par Alexandre Drabowicz, Directeur des investissements – Indosuez Wealth Management
La bonne visibilité macroéconomique, notamment aux Etats-Unis, les résultats solides des entreprises et les gains de productivité liés au développement de l’intelligence artificielle (IA) justifient la hausse actuelle des marchés.
Alors que les indices boursiers enchaînent des records des deux côtés de l’Atlantique, il est légitime de s’interroger sur les raisons de ce supposé emballement des investisseurs. Sur le plan macroéconomique, la résilience de l’économie américaine a particulièrement surpris au cours des derniers mois quand on se rappelle que 584 économistes avaient prévu une récession aux Etats-Unis pour 2024. Le changement de perspective nous a poussé également à réviser à la hausse nos prévisions de croissance aux Etats-Unis cette année, à 2,3% !
Certes, la décrue de l’inflation n’est pas aussi rapide qu’attendu, en raison des tensions observées sur le secteur du logement, mais l’inflation cœur a ralenti à 3,8% outre-Atlantique et atteint ses plus bas niveaux depuis mai 2021. La Fed devrait finir par baisser ses taux en juin. Or, ce recul de la rémunération des placements monétaires pourrait même entraîner une réallocation des portefeuilles des investisseurs et entraîner un nouvel afflux de liquidités sur les marchés actions.
Dans ce contexte, faut-il vraiment redouter la formation d’une bulle ? Pour une fois, les grandes banques centrales (Fed et BCE) ne sont pas à l’origine de la hausse des marchés. En revanche, les bons résultats des entreprises ont alimenté l’optimisme des investisseurs ainsi que l’essor spectaculaire de l’intelligence artificielle (IA) qui est perçu par la communauté financière comme un catalyseur des gains de productivité amenés à se diffuser au reste de l’économie. Sur le plan des valorisations, les inquiétudes ne sont pas non plus justifiées. Les PER (ratio cours sur bénéfices attendus) des dix plus grandes capitalisations boursières aux Etats-Unis ressortent à 27, loin des niveaux atteints dans le passé, au-dessus de 50. Or, ces sociétés que tout le monde s’arrache à Wall Street, à l’instar du fabricant de puces Nvidia et des « sept magnifiques », sont particulièrement rentables. La comparaison avec la bulle internet de 2000 n’est donc pas pertinente.
Lourdement sanctionnés, les marchés émergents redeviennent attractifs
En outre, certains segments du marché restent particulièrement sous-valorisés. Les marchés émergents présentent ainsi une décote de valorisation de 50% malgré une croissance attendue des profits de plus de 50% par rapport à la moyenne du S&P 500. C’est un marché aujourd’hui déserté par les investisseurs institutionnels refroidis par la contre-performance des valeurs chinoises. Pourtant, ce marché devient beaucoup plus diversifié et offre des opportunités, à l’instar du marché taïwanais pour l’industrie des semi-conducteurs. La réforme de la gouvernance des entreprises en Corée du Sud peut également constituer un catalyseur sur ce marché local.
Sur les marchés obligataires, les investisseurs en quête de rendement ont plutôt à intérêt à se positionner sur la partie 3-5 ans de la courbe des taux et se montrer prudent sur la duration trop longue. La partie longue de la courbe devrait en effet rester plus volatile alors que les inquiétudes autour du déficit budgétaire américaine pourraient refaire surface à l’approche de l’élection présidentielle américaine.