par Laurent Gonon, Directeur des gestions et Warin Buntrock, Directeur adjoint des gestions – BFT IM
La multiplication des signes de ralentissement de l’activité au niveau mondial pendant l’été et le violent pic de volatilité début août ont laissé des traces auprès de la majeure partie des investisseurs qui restent prudents à l’orée du dernier trimestre de l’année.
La Fed vient de donner le coup d’envoi tant attendu de son nouveau cycle d’accommodation monétaire. La Réserve fédérale emboîte ainsi le pas à la BCE qui a commencé à baisser ses taux directeurs dès juin. De nombreuses autres banques centrales, comme celles du Royaume-Uni, du Canada, d’Australie et de la Suède vont aussi ou ont déjà démarré leur cycle de détente des taux. Le cycle d’assouplissement monétaire généralisé, à l’exception notable de la Banque du Japon, devrait se poursuivre au moins jusqu’à mi 2025. La Chine vient de dégainer le bazooka monétaire et budgétaire pour tenter de ranimer son économie chancelante.
Le double risque d’inflation et de récession s’estompe
Dans ce contexte, qu’est ce qui peut justifier cette relative prudence des investisseurs sur les actifs risqués ?Alors que les marchés oscillent depuis des mois entre craintes inflationnistes et récessionnistes, ces deux risques se sont récemment nettement atténués. Les tensions sur les prix se sont ainsi significativement apaisées. L’inflation dans la zone euro est tombée en septembre à 1,7%, son plus bas niveau en trois ans. L’inflation aux Etats-Unis, à 2,4% le mois dernier, se rapproche aussi de sa cible. Ces baisses ne sont pas uniquement attribuables au fléchissement des prix de l’énergie. Si l’inflation sous-jacente reste encore trop élevée (2,7% en zone euro et 3,3% aux US en croissance annuelle), la tendance est aussi orientée à la baisse.
Les banques centrales semblent désormais aussi convaincues d’avoir vraiment tordu le cou à l’inflation et ont changé de priorité. La Fed a ainsi indiqué clairement qu’il ne s’agit plus de lutter contre l’inflation via une politique restrictive mais d’éviter un refroidissement trop important du marché du travail. Dès lors, elle a réduit ses taux directeurs en septembre de 50 points de base, habituellement réservée aux temps de crises. Le marché du travail des deux côtés de l’Atlantique semble plus équilibré. Le rythme de hausse des salaires et des créations d’emplois ralentit, mais les destructions d’emplois sont pour le moment évitées. Le démarrage de ce cycle de détente monétaire conjugué à cette résilience du marché du travail aux Etats-Unis et en Europe, rend ainsi le scénario d’un atterrissage en douceur bien plus probable. Cette entrée dans une nouvelle phase du cycle a priori moins risquée ne semble pour autant pas aiguiser outre mesure l’appétit pour le risque des investisseurs qui considèrent que la plupart des bonnes nouvelles sont déjà intégrées dans les marchés.
Mi-septembre, les marchés anticipaient une baisse considérable et rapide de plus de 210 points de base des Fed Funds en cumul d’ici fin 2025. Le taux terminal se rapprochait ainsi fortement du taux neutre que la Fed estime à 2,9%, qui ne stimule ni ne freine l’activité économique. Compte tenu des risques résiduels pesant encore sur l’inflation, ce niveau du taux terminal nous paraissait trop bas. Depuis, le marché des futures sur Fed Funds a corrigé ces excès, n’anticipant plus qu’un taux final de 3,5%
Les actions ont-elles déjà trop montées ?
Avec un gain depuis le début de l’année de 22% (au 30/09), le S&P 500 signerait une de ses meilleures années depuis 2000. Toutefois, le ralentissement de l’activité en cours devrait finir par peser sur les chiffres d’affaires. Les marges, qui avaient nettement augmenté pendant la phase d’accélération de l’inflation, devraient vraisemblablement se normaliser, les entreprises perdant globalement en «pricing power» dans ce nouveau régime. Les attentes de progression des bénéfices du consensus pour 2025 nous semblent ainsi trop optimistes.
Les marchés nous semblent ainsi avoir déjà intégré bon nombre de bonnes nouvelles. L’élection présidentielle américaine à l’issue incertaine et une situation internationale extrêmement tendue sont des sources de disruption potentielle et une épée de Damoclès pouvant à très brève échéance anéantir notre scénario d’atterrissage en douceur. Nous préférons, dans cet équilibre des risques précaire, rester tactiquement neutre à court terme. Mais, à moyen terme, nous sommes modérément positifs sur les actifs risqués.