Economie

Déficit commercial : Trump pourrait bien le réduire, mais pour de mauvaises raisons

Sylvain BERSINGER, chef économiste chez Asterès

Donald Trump pourrait bien réussir à diminuer le déficit commercial américain, non pas en
revitalisant l’industrie, mais en pénalisant la consommation et le dollar. L’évolution la plus inattendue
suite à l’intensification de la guerre commerciale le 2 avril est la baisse du dollar, alors que l’annonce de
droits de douane aurait dû le faire monter. Cette évolution traduit une défiance croissante envers
l’économie américaine et une anticipation d’une conjoncture plus morose. Le freinage de l’activité et la
baisse du dollar devraient conduire, comme le souhaitait Donald Trump, à une baisse du déficit
commercial américain, mais pas pour les raisons qu’il avait prévues.


1) « Liberation day » : Une baisse inattendue du dollar


L’annonce de nouveaux droits de douane lors du « Liberation day » du 2 avril a, paradoxalement,
fait baisser le dollar, preuve du choc provoqué par cette annonce. D’après la théorie économique
habituelle, les droits de douane entraînent l’appréciation de la monnaie du pays qui les met en place,
notamment car ils réduisent la demande de devises des autres pays1. D’ailleurs, depuis l’élection de
Donald Trump et jusqu’au mois de mars, la possibilité d’une hausse des droits de douane américains, que
l’on anticipait alors modérée, avait fait monter le dollar. Cependant, depuis que la guerre commerciale
s’est intensifiée, le dollar a chuté. Ce paradoxe peut s’expliquer par le fait que, en freinant la croissance
américaine, les droits de douane généralisés augmentent la probabilité d’une baisse des taux (si la fed
privilégie le soutien à la croissance à la lutte contre l’inflation), rendant les placements en dollars moins
attractifs. Une défiance plus grande des investisseurs envers les États-Unis du fait d’une politique brutale
et erratique peut également expliquer la baisse du dollar.

2) Déficit commercial américain : Une récession le réduirait

Le déficit commercial américain pourrait diminuer du fait des droits de douane, mais du fait d’une
récession et non d’une stimulation de la production industrielle domestique. L’objectif de Donald
Trump est, en accroissant les droits de douane, de dynamiser l’industrie américaine en la protégeant de la
concurrence étrangère, et ainsi de réduire le déficit commercial. L’objectif de réduction du déficit
commercial pourrait bien être atteint, mais pour des raisons qui n’étaient certainement pas prévues par
Donald Trump : un freinage de la croissance américaine, une baisse de la demande et de l’investissement
et une baisse du dollar. D’ailleurs, au cours des dernières décennies, le déficit commercial américain ne
s’est jamais tant réduit que pendant la crise des subprimes, quand la demande et l’investissement avaient
plongé aux États-Unis.

  • La politique de Donald Trump risque de faire baisser la demande des ménages. Les droits de douane
    vont accroître les prix pour les Américains, ce qui va pénaliser la consommation. De plus, les coupes
    brutales opérées par Elon Musk dans l’administration sont de nature à accroître l’épargne des
    fonctionnaires. La confiance des ménages américains est d’ailleurs en nette baisse depuis le début de
    l’année2. Une moindre consommation des ménages réduit à la fois la croissance et le déficit commercial.
  • L’incertitude engendrée par Donald Trump peut réduire l’investissement aux États-Unis. La
    stratégie de Donald Trump consiste, avec les droits de douane, à inciter les entreprises à investir aux
    États-Unis pour dynamiser l’industrie. Cependant, son attitude brutale et incohérente, que ce soit sur les
    droits de douane, les relations internationales ou le respect des institutions (notamment l’indépendance
    de la Fed, très importante d’un point de vue financier) peut conduire à une baisse de l’investissement
    qui entraînera une baisse de la demande, donc du déficit commercial (à court terme, l’investissement
    augmente la demande donc creuse le déficit commercial, par exemple pour l’achat de machines
    importées, à plus long terme il peut diminuer le déficit commercial du fait d’une hausse de la production).
  • La baisse du dollar, si elle se prolongeait, réduirait le déficit commercial américain. En lien avec le
    point précédent, la guerre commerciale et son impact récessif diminue la demande de dollars (incertitude,
    baisse possible des taux), donc pousse la devise à la baisse. Cette évolution contribue clairement à une
    baisse du déficit commercial, à la fois via une hausse des exportations et une baisse des importations,
    devenues plus chères. La baisse du dollar a pour sa part des effets incertains sur la croissance puisqu’elle
    peut tant la stimuler (hausse des exportations) que la réduire (baisse de pouvoir d’achat du fait de la
    hausse du prix des importations).
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