Par Eric Bleines, Directeur général adjoint chez Swiss Life Gestion Privée
Les marchés financiers ont connu un été assez mouvementé, avec un fort décrochage début août suivi d’un rebond rapide. Comment analysez-vous cette séquence ? Eric BLEINES : Les marchés se sont mis à douter dès juillet, à la suite de la publication de plusieurs indicateurs décevants aux Etats-Unis, tant du côté de l’activité manufacturière que du marché de l’emploi. Ces mauvais chiffres ont cristallisé les inquiétudes d’un ralentissement prononcé de l’économie américaine et d’une possible récession. La crainte du risque de récession aux États-Unis s’est imposée comme la préoccupation macroéconomique majeure du moment, alimentée par les dernières statistiques de l’emploi. Bien que les entreprises américaines n’aient pas procédé à des licenciements massifs, elles ont clairement ralenti leurs recrutements. Cette tendance pourrait avoir un effet psychologique important sur le consommateur américain, dont la confiance est cruciale pour soutenir la croissance économique. Le spectre d’un marché du travail moins dynamique plane désormais sur l’économie, renforçant les inquiétudes quant à la trajectoire économique du pays. Dans le même temps, au Japon, la banque centrale a pris acte de la stabilisation de l’inflation au niveau de son taux cible de 2 % et a relevé son taux directeur à 0,25 %, ce qui a entraîné un fort rebond du cours du yen. Or par le passé, certains acteurs financiers de type hedge funds avaient massivement emprunté en yens à taux zéro pour réinvestir, par exemple, en dollars et ainsi profiter de rendements bien plus élevés. Ces opérations, dites de « carry trade », représentent, dans le cas du Japon, pas moins de 3 300 milliards de dollars. Comme leur coût d’emprunt augmente au Japon et que leurs perspectives de rendement sont menacées par les risques de ralentissement aux Etats-Unis et les difficultés de pays comme l’Allemagne, la France ou la Chine, ces hedge funds ont préféré déboucler une partie de leurs positions. C’est ce qui a entraîné la chute des Bourses début août. Le calme est ensuite revenu et les marchés ont pu rebondir. Au final, sur les deux mois d’été, le CAC 40 a progressé de 2 %, le S&P 500 de 3,4 % et le Dax, de près de 3,7 %, contre un Nasdaq à l’équilibre (-0,1 %) et des indices japonais et chinois en net repli (-2,4 % et -4 % respectivement). Ce rebond est-il, selon vous, durable ? Eric BLEINES : Ce décrochage lié au débouclage des positions de « carry trade » n’est qu’une première secousse : le mouvement n’est pas terminé. Si la volatilité sur les marchés est retombée, ces derniers restent tout de même plus nerveux qu’avant l’été. En outre, les résultats des entreprises pour le deuxième trimestre ont été mitigés côté américain et décevants côté européen. Le second semestre pourrait ne pas être à la hauteur des attentes : les analystes n’ont pas encore révisé à la baisse leurs perspectives de croissance des bénéfices pour 2025, toujours attendues à 14 % aux Etats-Unis et à 11 % en Europe malgré les signes de ralentissement. Des corrections sur le marché actions sont donc à prévoir et nous restons sous-pondérés. Qu’en est-il du moteur de croissance qu’est l’intelligence artificielle ? Les résultats de Nvidia semblent avoir déçu les marchés… Eric BLEINES : Il existe des doutes sur la capacité de Nvidia à poursuivre sa croissance, avec des interrogations tant sur le maintien de la demande une fois les principaux clients équipés que sur la capacité de l’entreprise à livrer les puces commandées. Nous constatons de notre côté que les résultats restent meilleurs qu’attendu au deuxième trimestre et que le management est confiant pour la suite, grâce notamment à la commercialisation de sa puce de nouvelle génération, Blackwell, pour les data centers. Le repli du titre permet de revenir à des niveaux de valorisation plus attractifs, proches d’un point bas sur 5 ans. —— |
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