Thu. Dec 26th, 2024

Par Gérard Moulin, Responsable pôle actions européennes – AMPLEGEST

S’il est un secteur qui parvient à s’affranchir durablement des aléas boursiers, c’est bien celui du luxe. À l’instar des secteurs des spiritueux ou des cosmétiques, dont il partage de nombreux attributs, le luxe bénéficie en effet d’un moteur de performance structurel durable : l’essor des classes moyennes au sein des pays émergents. Celui-ci a deux incidences. La solvabilisation d’un nombre croissant de ménages sur ces produits auparavant inaccessibles génère d’abord un effet de masse incompressible. Mais cet ascenseur social a une autre incidence. Il suscite aussi une envie de se distinguer, de se singulariser, via un accès à la rareté auquel le mass market ne peut par nature pas répondre.

 

Une élasticité prix faible, voire inversée

 

Si la croissance du marché favorise mécaniquement les ventes, cette recherche statutaire permet aux marques d’afficher des hausses de prix sans trop affecter le chiffre d’affaires, voire même parfois en le stimulant (l’élasticité prix y est en effet très faible, voire parfois inversée). Sans surprise, ces données socio-économiques sont des facteurs de soutien de taille pour les acteurs du luxe, qu’ils immunisent contre les aléas conjoncturels intempestifs. La perspective d’une baisse de la croissance chinoise à 6% pèse en effet bien peu sur la demande pour les produits de luxe, quand la taille de la classe moyenne chinoise s’apprête à doubler en 5 ans pour atteindre 300 millions de personnes entre 2015 et 2020.

 

La condition, pour que les acteurs du luxe puissent profiter à plein de cet environnement qui ferait rêver n’importe quel autre secteur économique ? Développer un Pricing Power durable en cultivant la désirabilité de leurs marques. À l’inverse, toute velléité de mener une stratégie de volumes ferait perdre à ces acteurs leur Pricing Power en très peu de temps, les faisant tomber dans un middle market déflationniste suicidaire. Voilà pour le tableau général, résolument et durablement favorable au secteur.

 

Mais à y regarder de plus près, la situation est plus contrastée. Car si l’essentiel des acteurs du luxe profite bien de cet environnement favorable, il en est qui sortent du lot. Il s’agit en priorité des grands groupes, tels que LVMH, Kering ou encore Richemont. Comment ces derniers parviennent-ils à se distinguer face aux acteurs moins diversifiés (Todd’s, Ferragamo…), voire monomarques ? Dans leur capacité incomparable à valoriser leurs actifs les plus stratégiques : leur portefeuille de marques. Les presque 14 milliards d’EBITDA attendus par LVMH cette année (soit plus d’un quart de son CA) témoignent à eux-seuls de la force du Pricing Power que confère un portefeuille de marque profond et diversifié.

 

Une gestion active des portefeuilles de marques

 

La supériorité de leur modèle s’opère de plusieurs façons. Leur force de frappe financière leur offre tout d’abord les moyens de se constituer sans cesse de nouvelles réserves de valeur en intégrant de nouvelles marques à fort potentiel (que ce soit par croissance externe ou par lancement ex nihilo), comme le ferait un fonds capital-risque avec un portefeuille de startups. Leur savoir-faire marketing rodé depuis des décennies leur donne ensuite une efficacité inégalée pour installer ces marques sur leur marché, à encaisser de fortes croissances (à les rendre “scalables”), voire dans certains cas à les “re-premiumiser” quand elles sont en perte de vitesse. Enfin, la profondeur de leurs gammes et de leurs références leur permet de gérer activement leurs portefeuilles de marques en faisant “tourner” celles-ci en fonction des momentums de marché et pour répondre à un grand nombre de segments aux cyclicités différentes. En bref, les groupes diversifiés se démarquent par leur capacité à créer, à valoriser et à gérer activement leur Pricing Power, ce qui leur donne une force de frappe inatteignable pour les acteurs du middle market. Leur capacité à surperformer le marché n’est pas près de s’essouffler.

 

 

     ETUDE: MARCHE DU LUXE (Bains & company)

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