Sun. Dec 22nd, 2024

Par Jean-Jacques Friedman, Chief Investment Officer , Natixis Wealth Management

 

·        Inflation et croissance ont monopolisé l’attention des investisseurs mais ce sont la guerre commerciale et la fin du soutien des politiques monétaires qui ont accru l’aversion au risque.

·        Le discours plus prudent des entreprises a sonné comme une alerte au cours des publications du dernier trimestre, alors que les indicateurs économiques continuaient en parallèle à résister.

·        2018 restera comme une année de transition vers un futur plus incertain

1. LES MARCHÉS S’AJUSTENT TOUJOURS DE MANIÈRE HEURTÉE À UN NOUVEAU CONTEXTE

2018 n’a pas échappé à la règle, avec de violentes corrections en février et en octobre, dans un environnement politique tendu.

C’est l’élément qui a prédominé cette année et qui explique pourquoi très peu de classes d’actif ont pu offrir une protection et une alternative à la volatilité dans ce contexte.

 

Nous avions identifié des points de rupture dès décembre 2017, ce qui nous avait incité à opter pour une allocation neutre sur les actions.

  • Notre plus grande prudence était liée à la valorisation des marchés en liaison avec un possible essoufflement de la croissance, à la remontée des taux et à la réduction des liquidités.
  • En revanche, nous n’avions pas intégré des éléments tels le bras de fer entre les Etats-Unis et la Chine qui ont créé un climat d’incertitude, engendrant une succession de chocs politiques en retour dans de nombreux pays.
  • Seule la solidité des résultats des entreprises a constitué une force de soutien qui nous a permis de revenir ponctuellement sur les actions, tout en restant à l’écart de nombreuses sources de risques additionnels, comme les petites et moyennes capitalisations, les valeurs de retournement ou les obligations à haut rendement.

 

Lors de nos perspectives pour 2018, nous avions placé l’inflation et la croissance comme le nouveau cadre de référence pour les marchés. Contrairement au consensus, nous n’avons jamais cru au mythe de l’inflation disparue, ni à celui d’une croissance pérenne à ce stade dans le monde, notamment aux États-Unis.

 

  • Les pressions salariales aux Etats-Unis, du fait de la baisse du taux de chômage, ont été un premier déclencheur à la baisse des marchés en février.
  • Les mesures fiscales de l’administration Trump ont eu un effet de relance sur l’économie, au travers essentiellement de la consommation des ménages, mais les investissements des entreprises qui avaient bénéficié également des baisses d’impôt n’augmentent plus depuis quelques mois. C’est un moteur qui s’est enrayé, alors qu’il aurait permis de résoudre la question du maintien des créations d’emplois à moyen terme.
  • Le risque sur la croissance revient sur le devant de la scène, même si nos prévisions tablent davantage sur un ralentissement graduel en 2019 et en 2020 que sur une brutale décélération. Si l’inflation est restée encore contenue, la tension sur les salaires aux États-Unis reste forte, avec une hausse de plus de 3% en octobre, un seuil franchi pour la première fois depuis 2009.

 

 

2. AUTRE POINT DE RUPTURE, LES MARCHÉS DOIVENT APPRENDRE À VIVRE SANS LE SOUTIEN DE POLITIQUES MONÉTAIRES

 

La montée des taux aux États-Unis, le rapatriement des capitaux favorisé par la réforme fiscale de Trump et la réduction, puis l’arrêt en décembre du programme de rachat de dettes par la Banque centrale européenne initié en 2015, pose aujourd’hui le problème des liquidités sur les marchés.

En soi, l’arrêt programmé de l’intervention des banques centrales ne constitue pas nécessairement un signal négatif. Mais c’est clairement un filet de sécurité qui disparaît : la fin de la certitude du soutien monétaire a ouvert dès le début de 2018 un cycle de moindre appétit pour le risque et de plus forte volatilité.

Cette montée du coût du risque pèse sur les multiples de valorisation des actions et élargit les spreads de crédit. Au passage, le différentiel des taux entre les deux rives de l’Atlantique, qui atteint des records, et l’aplatissement de la courbe des taux aux États-Unis ont étouffé toutes les tentatives de rotation sectorielle vers les secteurs value, un des grands thèmes de gestion évoqués cette année.

 

 

3. LA GUERRE COMMERCIALE ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LA CHINE A ÉTÉ SANS DOUTE L’ÉLÉMENT LE PLUS INATTENDU ET LE PLUS IMPORTANT POUR LES MARCHÉS

 

D’autant qu’il se combine avec des inquiétudes croissantes sur l’économie chinoise, notamment sur son niveau d’endettement. Au départ considéré comme une simple rhétorique antimondialisation, le conflit s’inscrit clairement dans la durée, même si des baisses d’intensité interviendront ponctuellement et offriront des opportunités.

Il sonne surtout la fin de la lune de miel entre les marchés et Donald Trump, qui a perdu son image « de faiseur de deals » du début de son mandat.

Enfin, plus encore aux États-Unis qu’en Europe, le sentiment que le ralentissement économique commence à avoir une incidence sur les résultats des entreprises marque un tournant dans la perception du risque, aussi bien sur les actions, comme en témoigne le décrochage d’octobre, que sur le marché de crédit où les obligations d’entreprises souffrent de primes de risque aujourd’hui plus importantes.

La progression des résultats des entreprises sera pourtant conforme aux attentes en 2018, et c’est bien cette absence de révision à la baisse qui a été la principale force de rappel des indices en janvier, avril et juin.

Mais le ton a changé au troisième trimestre, avec un discours non pas plus négatif mais simplement plus prudent, dans un contexte d’absence de visibilité. Comment d’ailleurs expliquer autrement la forte consolidation des marchés, alors que les tensions géopolitiques semblaient moins fortes, notamment en Italie, et que la banque centrale américaine annonçait une pause dans sa politique de durcissement monétaire ?

 

2018 aura été une année instable sur les marchés, qui inspire de nouveau une grande prudence sur toutes les classes d’actifs utiliséesen se focalisant en priorité sur les valeurs de qualité et en essayant de réduire les risques additionnels sur des classes d’actifs qui peuvent se recorréler au marché d’action en cas de résurgence de la volatilité.

La leçon d’octobre dernier est l’attention qui doit continuer de se porter sur la performance économique des entreprises, dans un environnement où la moindre liquidité pénalise fortement les entreprises qui doivent avoir recours à des refinancements importants.

 

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