Fri. Nov 22nd, 2024

Par Matthieu Bailly, directeur général délégué et gérant obligataire OCTO AM

Nous alertions en fin d’année des excès de chute des rendements obligataires liées à des anticipations tout aussi excessives de baisses des taux de banques centrales, alors même que ces dernières répétaient à l’envi qu’elles restaient attentistes.

Rappelons par exemple que les marchés anticipaient 6 à 7 baisses de taux directeurs en Europe pour 2024 avec une première dès le premier trimestre, lorsque la principale intéressée, la BCE, en prévoyait plutôt entre 2 et 4 grand maximum avec une première plutôt lors du second semestre.

En réalité, les marchés, comme lors des phases de marché précédentes ne prévoyaient rien du tout, pour la raison tout à fait logique qu’ils ne savent pas le faire, mais achetaient simplement des obligations, ce qui faisait grimper les cours et baisser les taux… Chacun achetait pour des raisons totalement différentes et décorrélées entre elles avec pour seul point commun, sans doute, le fait que le taux absolu restait significatif et que la fin d’année approchait, rappelant que le temps avait passé à ceux qui avaient préféré patienter tout au long de 2023. Les institutionnels achetaient pour que leur portefeuille soit suffisamment exposés aux taux dans le bilan de fin d’année, les allocataires achetaient car ils préféraient sécuriser leurs actifs après la forte hausse des actions des semaines précédentes, les fonds achetaient car ils recevaient des souscriptions chaque jour, les particuliers achetaient car ils avaient peur de manquer le train, les hedge funds achetaient car l’essentiel de leurs stratégies repose sur des indicateurs liés aux tendances de marché,…

Et beaucoup achetaient donc sans forcément regarder le taux en relatif par rapport à ce que les obligations pouvaient rapporter auparavant ni en choisissant précisément le point de courbe ou la catégorie obligataire les plus rémunérateurs.

Nous avons d’ailleurs pu observer durant la fin d’année un décalage assez marqué de performance entre les indices, massivement tirés à la hausse par les ETF obligataires et les catégories ou les obligations « outsider », moins ou pas du tout représentées dans les ETF. Ainsi, sur le dernier trimestre en Europe, les obligations souveraines qui représentent la plus grande masse de dette ont plus performé que les obligations « investment grade », qui ont elles-mêmes plus performé que les obligations high yield, ce qui ne représentait pas du tout la tendance de l’année, l’incertitude venant essentiellement de la macro et le portage des souverains étant le plus faible. Les ETF et autres fonds benchmarkés, pondérés par la masse de dette des émetteurs – ce que nous répétons avoir peu de sens économique pour l’investisseur – ont représenté l’essentiel des flux de cette fin d’année.

Avec le début d’année se sont terminés ces achats ‘du marché indifférencié’ dans l’urgence, sont arrivés les prévisions de taux, les états des lieux des rendements offerts puis un marché primaire pléthorique avec plusieurs dizaines de milliards de nouvelles obligations émises dès la première semaine, beaucoup d’émetteurs et d’arrangeurs voyant comme une aubaine la baisse forte des rendements…

Et très vite, une part significative (environ 20% à 25% en une semaine) du resserrement de fin d’année s’est évaporé, faisant refluer les performances obligataires.

Ce mouvement n’est pas une alerte sur la fin de l’attrait des obligations, mais renvoie au fait que la fin d’année était excessive et confirme l’intérêt de la proposition que nous avions formulé à l’attention de nos lecteurs, de réduction de la duration de leur portefeuille ou de choix de fonds de maturité courte pour cristalliser leurs plus-values. En une semaine :

  • Les marchés ont déjà annulé une de leurs multiples baisses de taux anticipées,
  • Les deux banques centrales ont plutôt alerté sur la faible probabilité de baisse de taux dès le premier trimestre comme le priçaient les niveaux de rendements
  • Les statistiques économiques et notamment l’inflation américaine ont tempéré les exagérations en montrant que certains secteurs continuaient d’être des relais d’inflation, plus précisément l’immobilier, comme nous l’avions suggéré dans notre hebdo du 4 décembre dernier. (lien ici)

“The biggest contributors to December’s pickup in price growth were housing and shelter costs, which the Bureau of Labor Statistics said accounted for more than half of the gain. On a year over year basis, total shelter costs increased 6.2%, while rents increased 6.5%.” (Source NBC)

Sur le crédit, plus la prime était élevée et moins les obligations étaient dans les indices, et donc tirées à la hausse ou à la baisse par des mouvements erratiques de marchés, et plus la performance s’est révélée régulière et peu volatile, soutenue essentiellement par un portage élevé. Nous poursuivons donc sur le même positionnement qu’en fin 2023, en profitant tout de même du marché primaire abondant pour augmenter, très progressivement, notre exposition au fil de l’eau de la hausse de rendement en cours. Ainsi, après avoir baissé notre duration sur nos fonds flexibles de 3 à 2 pour le fonds Octo Crédit Value et de 4 à 3 pour le fonds Octo Crédit Value Investment Grade, nous les avons réaugmenté à hauteur d’un cinquième de cette réduction, passant ainsi à 2.2 et 3.2 environ, nous réexposant précisément à la hauteur de la correction citée plus haut.

Un point d’attention enfin :

Sur le marché primaire, il conviendra d’être extrêmement sélectif. D’apparence, ces nouvelles obligations semblent trouver un puits sans fond pour se placer mais cela ne veut pas dire qu’elles soient attractives pour les investisseurs : les primes sont faibles, entre 10 et 30 points de base maximum et ce alors même que les rendements s’étaient resserrés de plus de 200 points de base au dernier trimestre : très peu d’affaires donc à réaliser actuellement puisque l’on obtient généralement moins de rendement que sur presque toute l’année 2023. De plus, on observe que les investisseurs restent attentistes devant ces primes faibles et peuvent retirer leurs ordres assez massivement à la suite à une modification des termes d’émission. Ainsi, Crédit Mutuel Arkea, qui ne relève pourtant pas des émetteurs les plus risqués ou les plus exotiques, a-t-elle finalement annulé son émission obligataire, affirmant pourtant que la demande était suffisante, sans doute pour sauver la face. Pour expliciter plus clairement notre sélectivité sur ce marché primaire, nous avons depuis le début d’année participé à 6 nouvelles émissions en euros, représentant 0.5% de nos portefeuilles sur un total de 145 émissions en euros pour plus de 50 milliards d’euros sorties depuis le 2 janvier 2024.

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