Par BFT Investment Managers
Si les investisseurs ont anticipé la fin du resserrement monétaire, les marchés pourraient connaître un regain de volatilité au cours de l’année. Dans un contexte de ralentissement économique, la prudence et une grande sélectivité sont recommandées sur les actifs risqués. Les investisseurs pourront notamment privilégier les stratégies obligataires offrant des maturités courtes et permettant de capter du rendement (portage).
Après une année 2023 marquée par une baisse plus rapide que prévu de l’inflation aux Etats-Unis et en Europe, les banques centrales ont pu mettre fin à leur cycle de hausse des taux. La phase de détente monétaire qui commencera cette année devrait renforcer l’attrait des investisseurs pour le risque et soutenir également les valorisations des actifs obligataires. «Pour autant, la volatilité devrait rester élevée tant que l’incertitude demeure sur le calendrier des baisses de taux. Les conflits en cours (Ukraine, Proche-Orient) et les nombreuses élections prévues à travers le monde (dans 64 pays!) constituent des facteurs de risque géopolitique et politique. Dans ce contexte d’incertitude, on peut estimer que le portage qui a largement contribué à la performance des actifs en 2023 devrait rester un élément significatif de performance cette année. Sur les marchés actions, les performances ont été très disparates entre classes d’actifs («7 magnifiques» à Wall Street vs. marché chinois en berne)» constate Laurent Gonon, Directeur des Gestions.
Concernant la situation macroéconomique aux Etats-Unis, les enquêtes auprès des directeurs d’achats (ISM Composite) signalent un ralentissement. Cependant, en décembre 2023, les conditions financières dans leur ensemble sont redevenues favorables à l’activité grâce à la baisse des taux longs. «Malgré la normalisation en cours du marché de l’emploi post-Covid, la consommation devrait rester résiliente outre-Atlantique. Si les pénuries de logements maintiennent les prix immobiliers à des niveaux élevés, l’inflation cœur hors logement atteint déjà 2,2%, non loin de l’objectif de la Fed. Pour autant, la résilience de l’activité ne devrait pas inciter celle-ci à accélérer son calendrier de baisse des taux, comme le marché l’anticipait en fin d’année. Nous prévoyons de notre côté une baisse des taux de 125 points de base cette année, un mouvement qui pourrait débuter en mai-juin» estime Jeanne Asseraf-Bitton, Directrice Recherche & Stratégie.
En zone euro, la situation économique est bien différente. Nous sommes en présence d’une quasi-stagnation de la conjoncture. «Le resserrement des conditions financières pourrait toutefois avoir atteint un pic. La vitesse d’ajustement sur l’emploi de cette quasi-stagnation reste encore modeste et la BCE craint toujours une inflation salariale mal maîtrisée. Dans ce contexte, nous n’escomptons en 2024 qu’une baisse des taux limitée à 100 points de base à partir de juin alors que le marché reste plus optimiste (baisse de 130 points de base à partir d’avril selon le consensus)» précise Jeanne Asseraf-Bitton.
Opportunités sur le crédit corporate européen High Yield de maturité courte
Pour les investisseurs, l’exercice 2024 pourrait marquer un regain de la volatilité, entre des marchés qui devraient osciller d’une part entre la peur d’une réaction trop défensive des banques centrales au risque de provoquer une récession ou qui seront galvanisés par la baisse des taux et la fin de ce cycle inflationniste. Les évolutions tactiques liées à la gestion de la volatilité ne doivent cependant pas empêcher de réorienter le positionnement des portefeuilles vers des actifs jouant la reprise du cycle. Entraînant généralement une plus grande décorrélation entre les performances des actions et des marchés obligataires, le contexte actuel de desserrement monétaire devrait également signer le retour en grâce des stratégies diversifiées.
«Sur les marchés obligataires, les investisseurs peuvent privilégier les stratégies de rendement, notamment via le crédit corporate High Yield européen de maturité courte. Historiquement, le crédit européen offre un spread plus attractif que son équivalent américain (8% vs. 6,8% avec couverture à 3 mois du risque EUR/USD). En matière de stratégies directionnelles, un positionnement sur les taux 2 ans peut être opportuniste en l’état actuel du resserrement monétaire. Avec la baisse des taux, la repentification de la courbe 2-10 ans pourra également offrir des opportunités. Sur les marchés actions, il faut enfin se préparer à revenir sur les titres qui ont souffert le plus de la hausse des taux et qui profiteront de la relance de l’économie, en particulier les «Small Caps». Enfin, les investisseurs ne devront pas négliger les stratégies de couvertures (protection offerte par les titres d’Etat américains, achat de volatilité ou d’options en protection etc.)» explique Fabien Bourguignon, Directeur de la gestion Multi-Asset.
Marchés actions: potentiel significatif de rebond des «small caps» européennes
Sur les marchés de taux, le maintien d’une courbe inversée tout au long de l’année 2023 est en soi un élément insolite par sa durée. Or, le contexte a changé depuis un an alors que le cycle de baisse des taux directeurs est désormais en vue, plus tard dans l’année. En revanche, les niveaux des taux longs resteront impactés par un volume élevé d’émissions obligataires (souverains et corporate), notamment pour financer la transition écologique. «Sur le marché du crédit Investment Grade, la demande des investisseurs est très soutenue alors que ces taux restent positionnés au-dessus des taux de distribution des dividendes actions. Or, la baisse probable des taux sans risque devrait donner davantage d’attrait au portage des obligations Investment Grade et High Yield. Sur ce dernier segment, la faiblesse de l’offre nette sur le marché primaire et des taux de défaut qui restent sur des moyennes faibles devraient soutenir ce marché» estime Olivier Robert, Directeur de la gestion de Taux.
Sur les marchés actions, le consensus sur les attentes des bénéfices demeure assez élevé et ne semble pas compatible avec un scénario de fort ralentissement. En revanche, les niveaux de valorisations demeurent raisonnables et pourraient soutenir les indices, notamment en Europe. Porté par les valeurs technologiques américaines et l’engouement autour de l’IA, le style croissance a déjà très bien performé, surtout aux Etats-Unis. «En Europe, les valeurs technologiques restent attractives mais dans un environnement conjoncturel difficile, nous privilégions toutefois un positionnement plus défensif des portefeuilles actions alors que le déficit de valorisation du segment «value» reste important. Nous regardons en particulier le secteur des services collectifs («utilities»). Le point d’inflexion atteint sur les taux redonne de l’attrait au compartiment des petites capitalisations. Les conditions sont enfin réunies pour que le retard de valorisation des «Small Caps» se comble». D’autant que les attentes sur les progressions de bénéfices pour la période 2023-2025 sont de l’ordre de 22% pour l’indice Cac Mid&Small vs.7% sur l’indice Stoxx 600. On pourra privilégier les «Small Caps» françaises et européennes dédiées aux thématiques porteuses de la transition énergétique, des semi-conducteurs ou de l’IA» conclut Fabrice Masson, Directeur de la gestion Actions.