Tue. Dec 3rd, 2024

Par CHRISTOPHE DONAY – Responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique – Pictet Wealth Management

A ce stade avancé du cycle conjoncturel, envisager quelles pourraient être les prochaines étapes de politique de relance paraît approprié, dès lors que les banques centrales et les gouvernements semblent disposés à faire tout leur possible pour soutenir la hausse des marchés actions et la croissance économique (en particulier aux Etats-Unis, à l’approche des élections présidentielles de 2020).

Avec des taux d’intérêt à des plus bas historiques et un endettement déjà élevé, les autorités ne semblent plus disposer d’une très grande marge de manœuvre pour poursuivre sur la voie de la détente. Certes, la situation varie d’un pays à l’autre. Selon notre analyse, des pays comme la Suisse,
la Corée et la République tchèque, qui affichent des taux d’intérêt inférieurs à leurs moyennes historiques et des ratios dette/PIB inférieurs à 60%, jouissent encore d’une certaine marge sur les fronts monétaire et budgétaire.

D’autres, comme les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et la France, peuvent encore agir sur le plan monétaire, mais plus sur le plan budgétaire, tandis que le Brésil et la Hongrie n’ont plus aucune capacité d’action budgétaire ni monétaire pour stimuler leurs économies respectives.

Aux Etats-Unis, les allègements fiscaux décidés fin 2017 par l’administration Trump ont mis les finances publiques sous pression, mais la croissance américaine s’avère supérieure à celle de la plupart des économies développées, et le taux de chômage est inférieur à 4%. Cette situation a ravivé le débat autour de la «Théorie monétaire moderne» (TMM), selon laquelle le déficit budgétaire n’a pas d’importance, puisque la création de monnaie reste le monopole de l’Etat et que les Etats- Unis peuvent emprunter dans leur propre devise. Dans ces circonstances, la politique budgétaire devrait prendre la main sur la politique monétaire dans la gestion de l’inflation et de l’économie. Pour les partisans de la TMM, agir sur les impôts et les dépenses publiques a un impact plus rapide et plus prévisible sur l’économie que les modifications de taux d’intérêt. Ils n’ont peut-être pas entièrement tort: compte tenu du bas niveau des taux d’intérêt, une nouvelle vague de taux d’intérêt négatifs et d’assouplissement quantitatif pourrait ne pas se révéler très efficace en cas de récession.

Si la TMM ne constitue pas nécessairement la seule alternative, les écarts de marge de manœuvre en termes de relance publique pourraient influer sur les tendances des marchés, et plus particulièrement des marchés actions. Si l’on compare les ratios cours/bénéfices de divers marchés avec notre indice budgétaire et monétaire (IMB), qui mesure la marge d’action de différents pays dans ce domaine (voir graphique), on s’aperçoit que le Japon et la Suède disposent d’une marge de manœuvre au plan politique et que leurs marchés présentent des valorisations inférieures à la moyenne de la période 2007-2017. De nombreux autres marchés disposent encore d’une marge de relance politique, mais leurs actions sont chères ou du moins pleinement valorisées. Enfin, certains marchés (Brésil, Hongrie, Royaume-Uni, Italie et France) disposent d’une marge de manœuvre politique très limitée et leurs marchés affichent des ratios cours/bénéfices (PER) élevés.

Alors que la situation diffère d’un pays à l’autre, une approche de la politique économique reposant sur une nouvelle conjugaison des mesures monétaires et budgétaires pourrait favoriser une expansion des valorisations et maintenir les taux d’intérêt à long terme à un bas niveau – d’autant que, pour l’heure, la «règle d’or» (qui veut que les taux d’intérêt nominaux devraient être proches du taux de croissance nominal du PIB) ne se vérifie plus.

Dans ces circonstances, nous conti- nuons de préférer les actions aux obligations.

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