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France : Les marchés semblent avoir digéré la chute du gouvernement Bayrou avant qu’elle ne survienne

Par Grégoire KOUNOWSKI – Investment Advisor chez Norman K

Lundi, François Bayrou a échoué à obtenir le vote de confiance à l’Assemblée et a remis la démission de son gouvernement au Président de la République. 24h plus tard, l’Elysée a nommé un nouveau 1er ministre en la personne de Sébastien Lecornu. À première vue, les marchés avaient déjà pris acte de la chute du gouvernement Bayrou. Pourtant, le CAC40 a terminé dans le vert lors de chaque session et comble progressivement les pertes générées au moment de l’annonce du vote de confiance. Par ailleurs, c’est également ce que l’on peut également déduire de l’adjudication de dette française qui a eu lieu jeudi dernier, soit quelques jours avant l’échec du vote de confiance.

L’Agence France Trésor (AFT) avait pu emprunter 11 Mds€ sans difficulté (à des taux toutefois supérieurs à ce qui était espéré) sur un total de 300 Mds€ d’obligations à long terme (OAT) qui seront émises en 2025. Un montant record. Dans le détail, l’OAT à 10 ans s’est négociée à 3,57 % au lieu des 3,5 %. L’obligation arrivant à terme en 2042 s’est écoulée au taux de 4,04 % au lieu de 3,6 % visés, et celle de 2056 à 4,43 % contre 3,75 % espérés.

Des taux plus élevés, mais dans des proportions qui restent relativement faibles. Pour le moment, la France ne rencontre pas de difficulté à placer sa dette sur de longues maturités, ce qui lui serait impossible si sa capacité de remboursement n’était plus jugée crédible. Dans ce cas, elle ne pourrait emprunter que sur du court ou moyen terme.

À titre de comparaison, la chute du gouvernement Bayrou est loin d’être l’équivalent français du « jour de la libération » de Donald Trump, le 2 avril dernier. D’ailleurs, à 1,1721 $ ce mercredi, la monnaie européenne résiste bien aux atermoiements de la politique française. L’écart de rendement du taux d’emprunt entre les deux plus grandes économies de la zone euro, la France et l’Allemagne, a grimpé de 74 à 82 pb pour revenir aux alentours de 80 pb.

Si malgré tout la France reste, pour le moment, un placement sécurisé aux yeux des investisseurs, les agences de notations pourraient toutefois rapidement dégrader sa note. À commencer par Fitch qui peut décider dès vendredi d’abaisser la note française de AA- à A+. Ce qui aurait pour conséquence d’acter la fin des ambitions de réduction du déficit de 44 Mds€ en 2026 et l’impossibilité de ramener le solde public français à -3 % du PIB d’ici 2029. Ainsi, plus l’incertitude politique et budgétaire persiste, plus le coût de financement de la France sur les marchés peut bondir à court terme.

C’est sans doute la raison pour laquelle l’Elysée a semblé écarter, dès lundi soir, l’hypothèse d’une dissolution et annoncé vouloir « nommer un 1er ministre dans les tous prochains jours ». Un rôle qui échoit finalement à Sébastien Lecornu. Si son principal défi consiste à faire adopter un budget 2026 et d’améliorer l’état des comptes publics, reste à imaginer sur quelle majorité parlementaire le nouveau locataire de Matignon s’appuiera. Avec une Assemblée toujours aussi fragmentée, la chute du gouvernement Bayrou n’offre finalement qu’un très court répit à son successeur.

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