent des points positifs. En revanche, l’ajout des deux clauses de sauvegarde avec des cibles strictes complexifie les règles et enlève la flexibilité qui prévalait dans la proposition de la Commission européenne. L’ajustement des déficits primaires structurels sera important pour les pays les plus endettés, au risque que les règles ne soient pas respectées. Des négociations ont débuté au Parlement européen en vue de l’adoption de la réforme avant les élections européennes et de leur mise en œuvre en 2025. Espérons que des ajustements y seront apportés.

1 https://www.bruegel.org/first-glance/assessing-ecofin- compromise-fiscal-rules-reform 

Par Aline Goupil-Raguénès, Stratégiste pays développés aline.goupil-raguenes@ostrum.com

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