Sat. Jul 6th, 2024

Par Thomas Giquel, Responsable de la gestion obligataire – Indosuez Wealth Management

Passés le nouvel an chinois et les élections présidentielles en Indonésie, la nouvelle année fiscale japonaise sera le dernier évènement calendaire avant les élections européennes en juin. Le temps pour les marchés de se concentrer sur leur matière première : l’économie et l’anticipation des tendances à venir.

ÉTATS-UNIS : L’ÉCONOMIE EN TOUCH-AND-GO*Dans la continuité des Monthly House View de janvier et février de cette année, les marchés de taux continuent de dégonfler leurs anticipations de baisses de taux de la Réserve fédérale (Fed) américaine.
Vous l’avez lu plus haut dans le focus de ce mois : l’économie américaine ne montre aucun signe tangible de ralentissement. Pourtant, à regarder l’évolution des taux d’intérêt sur une période de quelques mois, on a le sentiment que le monde a changé. En octobre, le marché anticipait des taux courts américains à 5 % fin 2024, et un taux de défaut implicite de 6 % sur le high yield (haut rendement) américain. Aujourd’hui, les taux à la fin de l’année sont proches de 4,5 %, et les primes de risque se sont normalisées.
L’inflation semble se stabiliser sur un niveau aux alentours de 3 %, les indicateurs avancés indiquent une ré-accélération de l’économie et le marché de l’emploi n’a pas connu de creux. Du côté de la gestion de portefeuilles, nous continuons d’anticiper quatre baisses de taux pour cette année. À la différence des cycles de baisses de taux réalisées dans des périodes de récession, le cycle à venir pourrait être un plateau, ou des baisses de sécurité (graphique 3), de moindre ampleur que par le passé.Le resserrement des primes de risque et la baisse des taux longs dans le marché ont réalisé une partie du travail de la Fed. Nous avons commencé l’année en étant prudents sur les taux longs pour des raisons de valorisations, nous restons prudents, désormais pour des raisons liées au déficit budgétaire et au bruit autour des élections présidentielles américaines. Une reconstitution de la prime de terme, en l’absence de récession, est un scénario probable. La volatilité des taux longs restera durablement plus élevée que lors de la décennie 2010 (graphique 4).
L’EUROPE : L’ÉLÉMENT FAIBLE DE LA CROISSANCE MONDIALEL’inflation a rogné le pouvoir d’achat des consommateurs européens en raison de la rigidité des salaires à la hausse. Les conditions financières dans la zone sont serrées, les enquêtes de la Banque centrale européenne (BCE) pointent dans le sens d’une faible demande de crédit. Sur le plan budgétaire, l’Allemagne a dégagé un excèdent primaire en 2023. Le retour des règles de stabilité pour l’ensemble des pays, mises entre parenthèses pendant l’épidémie de COVID-19, empêche de redonner un élan en 2024 ou 2025.Au moment d’écrire ces lignes, les marchés anticipent une première baisse de taux lors de la réunion du 6 juin. Et 125 pb de baisse d’ici à la fin d’année, en prenant en compte des pas de 25 pb uniquement. Des attentes légèrement plus agressives que les 100 pb de baisses que nous attendons en 2024.En termes de positionnement de portefeuilles, les gérants obligataires favorisent toujours les maturités courtes à intermédiaires. Elles ont l’avantage de procurer du portage avec une volatilité limitée. À contrario, les segments longs de la courbe (10 ans et plus) restent pour le moment plus volatils, et sous l’influence du marché américain, sur lequel nous sommes, vous l’aurez compris, prudents.MARCHÉS DE CRÉDITLes marchés de capitaux étaient largement ouverts au mois de janvier pour assurer le financement de l’ensemble des entreprises, des deux côtés de l’Atlantique. Investment grade, haut rendement, toutes maturités : les investisseurs ont répondu présents pour absorber l’offre depuis le début de l’année. Les souscriptions dans les fonds ont afflué, les investisseurs de long terme (fonds de pension, assureurs) ont investi leur besoin de duration. Dans ce contexte, les gérants regagnent en confiance sur ce marché, car la dispersion reste présente, créant des opportunités. Suite à un très fort resserrement des primes de risques depuis octobre, la sélectivité reprend tout son sens. Notamment sur le marché du haut rendement européen. Les « risques extrêmes » (tail risks) ont disparu des marchés. Depuis le début d’année, le secteur de l’immobilier superforme en zone euro, porté par les anticipations de baisses de taux. A l’opposé, les craintes de diffusion du risque de baisse de l’immobilier commercial américain influencent les banques européennes, notamment allemandes, impliquées sur ce marché.Pour terminer cette revue mensuelle, nos gérants en Asie révisent à la baisse leurs vues sur leur marché domestique en raison de la valorisation. En regard, les aspects techniques soutiennent le marché : à la différence des États-Unis et de l’Europe, le marché primaire est très peu actif, obligeant les investisseurs à conserver leurs positions.
*Terme utilisé dans l’aviation.

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