Thu. Nov 21st, 2024

Contexte général : Confusion
Etre agile face aux scénarios divergents

Par Amundi

Nous abordons 2020 avec la conviction qu’à ce stade, un ralentissement est dans la nature du cycle, toutefois certaines spécificités lui confèrent un caractère bien particulier. Au cours de cette phase de transition, le marché ne s’effondrera pas, mais ne se redressera pas pour autant. Il faudra donc se montrer prudent et rester à l’affût d’opportunités tactiques en attendant le prochain catalyseur directionnel d’importance.

Pascal BLANQUÉ – Directeur des Gestions
et Vincent MORTIER – Directeur Adjoint des Gestions

Après les performances exceptionnelles de cette année, la question qui va se poser aux investisseurs à l’aube de 2020, est de savoir si l’économie mondiale va se diriger vers une récession provoquée par la guerre commerciale ou si la croissance va se stabiliser à un niveau faible avant un éventuel rebond, entraînant une prolongation du cycle. À notre avis, le recul du commerce mondial provoque un changement majeur dans la structure de la croissance, mais au moment où les politiques accommodantes se généralisent et où un accord partiel est en vue entre la Chine et les États-Unis, ce recul ne signale pas une récession à part entière. La combinaison des politiques monétaire et budgétaire, un thème prédominant à l’avenir, pourrait encore rallonger le cycle actuel. Si le bruit autour des questions commerciales risque d’être important, une escalade significative du conflit est peu probable en raison des élections américaines de 2020. Pourtant, la voie à suivre par les investisseurs ne sera pas linéaire. Dans l’immédiat, les anticipations du marché en termes d’action politique sont excessives et un ajustement sera nécessaire. Un tel ajustement se traduira par de la volatilité sur les obligations, les rendements des principales obligations ayant déjà dépassé leur point bas tandis que l’on assiste déjà à des réévaluations parmi les actions de certains des secteurs défensifs les plus chers. À plus long terme, la tendance est à un policy mix plus agressif qui pourrait, en cas d’intensification du risque de récession, conduire à une étape supplémentaire en matière de mesures non conventionnelles. Il en résulterait une prolongation du cycle du crédit qui pourrait aboutir à un éclatement, bien qu’il soit peu probable que cela se produise l’année prochaine. En termes de stratégie d’investissement pour 2020, au lieu de craindre une récession mondiale, les investisseurs devraient plutôt privilégier un ajustement de l’exposition de leur portefeuille au thème de la dé-globalisation. Ils devront également se préparer à un cycle de crédit mature et prolongé, avec un risque de liquidité plus important. Dans ce contexte, nous envisageons quatre thèmes principaux pour les investisseurs. Investir sur les marchés actions en 2020 sera, à notre avis, une histoire de revenu et d’opportunités en vue d’une éventuelle reprise. L’absence de tendances directionnelles marquées sur les marchés se poursuivra tant que la croissance des résultats sera faible. Les investisseurs devront donc chercher des zones de résilience dans le domaine des actions à revenu/dividendes. Une fois que les perspectives se seront stabilisées et que les rendements auront atteint leur niveau plancher (rebond des indices PMI, expansion budgétaire), la tendance haussière des marchés pourrait s’étendre, avec des opportunités du côté des valeurs cycliques (qualité en Europe, value aux États-Unis et petites capitalisations). En matière de taux, il s’agira d’optimiser la quête de rendement, par la sélection et des stratégies flexibles. La quête de rendement reste un thème clé. Toutefois, les segments « encombrés » et le risque de liquidité persistent, forçant les investisseurs à une recherche approfondie d’opportunités de crédit. Pour ceux dont l’horizon d’investissement est adéquat, le high yield restera attractif dans un contexte assez favorable en matière de défauts. Un examen plus rigoureux des secteurs et des titres sera primordial pour éviter les modèles économiques peu durables. La dette émergente est également attractive pour les investisseurs en quête de rendement, avec une préférence pour celle libellée en devises fortes, des opportunités en monnaie locale pouvant se présenter durant l’année. Pour ce qui est des obligations core, une approche flexible et diversifiée est recommandée dans un contexte de volatilité anticipée plus élevée. Sur les marchés émergents, de nouveaux thèmes devraient se dégager dans un contexte plus fragmenté et de commerce mondial en recul. Les investisseurs devront dépasser le concept traditionnel de marché émergent « global » pour tirer parti d’opportunités et de thèmes attractifs. Parmi ceux-ci, nous privilégions les pays « autonomes » qui bénéficient d’une forte demande intérieure et sont moins exposés aux vulnérabilités extérieures. Alternativement, des thèmes tels que la « Route de la soie » mériteront, à notre avis, plus d’attention de la part des investisseurs. Enfi n, les investisseurs sont invités à commencer à construire des portefeuilles résistants à la volatilité.Si la volatilité a jusqu’ici été limitée par la prolifération de certaines stratégies de placement (ex. vente de volatilité pour obtenir une prime), des pics de volatilité sont probables avec l’ajustement des attentes du marché. Pour protéger leurs portefeuilles de la volatilité, les investisseurs peuvent envisager des stratégies alternatives liquides faiblement corrélées aux classes d’actifs traditionnelles, ou encore des stratégies de volatilité.

 

En 2020, la poursuite d’un régime de fi n de cycle nous semble être le scénario le plus vraisemblable comme en atteste notre Advanced Investment Phazer (cf. tableau). À ce jour, aucun déséquilibre de l’économie réelle (consommation et investissement) n’est manifeste, et ce, malgré les courants de dé-globalisation qui réduisent l’infl uence du commerce mondial sur la croissance mondiale. Toutefois, certains risques clés persistent (cf. page 10) à l’heure où l’économie mondiale est plus vulnérable, en raison de sa transition progressive dans les 18 prochains mois vers une « phase de correction » (cf. tableau). En outre, la dimension géopolitique qui caractérise l’environnement actuel aff ecte les primes de risque. Il convient donc, en matière d’investissement, d’adopter un positionnement constructif, tout en restant attentif aux éventuels pics de volatilité et au risque d’illiquidité.

Cinq thèmes clés détermineront le cap en 2020 :

1. Combinaison des politiques monétaires et budgétaires
Les politiques monétaires resteront accommodantes. En revanche, la mise en œuvre de politiques de relance volontaristes pour compenser l’incertitude commerciale ne se fera que dans un cadre de « gestion de crise ». En parallèle, les devises (le dollar américain surtout) seront un facteur clé des choix politiques → La combinaison des politiques monétaire et budgétaire constitue un facteur positif qui pourrait dégager de la marge pour certaines opportunités tactiques, même si une révision à la baisse des attentes à court terme est nécessaire dans un premier temps.

2. Commerce mondial : transformer les défis en opportunités
L’évolution de la dynamique des échanges internationaux aff ecte les régions et les pays de manière variable. Les États-Unis devront adopter une attitude plus sévère à l’égard de la Chine, mais il est peu probable que cela ait lieu en 2020 en raison des élections présidentielles. En Europe, les surtaxes douanières ont un impact économique limité et il semble probable que les États-Unis chercheront à unir leurs forces avec l’Europe contre la Chine. Certains marchés émergents pourraient tirer parti d’une évolution des rapports de forces entre les puissances commerciales. →Cette situation pourrait off rir des opportunités aux investisseurs dans les marchés émergents les plus à l’abri des turbulences commerciales et dont l’économie s’appuie sur une croissance intérieure crédible.

3. Transition économique en Chine
La Chine devra gérer le « ralentissement volontaire » de sa croissance à 5,8 % dans le contexte d’une transformation de son économie. Elle cherche en eff et à adopter et accélérer la mise en œuvre de certaines pratiques courantes du marché. Elle devra ainsi s’attaquer à la croissance de sa productivité à moyen/long terme, tout en évitant l’éclatement d’une bulle du crédit à court terme.

→ Les investisseurs pourraient envisager certaines opportunités de plus long terme liées au développement de la Chine, comme le projet de « Nouvelle route de la soie ».

4. Consommateurs américains : le pire évité malgré une résilience décevante
Certains eff ets de contagion de l’industrie manufacturière aux services se concrétiseront dans un contexte de ralentissement généralisé de tous les secteurs (des services à la production de biens), mais les consommateurs américains resteront suffisamment résilients en 2020, grâce à des bilans plus sains.

→ En l’absence de récession, l’heure n’est pas encore à l’aversion au risque.

5. Casse-tête des résultats et des dettes d’entreprises
Les résultats des entreprises américaines sont une variable essentielle à surveiller pour les banques centrales. Si l’action de la Fed devrait viser la préservation de conditions fi nancières souples, les résultats des entreprises américaines seront exposés à la faiblesse des échanges mondiaux et aux risques extérieurs. Le fort endettement des entreprises combiné à des résultats faibles est une des caractéristiques clés du régime actuel. →La pérennité des résultats devrait être un facteur clé de sélection

 

Policy mix : ne pas attendre de grand changement, à moins d’une récession

Dans un monde où : (1) la croissance nominale potentielle a diminué, (2) la dette mondiale a bondi, et (3) les « nouveaux besoins » (transition énergétique, dépenses de défense et de sécurité, etc.) ne sont pas satisfaits, il est temps de repenser fondamentalement l’articulation entre politique monétaire et budgétaire. Une telle « remise à plat » prendra toutefois plus longtemps qu’on ne l’imagine.

 

Persistance de la répression financière dans un univers de croissance faible
Alors que la croissance nominale est orientée à la baisse (la croissance réelle s’est affaiblie tout comme l’inflation) et que la dette mondiale (tant privée que publique) a fortement augmenté, le monde a besoin de conditions monétaires très souples pour une période prolongée. Par conséquent, la répression financière ne disparaîtra pas de sitôt : les banques centrales (BC) sont piégées par leurs politiques monétaires ultra-accommodantes (que ce soit par une gestion active de leur bilan ou par des taux d’intérêt négatifs) visant à atténuer l’impact économique du processus de désendettement.

De nouvelles politiques monétaires isolées pourraient s’avérer contre-productives
L’impact à long terme des politiques monétaires « non conventionnelles » (achats de titres ou taux d’intérêt négatifs) est encore largement méconnu : les BC n’ont jamais augmenté leurs bilans dans de telles proportions et les taux nominaux ne sont jamais tombés aussi loin en territoire négatif (la zone euro et le Japon représentent 90 % des rendements négatifs). Les BC sont conscientes de l’efficacité limitée de leurs politiques qui à elles seules ne leur permettent plus d’atteindre leurs objectifs d’inflation. Désormais, l’impact marginal de toute nouvelle mesure d’assouplissement serait bien plus faible (en zone euro et au Japon) qu’il y a quelques années. En outre, les effets secondaires négatifs sur les institutions financières (banques, assurances et fonds de pension) ainsi que sur les épargnants vont prendre de plus en plus d’importance. Ainsi, si les taux d’intérêt négatifs persistaient, les fonds de pension finiraient par se trouver sous-capitalisés et les revenus de l’épargne s’effondreraient (ce qui exigerait – toutes choses égales par ailleurs – une hausse du taux d’épargne des ménages). À l’avenir, toute mesure d’assouplissement monétaire supplémentaire, prise de manière isolée, s’avérera contre-productive.

Côté budgétaire, la marge est plus importante quand les taux sont bas.
Le fait que le taux d’intérêt moyen de la dette publique soit tombé sous la croissance du PIB nominal change fondamentalement la donne pour de nombreuses économies avancées, puisqu’il est désormais possible de stabiliser le ratio dette publique/PIB avec un déficit primaire. En outre, le débat sur les types de dépenses à financer avec de la dette publique revient au premier plan, notamment en zone euro. Cela pourrait ouvrir la voie à une approche plus souple sur le plan budgétaire au niveau mondial (c’est-à-dire que les besoins en matière d’infrastructure et de sécurité pourraient être pris en compte séparément).

 

Vers plus de convergence budgétaire et monétaire
Durant la période de la « grande modération », les rôles et les responsabilités des BC et des gouvernements étaient bien distincts : la politique budgétaire était consacrée à la stabilisation cyclique tandis que la politique monétaire se concentrait sur les objectifs d’inflation. Mais avec les programmes de QE, la frontière entre politique monétaire et politique budgétaire s’est estompée. L’inflation est en permanence en deçà des objectifs et ce partage des rôles ne fonctionne donc plus. Une coordination plus étroite est nécessaire : les BC auront besoin de s’appuyer sur les politiques budgétaires pour atteindre leurs objectifs, tandis que les gouvernements auront besoin de l’appui des BC très accommodantes pour relancer leur économie. En d’autres termes, nous sommes entrés dans un univers de « dominance fiscale » dans lequel n peut légitimement s’interroger quant à l’indépendance des BC (nouvelle fonction de réaction). Les politiques budgétaires devraient progressivement prendre le relais des politiques monétaires. La plupart des banquiers centraux insistent sur le fait que la politique monétaire n’est pas la seule carte à jouer et que les taux bas devraient être utilisés pour faciliter le déploiement des politiques budgétaires, là où une marge de manœuvre budgétaire existe. Ainsi, en zone euro, par exemple, l’Allemagne et les Pays-Bas sont-ils invités à s’appuyer davantage sur leur politique budgétaire, mais, dans les faits, leurs gouvernements sont peu disposés à s’engager sur cette voie. De l’avis général, les décideurs politiques doivent repenser leur rôle. Cependant, en l’absence de déclencheur (récession ou crise financière), nous pensons qu’un tel changement est peu probable. Les attentes des investisseurs en matière de politique budgétaire/monétaire sont donc trop élevées à court terme. En revanche, en période de récession ou de crise, il ne faut pas sous-estimer la capacité (et l’engagement implicite) des décideurs politiques à stabiliser la situation (par le biais de nouveaux canaux comme la monétisation de la dette, les achats d’actions ou d’autres actifs, voire même l’« hélicoptère monétaire »)

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