PAr Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France
Quelques jours après la publication des chiffres d’inflation aux Etats-Unis et en Europe auront lieu deux évènements importants : la réunion de la BCE et l’intervention semi-annuelle de Jerome Powell devant une commission du Congrès américain.
Ces interventions sont d’autant plus attendues que les chiffres d’inflation de part et d’autre de l’Atlantique montrent une certaine résilience. Aux Etats-Unis, l’inflation PCE sous-jacente (« core »), mesure d’inflation préférée de la Fed, a connu son plus fort rebond mensuel depuis février 2023 à +0.4%.
Du côté de la BCE, l’inflation sous-jacente (hors alimentation, énergie, tabac et alcool) a ralenti à 3.1% en donnée annuelle mais c’est toutefois assez nettement au-dessus du consensus qui était à 2.9% et avec un chiffre précédent à 3.3% (en donnée mensuelle, le rebond est de 0.7%, soit la plus forte hausse depuis avril 2023).
Face à cette résilience de l’inflation sous-jacente, les interventions de Christine Lagarde et de Jerome Powell seront surveillées. Du côté des membres de la BCE, le gouverneur de la Banque d’Autriche a souligné il y a quelques jours que la BCE avait toujours baissé ses taux après la Réserve Fédérale lors des cycles précédents et qu’il ne voyait pas pourquoi ce serait différent cette fois-ci…reste à voir si la présidente de la BCE partage cet avis, quelques jours après que la Commission européenne ait abaissé sa prévision de croissance pour la zone euro en 2024 à 0.8% contre 1.2% précédemment.
Du côté de la Fed, la très large majorité des « speakers » qui se sont exprimés ces derniers jours ont clairement affiché une absence d’empressement à baisser la fourchette de taux des Fed Funds, toujours à 5.25%-5.50%. Thomas Barkin de la Fed de Richmond a même déclaré que « nous verrons s’il y a des baisses de taux cette année », ajoutant parmi d’autres arguments qu’il voyait « toujours des pressions sur les salaires et l’inflation ». Son collègue de la Fed de New-York, John Williams, souligne que « la résilience de l’économie est remarquable », qu’il anticipe « des baisses de taux plus tard cette année » et qu’il ne voit « aucune urgence » à agir pour le moment. Raphael Bostic de la Fed d’Atlanta ajoute que « les dernières données d’inflation montrent que la trajectoire de retour à 2% sera irrégulière ».
Ces appels récurrents à la patience de la part de nombreux membres de la Fed depuis près de deux mois ont déjà provoqué un rebond des taux. Le taux 10 ans américain qui était tombé à 3.8%, quelques jours après la réunion de la Fed en décembre, a depuis regagné la zone des 4.20%-4.30%. Les anticipations de baisses de taux de la part du marché (via les Futures Fed Funds) ont également été sensiblement révisées à la baisse : on est passé d’une anticipation de 6 baisses de taux en 2024 à « seulement » 3 baisses en l’espace de deux mois, désormais en ligne avec les anticipations de la Fed lors des projections de décembre.
Mais le plus surprenant est que les marchés actions ont été totalement insensibles à cette très forte révision des anticipations de baisse de taux, même si les résultats ont pu partiellement contribuer à cette bonne tenue.
Il s’agit donc d’une semaine « test » au cours de laquelle nous verrons si la BCE et la Fed sont « à l’aise » avec la lecture que font les marchés de la trajectoire de l’inflation et des futures baisses de taux. L’indice ISM Services mardi fera ressortir le sentiment dans le secteur des services où se trouve toujours la majeure partie de l’inflation, et le rapport sur l’emploi américain vendredi montrera si le marché du travail reste toujours tendu, et surtout, si la pression sur les salaires persiste.