Sat. Dec 21st, 2024

Par Frédéric Rollin, conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet AM

 

Il y a quelques mois, il fallait sortir 60 dollars US pour obtenir un baril de pétrole. Aujourd’hui, il faut payer pour s’en débrasser. Pourquoi ?

Selon l’AIE, la baisse de la demande de pétrole au deuxième trimestre sera probablement de 23 millions de barils jours par rapport à l’année dernière. L’OPEP+ s’est accordée sur une baisse de 9,7 millions de barils jour. L’offre dépasse donc largement la demande et ceci fait pression sur les prix.

Cette pression augmente avec le temps car l’excès d’offre doit être stockée. L’industrie pétrolière est une industrie à flux tendus et les capacités de stockage sont modestes en regard de la production. C’est la raison pour laquelle nous avons vu un effondrement des prix spot du pétrole, et même des prix négatifs. Si l’on a acheté du pétrole et qu’il doit être livré à brève échéance, il faut se préparer à le stocker. Les réservoirs arrivent à plein et stocker devient difficile. Certains préfèrent alors payer pour ne pas être livrés, jusqu’à plusieurs dizaines de dollars le baril hier.

Notons que si le prix spot est passé en territoire négatif, les prix du WTI livré en juin reste proche de 20 dollars. Beaucoup d’investisseurs pensent que le demande va reprendre après le confinement.

Le prix du Bent est quant à lui beaucoup plus élevé que celui du WTI. Pourquoi ?
Le Brent est extrait en mer, ou très proche de la mer, et il est plus facile de la stocker à l’aide de bateaux. Les pétroles produits à l’intérieur d’un continent, loin de la mer, comme le WTI sont beaucoup plus difficiles et couteux à stocker.

 

Une baisse aussi brutale, quelles conséquences pour les marchés et l’économie ?

Elles seront nombreuses :

  • Une baisse des valeurs pétrolières et parapétrolières qui pèse sur les indices.
  • Un rappel à la réalité pour les marchés. Les annonces monétaires et gouvernementales ont été massives mais le ralentissement est cruel. Le récent rallye sur les actions pourrait être remis en cause. Les partisans de la déflation ont un argument de plus.
  • Les marchés du High Yield américain vont souffrir. Le marché est composé à environ 10% d’entreprises liées au pétrole de schiste, dont l’avenir est compromis sur ces prix-là.
  • Des rachats importants dans les ETF High Yield pourraient de nouveau mettre en tension les marchés du crédit, comme cela avait été le cas au début du mois de mars pendant le déclenchement des hostilités entre russes et saoudiens.
  • Les économies européennes et asiatiques vont bénéficier d’un prix du pétrole plus bas, agissant comme une mesure fiscale favorable. Mais les prix vont-ils rester bas quand ces économies consommeront du pétrole de nouveau ?…
  • …de nombreux sites d’extraction vont devoir fermer. Lorsque les mesures de confinement vont être relâchées, il n’est pas impossible que l’offre soit insuffisante. Il est long et couteux de rouvrir des sites. Les prix pourraient alors remonter en flèche. Ce n’est pas notre scénario principal, mais c’est à surveiller.

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