Fri. Nov 22nd, 2024

Par CÉSAR PÉREZ RUIZ  Responsable des investissements et CIO – PICTET Wealth Management

 

Les dieux de l’Olympe avaient condamné Sisyphe à pousser un rocher qui retombait sans cesse.

Aujourd’hui, les dieux Marchés soumettent les banquiers centraux au même châtiment: chaque fois que les banques centrales tentent de normaliser leur politique monétaire, ils les obligent à repasser en mode accomodant et à abaisser leurs taux d’intérêt. Car nous sommes désormais entrés dans l’ère de la «slowbalisation», autrement dit du ralentissement de la mondialisation.

L’économie mondiale avance en effet avec un seul moteur: le secteur manufacturier étant en perte de vitesse, les services assurent seuls l’équilibre. Poussés par le populisme, les dirigeants maintiennent pour l’heure les services à flot grâce à des mesures de relance budgétaire, et les banques centrales font tout ce qu’elles peuvent pour soutenir leurs économies respectives. Les risques de récession sont certes faibles, mais une décélération des bénéfices n’est pas à exclure si l’activité économique ne s’accélère pas au deuxième semestre ou si aucun accord commercial n’est signé entre la Chine et les Etats-Unis. De fait, alors que la vigueur de l’économie est plus étroitement liée aux services, le sort des marchés actions est généralement lié au secteur manufacturier. Nous restons donc relativement confiants pour l’heure concernant la croissance mondiale, mais les actions devaient se retrouver à la peine dès lors qu’une expansion des multiples paraît difficile dans un environnement caractérisé par une faible progression des profits. Les banques centrales s’efforceront certes de restaurer la confiance des consommateurs afin de prolonger le cycle, mais les actions pourraient avoir du mal à reproduire les bonnes performances récentes. L’absence de frénésie constitue pour les marchés un atout majeur. En effet, ce rallye a ceci d’unique que les marchés actions ont atteint des records, alors que 150 milliards de dollars sortaient des fonds en actions.

Les politiques monétaires semblent prises en étau dans un cycle à la fois plus souple et plus long, renforçant l’attrait des instruments de crédit, sur une base ajustée du risque notamment. La Fed dispose encore d’une certaine marge de manœuvre, mais la Banque centrale européenne et la Banque du Japon ont une boîte à outils monétaire moins bien garnie. Le dollar pourrait donc fléchir, ce qui continuerait à soutenir les cours de l’or et les monnaies des marchés émergents. Il y a donc peu de chances que les «dieux Marchés» libèrent les banques centrales et autorisent une normalisation des politiques monétaires. Et si des politiques monétaires nouvellement accommodantes ne débouchent pas sur de la croissance, il faudra s’attendre à ce qu’un nombre toujours plus grand de gouvernement populistes optent pour de nouvelles mesures de détente, budgétaire directes. Alors que la campagne électorale en vue des élections présidentielles américaines est sur le point de débuter, il sera intéressant de voir quelles mesures le ou la candidate démocrate va présenter, notamment à l’heure où la «Théorie monétaire moderne» revient au cœur des débats.

 

Banques centrales: les nouveaux chefs d’orchestre des marchés mondiaux

 

À MESURE QUE LES TAUX ONT BAISSÉ, LE VOLUME D’OBLIGATIONS SE NÉGOCIANT À
DES RENDEMENTS NÉGATIFS A AUGMENTÉ
Depuis le début de l’année, les rendements (non couverts) ont nettement diminué à l’échelle mondiale, passant de 2,3% en novembre à 1,5% aujourd’hui. Conséquence directe du revirement monétaire opéré par les banques centrales, le volume mondial de dette se négociant à des rendements négatifs a progressé, passant de 12% en octobre à presque 24% aujourd’hui, soit un niveau plus vu depuis la fin 2016.

 

LA VOLATILITÉ DES ACTIONS NE REFLÈTE PAS LES INCERTITUDES LIÉES AUX POLITIQUES
ÉCONOMIQUES

Sur fond d’escalade des tensions entre les Etats-Unis et la Chine, les marchés semblent curieusement insouciants, comme en témoigne l’indice VIX pour les actions américaines (14,5%). Depuis 2009, la volatilité ne reflète pas les incertitudes entourant les politiques économiques dans le monde, peut- être à cause du vaste soutien apporté depuis lors par les banques centrales.
En raison de l’excès de confiance du marché, nous continuons de sous-pondérer les actions dans les portefeuilles.

Suite des Perspectives été 2019 par Pictet AM:

Les marchés face à des forces antagonistes – Par CHRISTOPHE DONAY – Responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique Pictet Wealth Management

 

Le casse-tête géopolitique Etats-Unis – Iran – Par PASCAL DE CROUSAZ – Docteur en relations internationales, Managing Director – Pictet Wealth Management

 

POLITIQUE MONÉTAIRE: Les nouvelles politiques monétaires face à des défis inédits – Par Christophe Donay, Responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche
macroéconomique

 

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