Par Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France
Depuis plusieurs mois, l’attention des marchés est focalisée sur l’inflation dans les services aux Etats-Unis, dernier rempart aux baisses de taux de la Fed. Au risque de sous-estimer l’impact du rebond des matières premières, en partie lié à la dynamique industrielle en Chine.
Alors que pendant la période Covid et post-Covid, la pression haussière sur les prix est arrivée par le biais des matières premières et des biens, ces thèmes ne constituent plus vraiment un stress pour les investisseurs : l’énergie contribue négativement à l’inflation depuis de nombreux mois et la contribution des biens à l’inflation est résiduelle.
Seule l’inflation dans les services attire vraiment l’attention, inflation dans les services régulièrement citée par les membres de la Fed ou encore de la BCE.
Pourtant un mouvement s’est mis en route depuis quelques temps : le rebond des matières premières. Un rebond notamment catalysé par la dynamique industrielle en Chine et les anticipations d’une amélioration de l’activité industrielle en Allemagne avec la rechute des prix du gaz naturel, de retour sur les niveaux pré-Covid et invasion de l’Ukraine.
Si l’on prend un indice synthétique de matières premières (métaux, énergie, agriculture) comme le Bloomberg Commodity Index, on note une progression de plus de 5% depuis février.
En parallèle de ce rebond des matières premières, on relève également un rebond plus important que prévu des prix à la production aux Etats-Unis (1.6% y/y en février), sachant qu’en novembre dernier, la progression n’était que de 0.8%. En soi, cette progression des prix à la production n’a rien d’exceptionnelle si on l’observe de manière isolée car elle était très souvent supérieure à 2% en 2016 et 2017 par exemple, sans que cela ne provoque de stress particulier sur l’inflation globale.
Mais le risque actuel est que ce petit rebond de la dynamique des prix à la production aux Etats-Unis, ainsi que le rebond des matières premières, ne retardent le retour de l’inflation, et notamment de l’inflation PCE (la plus surveillée par le Fed) vers l’objectif des 2%.
Alors que l’inflation dans les services est résiliente, les progrès sur l’inflation globale ont été importants en bonne partie grâce à la baisse de la pression sur le prix des biens et de l’énergie ces derniers mois…mais si les prix à la production retrouvent une nouvelle dynamique (ce qui pourrait avoir un impact sur le prix des biens) ainsi que les matières premières (pétrole, métaux), les progrès sur l’inflation pourraient stagner. Et une stagnation des progrès sur l’inflation, ou pire un rebond, remettrait sérieusement en cause le nombre de baisses de taux anticipées par les marchés pour 2024.
Ce risque est peut-être sous-estimé actuellement par les marchés actions qui continuent de « pricer » la perfection, aidés en cela par un président de la Fed toujours relativement accommodant dans ses interventions. D’autres sont plus prudents, comme Raphael Bostic de la Fed d’Atlanta, qui table désormais sur une seule baisse de taux cette année, loin du consensus de marché de 3 baisses de taux…