Thu. Dec 12th, 2024

Par Jean-Marie MERCADAL, Directeur Général Délégué en charge des Gestions chez OFI Asset Management

 

La crise boursière et financière actuelle déclenchée par le Coronavirus est désormais d’une ampleur et d’une rapidité qui rappellent les plus grands krachs de l’histoire. La baisse des principaux indices actions atteint désormais plus de 30 % en moins de trois semaines, les spreads de crédit se sont écartés de près de 100 bp sur l’Investment Grade européen, de 400 bp sur le « crossover » HY, les devises émergentes ont perdu dans l’ensemble plus de 10 % contre le dollar…

Ces mouvements interpellent et deviennent d’une nature anxiogène qui va au-delà de la simple correction boursière d’environ 10 à 15 % que nous attendions en début d’année.

Cette crise contient des ingrédients communs à ceux des trois grandes crises précédentes, on y reviendra, mais elle est aussi d’une nature différente. Le cas d’une épidémie d’une telle ampleur n’est pas courant. Les conséquences sanitaires sont évidemment impossibles à prévoir, et cette incertitude s’ajoute à la psychologie négative ambiante.

Cette épidémie met aussi en évidence plusieurs éléments, déjà connus, qui se cristallisent soudainement :

1. L’endettement est trop élevé, et partout ! La
croissance économique mondiale « se fait à
crédit » et le cas des États-Unis en est une
bonne illustration : après la plus longue période
de croissance depuis l’après-guerre, le déficit
budgétaire atteint près de 5 % du PIB et
l’endettement 100 % du PIB, ce qui signifie que
la période de prospérité n’a pas été mise à
profit pour rétablir les comptes publics. Ce
constat est valable pour de nombreux pays
européens, particulièrement pour la France.
Parallèlement, l’endettement des entreprises a
également fortement progressé (multiplié par 3
aux États-Unis depuis 2009), les chefs d’entreprises
ayant profité de l’aubaine de la baisse des taux…

2. La coopération internationale est actuellement
très faible. Le monde est actuellement
multipolaire et très divisé. L’Amérique de
Donald Trump l’avait bien illustré ces derniers
mois avec « la guerre commerciale », les
mesures prises pour tenter de répondre au
Coronavirus montrent plus que jamais que c’est
« Chacun pour soi » ! Le récent désaccord
majeur entre la Russie et l’Arabie Saoudite
l’illustre bien.

3. L’Europe est désunie. Il n’y a pas de stratégie
commune en matière de politique de santé. On
attend une réponse budgétaire significative,
Christine Lagarde a mis la balle dans le camp
des politiques, mais les désaccords sur ce sujet
semblent très importants. C’est la raison pour
laquelle les « spreads » souverains s’écartent en
zone Euro, particulièrement sur l’Italie, mais
aussi sur le risque France : +30 bp
d’écartement avec l’Allemagne cette semaine !

4. La communication via les réseaux sociaux et
le principe de précaution généralisé (à
l’extrême ?) rendent les mouvements uniformes
et favorisent « la diffusion de la peur ».

5. La liquidité des marchés pose question. Il n’y
a plus d’acheteurs finaux. Les banques ne prennent
plus de positions depuis la crise de 2008, les
régulateurs ont mis en place des normes de
solvabilité accrues et les assureurs sont
confrontés à la problématique des taux à 0…
Le tableau apparaît ainsi bien sombre et il y a
dans cette panique boursière des ingrédients
qui rappellent 2000 (surévaluation initiale de
certains secteurs), 2008 (crise de liquidité sur
les marchés du crédit, début de suspicions
entre contreparties…) et 2011 (crise de l’euro
avec écartement des spreads entre pays)…

Dans ces conditions, que faire ?

L’observation historique des grands krachs
récents donne quelques repères. En 2000,
2008 et 2011, les baisses des principaux indices
actions ont été comprises entre 30 % et 50 %.
Avec 30 %, la correction actuelle est donc déjà
significative. Il en est de même sur l’écartement
des spreads de crédit.
Il est clair que le monde entre en récession. Le
risque majeur est que ce ralentissement
économique se transforme en crise financière
avec une vague de faillites d’entreprises et des
banques qui ne se prêtent plus entre elles. La
question se pose de savoir en combien de
temps la situation sanitaire s’améliorera. Si on
regarde la Chine (en avance par rapport à
l’Occident), il semble que la situation s’améliore
progressivement…
Par ailleurs, les conditions d’une reprise rapide
sont là, avec des taux quasi nuls et un pétrole
très bon marché. Les Banques Centrales
peuvent encore agir. La Réserve Fédérale
américaine va elle aussi amener les taux à 0.
Les politiques d’achat de titres vont probablement
reprendre et s’étendre à des titres moins bien
notés. Cette fois-ci, ce sont surtout les
gouvernements qui sont attendus. Des mesures
de soutien budgétaire ciblées (vers les secteurs
les plus touchés) sont nécessaires ; elles
devront être mises en œuvre rapidement et
être d’une ampleur significative vu les enjeux.
Les bénéfices des entreprises attendus ont été
largement révisés à la baisse par les premières
estimations « Top Down ». On attend
désormais une baisse de 10 à 15 % cette année,
suivie d’une remontée de 5 % à 10 % l’année
suivante. Cela signifie donc que le PER des
actions US est désormais de près de 15, et de
12,5 pour les actions européennes. Ces niveaux
sont raisonnables historiquement, surtout en
comparaison des taux d’intérêt.
Le contexte reste anxiogène et il y aura encore
de la volatilité. Mais les niveaux atteints
commencent à être intéressants.

Nous pensons donc qu’il convient de réinvestir progressivement
• en obligations HY, Crédit CT et émergentes
• en actions américaines et européennes.

 

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