Par Julien Russo, gérant de portefeuille senior, Marchés monétaires, chez Swiss Life Asset Managers France
La faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) devrait rester un évènement contenu et ne devrait pas détourner la BCE d’une augmentation de ses taux de 50 points de base lors de sa réunion de jeudi.
La réunion de la Banque centrale européenne (BCE), jeudi 16 mars, sera particulièrement scrutée par les investisseurs. La faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) a créé un stress particulièrement visible sur les marchés de taux au cours des derniers jours. Les anticipations de marché se reflètent dans les variations du cours de l’ESTR (Euro Short-Term Rate) qui est brutalement passé en fin de semaine de 2,90% à moins de 2,75%, traduisant la nervosité des opérateurs et l’extrême volatilité sur les taux courts. Si un relèvement de 50 points de base est encore attendu majoritairement par le marché, la probabilité de ce scénario a ainsi reculé depuis jeudi dernier. Néanmoins, l’intervention rapide des autorités américaines (mise au point conjointe de la Fed, du Trésor et de la FDIC) et la déclaration de Joe Biden assurant que les dépôts bancaires seraient protégés sont plutôt de nature à calmer les tensions sur les marchés.
Nous pensons en effet que la déroute de la SVB restera un évènement contenu. Il s’agit d’une banque de taille modeste (la 16ème des Etats-Unis) avec une clientèle spécifique d’entrepreneurs de la « tech » dont les dépôts sont en moyenne élevés, pouvant dépasser le seuil de garantie à 250.000 dollars. La SVB a été fortement pénalisée par la hausse des taux qui a fragilisé son bilan alors que de plus en plus de clients retiraient tout ou partie de leurs avoirs. Pour maintenir une notation crédit suffisante, l’établissement a pris l’initiative d’une augmentation de capital qui s’est mal passée, amplifiant un phénomène de « bank run » qui s’est conclu par la fermeture de l’établissement vendredi soir.
Cette faillite bancaire ne devrait pas provoquer de nouvel accès de panique sur les marchés, et les banques centrales devront rester concentrées sur leur mandat principal de lutte contre l’inflation alors que celle-ci reste élevée en zone euro (+8,5% sur un an en février). Dans ce contexte, nous pensons que la BCE va comme prévu augmenter de 50 points de base ses taux directeurs au cours de la réunion du Conseil des gouverneurs de jeudi. Néanmoins, un discours trop « hawkish » en décalage avec ce que pourrait annoncer Jerome Powell la semaine suivante pourrait provoquer une trop forte appréciation de l’euro par rapport au dollar. Le maintien d’une stabilité des taux de change implique en effet une synchronisation relative des discours entre banquiers centraux.
Pour les investisseurs, une grande prudence reste de mise dans la mesure où le maintien d’une inflation sous-jacente élevée pourrait entraver l’action des banques centrales en cas d’écartement trop fort des spreads. Une attitude contrarian consistant à profiter des opportunités en cas d’écartement et à être très sélectif pendant les phases de resserrement nous paraît une stratégie pertinente dans le contexte actuel.