Sat. Dec 21st, 2024

Observer l’évolution des dividendes du CAC40 est peu instructif, il est préférable de consulter des  données concernant l’ensemble de l’économie française. La rémunération des actionnaires du CAC40  augmente logiquement : la taille de l’économie mondiale s’accroit et la composition de l’indice CAC40  tend mécaniquement à ne retenir que les entreprises de taille croissante, par exemple suite à des fusions.  Analyser l’évolution des dividendes (et plus largement de la rémunération du capital) dans l’ensemble  de l’économie française est plus instructif et indique une certaine stabilité à long terme. 

1) Evolution des Dividendes du CAC40 : De multiples  facteurs biaisent l’analyse 

La progression des dividendes versés par le CAC40 fait l’objet de commentaires réguliers alors  que cette statistique souffre de nombreuses faiblesses. Que ce soit pour se réjouir de la santé des  grandes entreprises françaises, ou pour critiquer la rémunération de leurs actionnaires, les profits et  dividendes des groupes du CAC40 sont abondamment commentés. Mais ces chiffres doivent être maniés  avec précaution, car ils ne prennent en compte ni l’évolution de l’ensemble de l’économie, ni du CAC40  lui-même. 

Il est logique que les dividendes versés par le CAC40 augmentent chaque année. Le chiffre  d’affaires, les profits et les dividendes des entreprises du CAC40 progressent logiquement avec la  croissance nominale (croissance réelle plus inflation). Ainsi, entre 2003 et 2023, la rémunération des  actionnaires du CAC40 (dividendes et rachats d’actions) a été multipliée par près de cinq1. Une telle  évolution est assez attendue puisque, dans le même temps, le PIB nominal mondial (les groupes du  CAC40 étant fortement internationalisés, il est plus pertinent de les comparer au monde qu’à la France) a été multiplié par trois2. Une fois ajustés par l’évolution de la croissance nominale mondiale, les  dividendes et rachats d’actions du CAC40 ont connu une progression de 50 % au cours des vingt  dernières années. 

  

 

1 Lettre Vernimmen
2 WEO, dollars PPA

 

L’évolution de la composition du CAC40 dans le temps rend les comparaisons historiques  hasardeuses. Il est logique que les dividendes du CAC40 tendent à augmenter puisque, du fait des  fusions-acquisitions, les entreprises qui le composent tendent à grandir. De plus, les entreprises les moins  performantes sortent de l’indice, ce qui crée un biais de composition en faveur des plus performantes. 

– Les fusions font naturellement croître la taille des entreprises qui composent le CAC40. En 2021,  PSA Peugeot-Citroën est devenu Stellantis, ce qui a entraîné l’ajout dans le groupe de FIAT et Chrysler.  En 2018, Essilor est devenu EssilorLuxottica. En 2008, Unibail a racheté Rodamco, puis Westfield en  2017 pour former Unibail-Rodamco-Westfield. Et, en 2006, Arcelor a fusionné avec Mittal. Ainsi, par  rapport à 2003, le CAC40 est plutôt devenu un « CAC46 », gonflant logiquement les dividendes totaux  distribués. 

– Les acquisitions et cessions modifient la taille des entreprises composant le CAC40. Par exemple,  en 2021, LVMH a racheté Tiffany & Co, date à partir de laquelle les dividendes versés par le joaillier  américain sont comptabilisés dans les dividendes versés par le CAC40. Les entreprises peuvent  également vendre des filiales. Il est cependant probable que les entreprises composant le CAC40  tendent structurellement à croître, sans quoi elles sortiraient de l’indice. 

– La composition du CAC40 évolue. Régulièrement (parfois plusieurs fois par an3), des entreprises  sortent ou entrent de l’indice CAC40. Ainsi, comparer les dividendes versés par le CAC40 en 2023  avec ceux versés par les entreprises composant l’indice vingt ans plus tôt a une pertinence limitée,  puisqu’il ne s’agit pas des mêmes entreprises. De plus, comme les entreprises les moins performantes  sortent de l’indice, il ne reste que les plus performantes, ce qui tend à gonfler mécaniquement les  dividendes versés par les entreprises du CAC40. 

 

3 https://www.bnains.org/archives/histocac/histocac.php 

2) Evolution de la rémunération du capital : les  données nationales sont plus pertinentes 

Des données nationales publiées par l’Insee4 permettent de suivre l’évolution des dividendes versés  par les entreprises françaises. Ces données concernent l’ensemble des entreprises localisées en France  et son comparables facilement avec d’autres grandeurs (comme la valeur ajoutée ou les salaires versés).  Elles indiquent une hausse limitée de la part des dividendes comparée à la valeur ajoutée et une  stagnation du partage de la valeur entre travail et capital. 

Les dividendes versés par l’ensemble des entreprises françaises ont augmenté, mais les dividendes  reçus également. Les revenus distribués par les sociétés (qui correspondent presque intégralement à des  dividendes) à leurs actionnaires (les emplois en comptabilité nationale) sont passés de 0,4 milliard  d’euros en 1950 à 206 milliards d’euros en 20225. Cependant, dans le même temps, les revenus perçus par les sociétés (les ressources) sont passés de 0,3 milliard d’euros à 153 milliards d’euros. Ainsi, les  dividendes versés nets des dividendes reçus sont passés de 0,1 milliard d’euros à 52 milliards d’euros  entre 1950 et 2022. La hausse des dividendes versés et reçus tient surtout à l’évolution de l’organisation  des entreprises 6 qui se divisent de plus en plus en filiales, ce qui implique des versements de dividendes  qui n’apparaissaient pas lorsque les entreprises étaient centralisées. 

 

Rapportés à la valeur ajoutée, les dividendes évoluent en dents de scie. Les évolutions en valeur  nominale sur longue période peuvent être trompeuses, car l’ensemble des grandeurs de l’économie  tendent à croître. Ainsi, en rapportant les dividendes nets (versés moins reçus, soit emplois moins ressources) à la valeur ajoutée des entreprises, on constate que le taux est globalement stable sur longue  période. Sur quelques années, il présente cependant de fortes variations (par exemple 4,9 % de la valeur  

 

4 https://www.insee.fr/fr/statistiques/6793608?sommaire=6793644 

5 Source Insee pour l’ensemble de la note 

6 Pierre François, Claire Lemercier, Thomas Reverdy, « L’entreprise et ses actionnaires », Revue française de  sociologie, 2015 

ajoutée en 2008 contre 1,8 % en 2015 et une hausse à nouveau à partir de 2017), ce qui rend plus  intéressantes les évolutions sur plusieurs décennies. 

 

Le partage de la valeur ajoutée dans l’économie française est globalement stable sur longue  période. La question du versement des dividendes est souvent liée, dans le débat public, à celle du  partage de la valeur entre capital et travail. Il convient, pour observer cette évolution, d’observer la part  de la valeur ajoutée qui rémunère le travail (salariés) ou le capital (excédent brut d’exploitation, EBE).  Sur longue période, le partage de la valeur ajoutée évolue peu, malgré quelques variations annuelles. 

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