Sun. Dec 22nd, 2024

Hervé Goulletquer – stratégiste/direction d ela gestion- LBPAM

La Chine aux chiffres économiques compliqués

Quelle lecture faut-il avoir du PIB chinois de T2 : ralentissement ou accélération ? En fait, plutôt stabilisation. Ce qui à la fois rassure, mais fait écarter l’hypothèse de vastes mesures de soutien à l’activité.

Comment interpréter la batterie de chiffres économiques chinois publiés tout récemment ? Quel message cela envoie-t-il sur le profil de la croissance mondial, dans un contexte de relations commerciales tendues entre Pékin et Washington ?

 

Comme souvent avec les statistiques produites par la Chine, l’interprétation n’est pas facile à faire. Prenons le PIB du deuxième trimestre. Le sens le plus généralement proposé est que le ralentissement en cours se poursuit. Le glissement sur un an ne ressort-il pas à +6,2%, après +6,4% pour la période précédente ? De plus, tout le monde se souvient qu’il y a une année de cela la croissance ressortait à 6,7%. Les férus de chiffres ajouteront même que c’est la première fois depuis que les autorités chinoises produisent une série trimestrielle du PIB, c’est-à-dire depuis 1992, que le tempo est aussi peu rapide. CQFD, pourrait-on avoir envie de conclure.

 

Las, ou peut-être tant mieux ; tout n’est pas si simple. Si on cherche à mesurer la performance à la fois instantanée et complète d’une économie, la variation d’un trimestre à l’autre du PIB est sans doute plus indiquée. Et encore plus dans le cas chinois à l’heure actuelle, avec le besoin de l’observateur de vérifier la capacité du gouvernement de Pékin à piloter l’économie dans un contexte à la fois incertain et compliqué. Eh bien, la performance a été supérieure en T2 qu’en T1 : respectivement +1,6% après +1,4%.

 

Alors ; ralentissement ou accélération : faites vos choix ! On a envie de rétorquer qu’in medio stat virtus. De fait, l’observation de la chronique trimestrielle donne l’impression que l’objectif des autorités est de maintenir le momentum de la croissance à au moins 1,5% d’une période à l’autre. Celles-ci seraient donc dans une tactique de réglage fin, « appuyant sur l’accélérateur » des mesures de relance, avant de « lever le pied » en fonction à la fois du rythme de l’activité et de la réponse de celle-ci aux initiatives prises.

 

L’observation des statistiques mensuelles permet d’affiner le diagnostic. En contre-point du message envoyé par les données d’enquête, les « chiffres en dur » de juin sont meilleurs qu’attendus. On observe un net rebond tant de la production industrielle que des venter au détail. S’il en est de même de l’investissement fixe, l’ampleur de l’amélioration est plus mesurée. Tout cela pour dire que dans un climat de trêve avec les Etats-Unis, certes précaire, mais pour le moment effective, le gouvernement de Pékin ne devrait pas « mettre les bouchées doubles » en matière de soutien à l’activité. La croissance du troisième trimestre ne devrait pas être supérieure à celle du deuxième.

 

Si l’économie mondiale ne reçoit pas de stimulus de la part de la Chine, cela peut-il venir d’ailleurs ? On pense à la politique monétaire, en train d’être assouplie un peu partout, et à des marchés de capitaux qui « tiennent le choc ». Il n’empêche que tant que l’incertitude politique ne sera pas levée (nous pensons que cela demandera du temps), cette double dynamique ne permettra que de freiner la tendance au ralentissement en cours.

 

Changeons de continent et regardons du côté des Etats-Unis. Il faut s’intéresser à la lettre envoyée par le secrétaire au Trésor Mnuchin au Congrès, vendredi dernier. Il attire l’attention sur le risque que le gouvernement fédéral se trouve à cours de cash à partir de début septembre. Il serait donc de bonne politique que le Congrès vote un relèvement du plafond de la dette, avant l’arrêt de ses travaux pour « congés d’été ». Pour la Chambre des représentants, la date retenue est celle du 26 juillet. Cela sera-t-il possible ? Avec quelles concessions de la Maison Blanche et des Républicains à la majorité démocrate de la Chambre ? Bien sûr, l’histoire se terminera bien. Mais une possibilité de stress momentané sur le marché des titres d’Etat américains existe.

 

Finissons notre tour des continents par l’Europe, pour noter que demain ou après-demain les députés européens doivent se prononcer sur le choix d’Ursula Von der Lyen comme nouveau Président de la Commission. Si les Démocrates-Chrétiens et les Libéraux devraient voter largement en sa faveur, une partie des Sociaux-Démocrates pourrait refuser son soutien. Au point que le choix du Conseil ne soit pas confirmé ? Ce n’est pas l’hypothèse centrale ; mais le risque existe. Mais est-ce utile, au début d’un nouveau cycle européen, de commencer par affaiblir le premier représentant de l’Union ou, pire, de déclencher une crise au sein des institutions ?

 

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