Tue. Dec 10th, 2024

Economie : 2019 : une nouvelle donne

Par Laetitia Baldeschi -Responsable des études et de la stratégie – CPR AM


La croissance mondiale devrait ralentir en 2019, notamment en raison des États‐Unis

 La croissance mondiale est attendue en léger ralentissement pour 2019, après une année
2018 qui devrait se terminer autour de 3,7% de croissance.

 Alors que la plupart des grandes zones ont déjà ralenti par rapport à 2017, la croissance américaine a continué d’accélérer en 2018. Mais il s’agit très vraisemblablement d’un point haut. L’économie américaine devrait ralentir, notamment en raison de la dissipation des effets positifs de la réforme fiscale.

 

Certes il n’y a plus progression de la croissance mondiale, mais celle‐ci se situe toujours au dessus de sa moyenne de long terme

 La croissance mondiale était encore de 3,6% à la fin du 2ème trimestre 2018, et selon l’ensemble des prévisions elle devrait se stabiliser autour de 3,5%, un niveau supérieur à la moyenne de long terme.

 Un tel niveau de croissance permet la baisse du taux de chômage dans l’ensemble des pays avancés.

 

L’impact positif de la réforme fiscale sur l’économie va s’étioler au cours de 2019

 

 Pour autant, nous n’anticipons pas de récession. Les profits des entreprises ont accéléré au 3ème trimestre (+14,2% en trimestre sur trimestre annualisé), soit le rythme le plus rapide depuis le 2ème trimestre 2014. Plus particulièrement, les profits avant impôts sont en nette progression, ce qui ne correspond pas du tout à ce que l’on a pu voir par le passé lors des périodes « prérécession» (où généralement, les profits sont en nette décélération).

 Autre élément rassurant sur les comptes des entreprises, la charge d’intérêt des entreprises n’a pas augmenté sur le 3ème trimestre : « l’interest coverage ratio » (EBITDA sur charge d’intérêt) revient sur des plus hauts de trois ans.

 

Des éléments de fragilité apparaissent dans l’économie américaine…

 

 Le premier d’entre eux concerne le secteur de l’immobilier. En effet, depuis le début de l’année 2018 nous observons un ralentissement dans la plupart des indicateurs de ce secteur, le premier à souffrir des hausses de taux de la Fed depuis le début du cycle de normalisation.

 Autre élément d’inquiétude pour la pérennité de la croissance américaine, la faiblesse récente de l’investissement en équipement, alors que l’on attendait un fort soutien des mesures fiscales notamment le rapatriement des profits réalisés à l’étranger pour dynamiser les dépenses des entreprises.

 

 

L’accroissement de l’endettement est traditionnellement un sujet de préoccupation en fin de cycle

 

 La dette des ménages a certes progressé depuis le point bas de 2013 mais, quant on la rapporte au PIB, nous n’avons pas retrouvé les plus hauts.
Cette dette est par ailleurs moins « dangereuse », les prêts immobiliers étant en majorité réalisés avec des taux fixes.

 En revanche, la dette des entreprises a très fortement augmenté depuis 2010. Elle dépasse même les niveaux de 2008 rapportée au PIB. La situation du secteur financier est beaucoup plus saine.

La Réserve fédérale se préoccupe de l’endettement des entreprises dans son rapport sur la stabilité financière

Deux éléments sont à surveiller :

 l’évolution des notations des obligations IG. La part des obligations les moins bien notées a atteint un niveau presque record (35 % de l’encours des titres IG).

 la croissance des formes plus risquées d’endettement des entreprises ‐ obligations à haut rendement et prêts à effet de levier ‐ qui avait ralenti à zéro à la fin de 2016, a rebondi au cours des derniers trimestres.
Ce rebond traduit une baisse de l’encours des obligations à haut rendement, plus que compensée par une reprise notable de la croissance de l’encours des prêts à effet de levier.

La récente baisse des prix du pétrole vient apporter du bruit dans la trajectoire attendue de l’inflation

 

 La baisse récente des prix du pétrole s’explique pour partie par la forte hausse de la
production aux États‐Unis en novembre, qui a quasiment compensé la baisse des exportations iraniennes.

 A court terme, malgré la hausse constatée et à venir des salaires, l’inflation totale devrait décélérer à cause de la
dissipation des effets de base « pétrole » qui étaient positifs jusque‐là.

 Le ralentissement confirmé du logement, composante très importante de l’indice de prix, pourrait également peser sur l’inflation sous‐jacente.

 

 

Cet environnement plus confus pourrait conduire la Fed à interrompre son resserrement monétaire courant 2019

 Les dernières déclarations et la lecture qui en est faite par les marchés conduisent en effet à anticiper une pause dans le cycle de relèvement du taux des fed funds en 2019.

 La Réserve fédérale est par ailleurs confrontée aux conséquences sur le marché monétaire de sa politique de
réduction de bilan (via le nonréinvestissement des Treasuries et des MBS qui arrivent à maturité). En effet, elle se traduit par une nette baisse des réserves excédentaires, qui induit une pression haussière sur les marchés monétaires.

 

Le désengagement de la Réserve fédérale couplé à l’augmentation du déficit budgétaire compliquent le refinancement du Trésor

 

 La politique budgétaire expansionniste inhabituelle à ce moment du cycle, alors même que le vieillissement de la population entraine une nette progression des dépenses sociales se traduit par un besoin de financement accru de l’Etat.
Ceci, dans un contexte de dégonflement du bilan de la Fed à vitesse maximale en 2019 (270 Mds $) pourrait engendrer des tensions sur le marché obligataire.

 Jusqu’à présent, la hausse du déficit a été essentiellement financée par des T‐bills…

 

La croissance de la zone euro marque le pas

 

 Le ralentissement début 2018 s’expliquait par un ajustement après une année 2017 exceptionnelle. Celui du 3ème trimestre répond à plusieurs facteurs spécifiques avec notamment l’automobile et les exportations.

 Mais les enquêtes continuent de se dégrader, avec les craintes multiples (guerre commerciale Italie…)

 

Avant la remontée de taux d’intérêt, la BCE devra gérer les impacts de la fin de ses mesures exceptionnelles d’assouplissement…

 

 Les TLTRO arriveront à maturité à partir de juin 2020 et ne seront plus comptabilisés dans certains ratios prudentiels (NSFR) dès juin 2019. La BCE devrait annoncer de nouvelles opérations de refinancement de LTRO dans les prochains mois, très vraisemblablement à taux variable.

 La situation est d’autant plus préoccupante pour le refinancement des banques italiennes, dans le contexte souverain actuel sachant que ces dernières étaient fortement dépendantes des LTRO.

 

… la fin de sa politique d’achats de titres, et le renouvellement du directoire

 

 D’ores et déjà les émissions nettes de titres longs sont supérieures aux achats de la BCE. Les réinvestissements des titres arrivés à échéance au bilan seront le seul instrument encore disponible, la BCE pouvant arbitrer sur la maturité des titres pour s’adapter au mieux à la situation.

 Trois des six membres du directoire arrivent à la fin de leur mandat. Philip Lane a de bonnes chances de succéder à Peter Praet, voire à Mario Draghi.

 Parmi les autres favoris pour remplacer M. Draghi : Benoît Coeuré, Jens Weidmann, Erkki Liikanen, François Villeroy de Galhau…

 Tout dépendra d’un savant équilibre entre les différentes nationalités, à l’issue des élections européennes, compte tenu de l’ensemble des postes à pourvoir (Commission européenne, Parlement…)

 

L’Europe reste soumise au risque politique avec l’Italie et sa politique budgétaire …

 

La procédure pour Déficit excessif (PDE) pour non respect du critère de la dette devrait néanmoins être lancée mais sera longue :

• Le Conseil Ecofin doit d’abord statuer sur l’existence d’une dette excessive (décembre ou janvier)
• Il recommandera ensuite des corrections budgétaires à l’Italie
• Celle‐ci disposera de 3 à 6 mois pour se mettre en conformité avec un objectif intermédiaire

La « discipline de marché » a probablement été plus convaincante que la Commission européenne pour favoriser la reprise des négociations. Selon les dernières déclarations du gouvernement :
• Le déficit/PIB pourrait être abaissé de 2,4% à 2,2% voir 2%
• Des mesures coûteuses seraient reportées à l’été 2019 Ignazio Visco, gouverneur de la Banque d’Italie a estimé que la hausse des taux coutera 5 milliards d’euros en 2019 soit 0,3% du PIB.

 

… et encore le Royaume‐Uni !

Le Brexit aura un impact négatif sur la croissance de moyen terme quelque soit le scénario envisagé.
Cependant, un accord permettant une relation commerciale proche entre le Royaume‐Uni et l’Union européenne améliorera la croissance par rapport à la tendance actuelle.

 Si la relation future est moins proche, la Banque d’Angleterre estime que les coûts commerciaux, la baisse des investissements directs étrangers et de l’immigration en provenance de l’UE impacteront négativement la croissance.

 En cas de no‐deal, le Royaume‐Uni subirait la plus sévère récession depuis la seconde guerre mondiale.
La livre perdrait près de 10%. Les prix immobiliers 30%.

 D’ores et déjà, le ralentissement de la croissance depuis 2016 dû au Brexit est évalué à 2%‐2,5% de PIB selon la Banque d’Angleterre.

 

Le Japon dans ce contexte : un monde à part ?

 

 La croissance a été décevante en 2018 mais très affectée par des phénomènes climatiques extrêmes. Pour autant l’investissement des entreprises est resté soutenu, poussé par des besoins de renouvellement de capacités obsolètes, d’amélioration de l’efficience pour compenser les pénuries de main d’oeuvre, et la préparationdes JO de Tokyo de 2020.

 L’inflation reste sur une trajectoire positive même si la BOJ en convient, il faudra être encore patient pour atteindre l’objectif de 2%, et donc maintenir une politique monétaire très accommodante tout au long de 2019.

 Le risque principal à notre sens demeure l’importance et le rythme du ralentissement à l’oeuvre en Chine.

 

Tout dépendra de l’ampleur du ralentissement chinois…

 

 La Chine ralentit, en raison notamment des politiques de réduction de l’endettement mises en oeuvre depuis quelques trimestres.

 Le ralentissement de la demande explique l’affaiblissement des enquêtes de conjoncture et des données d’activité récentes.

 

… que les autorités tentent d’enrayer par un ensemble de mesures

 

 Les annonces en matière monétaire avec la baisse du taux de réserves obligatoires des banques, les prêts aux PME, les baisses de taux d’intérêt se sont multipliées. Les incitations réglementaires pour les banques les poussant à reprendre du risque et financer les investissements en infrastructures s’enchainent. L’allègement de la pression politique sur les collectivités locales est également un élément de soutien à l’activité.
Pour finir, les autorités ont annoncé des réformes budgétaires passant par un allègement de la fiscalité et une hausse des dépenses sociales. Tout ceci devrait permettre la stabilisation de la croissance, même si, il semble que la réaction de l’économie réelle soit un peu plus lente que dans les phases de relance précédentes.

 

Une trêve commerciale entre les États‐Unis et la Chine, mais les tensions vont perdurer…

 

 Selon les chiffres de CPB, le commerce mondial s’est contracté de 1,1% en septembre. Sur 12 mois, le
commerce mondial est en nette décélération (+2,4%, contre +3,7% en août).

 L’impact sur l’économie chinoise n’est pas encore directement mesurable même si le conflit pèse sur la confiance des ménages.

 La trêve conclue entre les États‐Unis et la Chine apporte un peu de répit mais ne résout en rien les différents entre les deux pays. Les discussions vont continuer à occuper le devant de la scène dans les prochains mois.

 

Une pause de la Fed, une stabilisation de la Chine, sont autant de raison d’espérer une éclaircie pour les émergents…

 

 Si l’accélération de la croissance américaine ne s’est pas traduite par une forte accélération des importations du pays, et a donc vu son impact sur le reste du monde rester modeste, tout effondrement de la demande chinoise aura nécessairement des répercutions sur l’activité mondiale, et surtout émergente.

 

… Ces derniers conservant globalement de bons fondamentaux

 La réaction à l’appréciation du dollar a été violente, et s’est traduite dans plusieurs pays par un durcissement des politiques monétaires (Philippines, Indonésie, Mexique…).
Toutefois, dans nombres d’entre eux les fondamentaux restent solides, soutenus par une demande intérieure dynamique. Les tensions commerciales restent un fort sujet pour les petits pays ouverts (Taiwan, Singapour…).
Certains pays devront également faire face aux échéances électorales (Inde, Indonésie, Thaïlande…)

 Une approche sélective de ces pays devrait être privilégiée, en restant vigilant sur la Turquie, l’Argentine ou l’Afrique du Sud.

Conclusions

 

La croissance mondiale devrait se stabiliser autour de 3,5% en 2019 après 3,7% en 2018.

 Les États‐Unis vont ralentir, avec un moindre soutien fiscal et les effets du resserrement monétaire déjà effectué, notamment sur l’investissement résidentiel.
L’endettement des entreprises est important et devrait faire l’objet d’une surveillance accrue.

 Dans un contexte d’inflation contenue, la Fed pourrait faire une pause courant 2019.

 Le risque de tension sur le marché obligataire ne peut être exclu compte tenu d’un besoin de financement de l’Etat croissant alors que la Fed se désengage.

 La zone euro ralentit également après une année 2017 exceptionnelle, mais sa croissance reste supérieure à son potentiel.

 La BCE va accompagner la fin des mesures de refinancement exceptionnelles et préparer la remontée des taux après l’été 2019.

 Le risque politique prédomine avec d’une part la question budgétaire en Italie et d’autre part les conséquences du Brexit sur l’économie britannique.

 La Chine ralentit, en raison jusqu’à présent des mesures de désendettement mises en oeuvre. Les politiques de soutien sont un peu plus longues à produire leurs effets sur l’économie réelle.

 Une escalade encore plus marquée des tensions commerciales avec les États‐Unis pourrait venir peser un peu plus sur l’économie chinoise, ce qui entrainerait un ralentissement marqué dans le monde émergent et au Japon.

 

VIDEO

 

SUITE DE L’ANALYSE:

ENVIRONNEMENT CREDIT 2019 – la suite logiques de 2018?

 

STRATEGIE D’INVESTISSEMENT

Par Malik Haddouk – Directeur de la Gestion Diversifiée – CPR AM

-> Retour sur l’année 2018
-> 2019: une année de DEFIS

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