Wed. Dec 25th, 2024

Hervé Goulletquer et stéphane Deo – stratégistes- directeur de la gestion au sein de LBPAM (La Banque postale AM)

L’attention se porte sur les politiques économiques chinoise et américaine
En Chine, la Conférence centrale sur les chantiers économiques devrait laisser ouverte la perspective si nécessaire d’un soutien marqué à la croissance. Aux Etats-Unis, le moment du ralentissement de la hausse du taux directeur est venu.

La publication vendredi dernier de l’estimation initiale de l’indice PMI composite de la Zone Euro pour le mois de décembre ne pouvait qu’être mal reçue. Il a baissé de 1,4 point, pour atteindre un point bas depuis quatre ans à 51,3.

La France explique une grande part de la contreperformance, avec un repli de 4,9 points à 49,3. Si le recul dans le secteur manufacturier atteint 1,1 point (à 49,7), celui dans les services se monte à 5,5 points. Les actions menées par les « gilets jaunes » paraissent être largement à l’origine de cet effondrement de l’activité dans les branches tertiaires. Le « coup porté » est plus fort qu’anticipé. Il faut dire que l’enquête a été réalisée au plus fort de la crise. Une deuxième partie de mois de décembre moins perturbée pourrait permettre de corriger cette première perception très négative.

 

S’arrêter sur les chiffres allemands envoie sans doute un message davantage pan-européen et davantage pérenne. Si, selon l’enquête PMI, la production manufacturière est repartie de l’avant en fin d’année, probablement parce que l’effet négatif du changement de normes dans l’industrie automobile touche à sa fin, les commandes reçues par l’ensemble des branches industrielles (hors BTP) continuent de reculer. La genèse est à rechercher dans l’activité à l’exportation, mais les effets se font sentir ensuite au niveau des échanges domestiques. Comment ne pas voir ici l’effet de la montée des incertitudes en relation avec les tensions commerciales sino-américaines et plus généralement les interrogations sur l’orientation du commerce mondial ?

 

C’est dans un contexte caractérisé en Chine par des chiffres d’activité médiocres pour le mois de novembre que se tiendra du 19 au 21 décembre la Conférence centrale sur les chantiers économiques (en anglais, the Central Economic Work Conference). Rappelons qu’elle se réunit une fois par an pour définir les grandes orientations des politiques économique et financière pour l’année suivante. L’engagement affirmé en fin de semaine dernière par le Comité Permanent du Bureau Politique est de prendre les mesures nécessaires « pour assurer une croissance économique stable et relativement rapide l’an prochain ». Nous voilà bien avancés !

Sans doute devra-t-on attendre jusqu’au prochain Congrès National du Peuple, qui devrait se tenir en mars 2019, pour savoir si un stimulus sera mis en place sur une grande échelle. Jusqu’à maintenant, des mesures de relance ont été préparées et pour certaines engagées, mais probablement à échelle réduite. De même on sent un début de distance de pris par rapport aux ambitions plus qualitatives que quantitatives pour ce qui est de la croissance économique, mises en avant il y a un peu plus d’un an par le Président Xi Jin Ping au début de son deuxième mandat à la tête du Parti communiste chinois. Tout ceci ne fait pas un changement de pied en matière de politique économique ; plutôt une préparation à une mobilisation rapide si nécessaire. La question pour le marché est alors de savoir si le « passage à vide » entre prise de conscience (l’environnement économique chinois se dégrade de trop), action (déclinaison des initiatives « qui vont bien ») et réaction (les perspectives d’activité s’améliorent et dans ce sillage les chiffres publiés viennent le confirmer) pourra être court.

 

C’est mercredi en fin de journée qu’on apprendra assurément que la Réserve fédérale américaine relève pour la quatrième fois cette année (et pour un cinquième trimestre consécutif) son taux directeur de 25 centimes. Il se positionnera alors dans une fourchette 2,25% – 2,50%.

Au cours de cette période, la conduite de la politique économique se comprenait assez bien. L’environnement « objectif » de la banque centrale se caractérisait par une croissance économique qui accélérait, un taux de chômage qui baissait jusqu’à se positionner à un niveau peut-être inférieur à celui de plein emploi et une inflation qui se normalisait ; le tout avec un taux directeur assurément très en deçà de l’estimation que l’on peut faire du taux « neutre ». Bien sûr, la politique commerciale de la Maison Blanche, une nervosité progressivement plus présente sur les marchés de capitaux et une situation économique internationale moins favorable étaient autant d’éléments de vigilance à prendre aussi en compte. Il n’en demeurait pas moins que l’axe de l’intervention monétaire était claire.

En regardant devant, tout paraît plus contrasté.

D’un côté, le taux de chômage reste faible, obligeant à la vigilance en matière d’évolution des salaires. Mais de l’autre, l’inflation ne paraît plus guère accélérée, qui plus est avec des anticipations exprimées par le marché qui reculent, et la croissance économique devrait progressivement perdre de sa superbe. Ne serait-ce qu’au double titre des effets décalés de la remontée du taux directeur de la Fed et d’une politique budgétaire moins expansionniste en 2019 qu’en 2018. En sachant par ailleurs que les points de vigilance apparus ces derniers trimestres sont toujours présents.

Comment ne pas alors conclure que d’abord la question du profil de l’inflation sera clé et qu’ensuite l’hypothèse la plus probable à aujourd’hui est celle d’une réduction du nombre de relèvement de 25 centimes du taux des fonds fédéraux en 2019 ? De quelle ampleur ? En septembre dernier la Fed continuait de tabler sur trois hausses et aujourd’hui le marché parie aujourd’hui sur une hausse et demie. Le champ des possibles doit être peu ou prou ainsi balisé, avec un point moyen autour de deux relèvements. Si les prix restent sages, la banque centrale privilégiera la poursuite de la phase haussière du cycle économique.

 

Finissons par la situation britannique. La tactique en trois temps de Theresa May a donc « explosé en vol » : s’entendre avec Bruxelles sur un Brexit raisonnable, qui ferait sortir le Royaume-Uni des structures politiques de l’UE tout en maintenant son économie au plus proche des structures économiques continentales ; convaincre l’opinion publique, en s’appuyant sur les milieux d’affaires, qu’il n’y a pas d’alternative crédible à ce compromis ; ainsi forcer Westminster à voter le texte présenté.

Pourquoi cette impasse ? Avant tout parce que la publication de l’avis du conseil juridique du gouvernement a montré que le risque, d’un caractère permanent de la présence du Royaume-Uni dans l’union douanière européenne et de celle de l’Irlande du Nord dans le marché unique, était réel.  La décision de ne pas faire voter la chambre des communes la semaine dernière a été la preuve de l’échec de la Première ministre.

Où en est-on aujourd’hui ? D’une part, faire passer le texte au Parlement paraît compromis; mais d’autre part, la perspective du No-Deal Brexit semble inacceptable à une majorité des britanniques. Contradiction, vous avez dit contradiction ! Comment la dépasser ? On parle de nouveau référendum, de nouvelles élections ou d’annulation de l’article 50 du traité de Lisbonne. La crise politique britannique pointe ; l’UE devra patienter.

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