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Les récents propos de Mario Draghi confirmant qu’une nouvelle baisse des taux demeurait une mesure envisageable dans les mois à venir ont suscité des réactions : sur les marchés financiers, où les taux obligataires souverains se sont mécaniquement repliés (le Bund allemand s’établit à -0,31%*), mais aussi à la Maison Blanche, puisque Donald Trump a dénoncé la stratégie de la Banque centrale européenne qui viserait à affaiblir l’euro et, par conséquent, à instaurer une concurrence déloyale.

Au-delà de cette passe d’armes, il fait désormais nul doute que l’orientation des politique monétaires de part et d’autre de l’Atlantique restera accommodante au cours des mois à venir, en rupture avec la projection d’une « normalisation » sur laquelle tablaient encore les banques centrales, en fin d’année 2018. « Le changement de cap de la Fed et de la BCE a été brutal. Le consensus de marché table désormais sur une baisse des taux directeurs de la Fed d’ici la fin d’année, aux antipodes des anticipations de novembre 2018, quand trois hausses de taux étaient encore un scénario crédible pour 2019 » détaille Mathilde Lacoste, Responsable de la gestion de portefeuilles Investment-Grade chez Swiss Life Asset Managers. Jacques de Larosière, Gouverneur honoraire de la Banque de France et ancien Directeur du FMI, juge d’ailleurs « révélateur » le virage soudain entrepris par la Fed, à un moment où le cycle économique est encore haussier. « Plusieurs raisons expliquent le choix de la Fed : la crainte d’une réaction négative des marchés boursiers face à un relèvement des taux et à un raffermissement du dollar américain, mais aussi la crainte d’une nouvelle baisse de l’inflation. De plus, une nouvelle école plus ‘dovish’ émerge au sein de la Réserve fédérale, en témoignent les positions de son Vice-Président, M.Clarida, qui estime que les ‘déficits’ d’inflation constatés depuis quelques années (par rapport à la cible de 2%) devraient être pris en compte pour justifier et compenser le maintien de taux bas, voire la reprise d’une dispositif de quantitative easing. Et cela, même si l’inflation venait à dépasser 2% ! ».

 

Une politique monétaire qui n’est pas sans dangers

 

Dans ce contexte, les investisseurs obligataires sont confrontés à un aplatissement inexorable de la courbe de taux qui suscite une profonde réflexion sur la notion fondamentale de risque : « il existe aujourd’hui des distorsions. Du fait de la convergence à la baisse des taux obligataires, les spreads entre les différentes maturités et titres ne reflètent plus du tout le risque » constate Mathilde Lacoste. Les taux courts sont au plancher sans perspective de hausse, cela se reflète par exemple dans les taux ‘forwards’ Euribor, avec -0,32% affiché par l’Euribor 3 mois, -0,421% pour l’Euribor 3 mois dans 3 mois et -0,482% l’Euribor 3 mois dans 9 mois**.

 

Selon Jacques de Larosière, « l’existence prolongée de taux d’intérêt bas ou négatifs peut également poser problème en termes de stabilité financière. Elle constitue pour les épargnants une incitation à conserver leur épargne sous forme liquide (pour éviter la « taxe » prélevée sur les titres investis en actifs sans risque) et décourage l’investissement. D’autre part, la faiblesse des taux d’intérêt contribue au ralentissement de la croissance de la productivité, en permettant à des entreprises ‘zombies’ inefficaces de survivre et de conserver artificiellement leurs parts de marchés. Rappelons enfin qu’elle menace l’équilibre financier des organismes de retraite dont les engagements à long terme sont fixés par des dispositions contractuelles, alors que les retours sur actifs détenus sous forme de dettes s’évanouissent ».

 

Enfin, en matière de gestion d’actifs, la faiblesse durable des taux d’intérêt impose des défis inédits aux investisseurs. Au cours des dernières années la sensibilité au taux des titres obligataires n’a, globalement, cessé d’augmenter, alors que les niveaux de rendement se sont simultanément effondrés. « C’est, en somme, un couple rendement-risque dégradé, contre-intuitif du point de vue de la théorie financière : les rendements sont plus faibles pour un risque de taux plus élevé ! » analyse Mathilde Lacoste.

La diversification vers des actifs obligataires mieux-disants n’est, aujourd’hui, pas si facile. Les alternatives sont rares, c’est pourquoi les investisseurs doivent plus que jamais aborder la classe d’actifs avec une grande sélectivité, émetteur par émetteur, titre par titre. « Il s’agit aussi de considérer étroitement le market-timing, dont l’aspect est essentiel. Les investisseurs doivent se montrer patients et prudents, quitte à rester temporairement à l’écart du marché pour mieux se repositionner quand les spreads reflèteront plus justement les fondamentaux » conclut Mathilde Lacoste.  

 

*Source : Bloomberg. Taux de l’obligation souveraine allemande à 10 ans, au 24 juin 2019

**Source : Bloomberg, au 18 juin 2019.

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