Bourse

Un nouveau «Whatever it takes » européen²

par Laura Corrieras, Equity Portfolio Manager – Indosuez Wealth Management

La surperformance des marchés européens se poursuit face aux États-Unis, aidée notamment par le stimulus allemand et les investissements dans une défense européenne commune, qui sont un tournant décisif pour la zone euro. Après plusieurs années, les flux reviennent enfin en Europe, où le sentiment s’améliore à mesure que de nouveaux équilibres économiques internationaux se dessinent. Cela laisse entrevoir une Europe plus volontariste, qui pourrait enfin relancer son moteur de croissance domestique et peut-être entraîner une réallocation stratégique des investissements vers la région.

EUROPE
Le changement de cap politique en Europe est amorcé ! Après l’annonce d’un plan de 800 milliards d’euros nommé ReArm Europe, destiné à renforcer la défense européenne ; c’est l’Allemagne qui rompt complètement avec son dogme budgétaire, avec une enveloppe votée de 500 milliards d’euros dédiée aux infrastructures et à la sécurité, tout en proposant plus de flexibilité fiscale. Cette rupture idéologique de la première économie européenne est un pas considérable pour l’Europe.

En dehors des enjeux de souveraineté, ces annonces visent à stimuler la croissance économique, ce qui pourrait accélérer la dynamique des bénéfices des entreprises, et venir contrer une éventuelle baisse des exportations liée à l’augmentation des taxes douanières aux États-Unis. De plus, ce « renouveau » européen, très favorablement accueilli par les marchés, pourrait amener les investisseurs à reconsidérer l’Europe de manière plus structurelle.

En effet, la valorisation des actions européennes continue d’être très attractive par rapport à ses pairs américaines (environ 40 % moins chères, voir graphique 3) et la région est globalement sous détenue par les investisseurs après plusieurs années de décollecte.

Enfin, la fin potentielle de la guerre en Ukraine, le cas échéant, aurait un impact positif sur l’économie européenne : les prix de l’énergie devraient baisser, tandis que la confiance des consommateurs, investisseurs et entrepreneurs pourrait s’améliorer. En outre, une reconstruction de l’Ukraine profiterait directement aux secteurs industriels, matériaux et construction européens.

ÉTATS-UNIS

Changement de ton outre-Atlantique. Les marchés américains ont continué de corriger, même si une certaine accalmie s’est observée depuis mi-mars. Les incertitudes concernant les impacts de la politique de Trump (hausse des taxes douanières, diminution de la main-d’oeuvre migrante, réductions des dépenses fédérales) font augmenter les risques de ralentissement, voire de stagflation de l’économie américaine. Dans un scénario négatif, ces inquiétudes pourraient entraîner une baisse de confiance des entreprises et consommateurs sur les investissements et dépenses ; et se refléter sur les attentes en matière de croissance des bénéfices.

À contrario, un revirement de l’administration ou des avancées concrètes concernant les mesures pro-croissance promises lors de la campagne, telles que la baisse des impôts sur les sociétés ou l’annonce de mesures de dérégulation pourraient changer la dynamique et le sentiment de marché.

Du point de vue des attentes de croissance des bénéfices, les États-Unis restent nettement en tête devant les autres régions, avec les « 7 Fantastiques » qui continuent de dominer le marché.

ASIE

Contre toute attente, les actions chinoises continuent leur ascension et affichent plus de 24 %de performance depuis le début de l’année. Les taxes douanières annoncées par Donald Trump

ont été accueillies par des mesures de rétorsion (très modérées) de la part de la Chine. Cependant, le soutien à la consommation intérieure a été clairement et explicitement annoncé par les autorités chinoises comme leur principale priorité pour 2025. À cet effet, le gouvernement chinois a publié un plan d’action en 30 points pour stimuler la consommation (se concentrant principalement sur l’augmentation des revenus, la stabilisation des marchés immobiliers et boursiers).

En outre, les bonnes nouvelles du côté de la Tech chinoise ont également contribué à alimenter les flux vers les actions exposées à l’Intelligence Artificielle (IA). La start-up chinoise DeepSeek a été le déclencheur de cette course technologique lancée entre les États-Unis et la Chine. D’autant plus que l’écart de valorisation entre les deux marchés, surtout sur le segment technologique, est proche d’un record historique. Cette amélioration du sentiment des investisseurs mondiaux à l’égard des actions chinoises, pouvant être considérées comme une alternative aux paires américaines, apporte un soutien au marché.

STYLES D’INVESTISSEMENT

Depuis l’évènement DeepSeek, les valeurs liées à l’IA et plus globalement tout le thème Croissance aux États-Unis subissent des prises de profit. Les investisseurs s’interrogent sur les dépenses de Capex (dépenses d’investissements) des leaders technologiques américains, tandis que les valeurs de croissance souffrent des incertitudes concernant la croissance économique et des valorisations attractives des nouveaux compétiteurs asiatiques.

En Europe, le style Value et plus particulièrement les valeurs Cycliques continuent d’être soutenues par les attentes de poursuite de la normalisation monétaire, les plans de réarmement européens et la perspective d’un cessez-le-feu en Ukraine. Ainsi, les valeurs bancaires, de constructions ont pris, entre autres, le relais des grandes valeurs de Croissance.

Enfin, malgré un début d’année mitigé, les petites et moyennes capitalisations américaines demeurent une alternative comme source de diversification ; notamment dans un scénario de non-récession de l’économie américaine et de l’annonce du volet de mesures pro-croissance promis par Donald Trump.

1 – En français : « quoi qu’il en coûte ».

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