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Le marché du travail américain est tendu à bien des égards. Le taux de chômage, à 3,7 % en décembre, reste inférieur à son niveau d’équilibre de long terme. Les offres d’emploi ont diminué, mais les entreprises semblent réticentes à licencier, une pratique connue sous le nom de labor hoarding ou rétention de main-d’œuvre. Dans cet article, nous explorons l’ampleur de la rétention de main-d’œuvre à l’aide de la loi d’Okun et les raisons de l’excès de demande de travail. La loi d’Okun et l’accumulation de facteur travail Aux États-Unis, la croissance a globalement ralenti depuis la forte reprise de l’activité économique entre mi-2020 et 2021.

    Toutefois, les tensions sur le marché du travail ont continué de prévaloir. Le taux de chômage n’était que de 3,7 % en décembre 2023, à 0,3 point de pourcentage de son plus bas niveau. Dans les enquêtes menées auprès des entreprises, celles-ci indiquent qu’elles restent réticentes à licencier des travailleurs, même face à un ralentissement de la croissance, craignant des difficultés si elles devaient réembaucher, une pratique souvent qualifiée de rétention de main d’œuvre. Il est donc difficile de retenir les talents. Par exemple, dans l’enquête JOLTS, la part des démissionnaires (les travailleurs qui quittent volontairement leur entreprise pour poursuivre d’autres opportunités) reste proche des sommets du cycle précédent, à 2,3 % de l’emploi total et des offres d’emploi. 

Les comparaisons sur de longues périodes risquent d’être biaisées par des changements structurels de l’économie et, par exemple, par des progrès dans l’allocation des ressources rendant le marché du travail plus efficient. Cependant, le marché du travail s’est bien comporté depuis 2020, alors que la croissance s’est modérée, sans doute parce que les entreprises souhaitent éviter les licenciements et retenir leurs travailleurs. La série de points rouges sur le graphique ci-dessus représente la relation d’Okun depuis 2020. Les années 2020 se démarquent, car les données suggèrent une relation proche de un pour un entre l’évolution du taux de chômage et la croissance économique. Sur la base des données de 1950 à 2019, nos estimations suggèrent que le taux de chômage a diminué de 0,4 pp en moyenne en réponse à une augmentation d’1 pp de la croissance. Ainsi, la reprise économique ne peut, à elle seule, expliquer le faible niveau de chômage actuel. En utilisant 20 ans de données pour ajuster la relation d’Okun, nous estimons que le taux de chômage était d’1,5 à 2 points de pourcentage inférieur aux prévisions du modèle pour la période 2021-2022.

Les inscriptions au chômage au plus bas

Les nouvelles inscriptions hebdomadaires au chômage donnent un indicateur en temps réel du marché du travail américain. Le niveau extrêmement faible des inscriptions constitue une mesure de la rétention de main-d’œuvre. La dernière donnée se situe à 187k nouvelles inscriptions pour la semaine du 13 janvier. Pour mettre ces chiffres en perspective, un niveau inférieur à 200k serait comparable aux plus bas cycliques du début des années 1970, lorsque la taille de la population active était inférieure de moitié aux niveaux actuels.

Les petites entreprises sont les plus exposées aux tensions sur le marché du travail

La réticence des entreprises à licencier des travailleurs est bien documentée par l’enquête du NFIB auprès des petites entreprises. Une nette majorité de petites entreprises continuent de signaler d’importantes difficultés de recrutement, malgré l’augmentation des plans de rémunération. Malgré la diminution des tensions sur le marché du travail, la situation courante reste comparable aux sommets cycliques précédents.

Les difficultés de recrutement persistantes et le manque de travailleurs qualifiés disponibles sont inhabituels. L’enquête NFIB fournit des détails supplémentaires sur les problèmes les plus significatifs pour les entreprises. La contrainte la plus forte au cours des trois dernières années a été l’inflation (23 % des personnes interrogées déclarent que l’inflation est le problème numéro un, contre 2 % il y a trois ans), et il n’y a d’ailleurs eu aucune amélioration au second semestre 2023. La qualité du travail (20 %) et le coût du travail (9 %) sont davantage cités que la réglementation et les formalités administratives, les taux d’intérêt ou le niveau des ventes ou encore la concurrence des grandes entreprises.

En outre, les entreprises auraient pu allonger les heures de travail ou investir pour gagner en productivité. La durée du travail hebdomadaire moyenne a d’abord augmenté, à mesure que l’économie rebondissait après la pandémie, avant de revenir à son niveau d’avant Covid début 2023. Ainsi, la dernière baisse du taux de chômage n’est pas imputable à une diminution des heures travaillées.

La stratégie des entreprises pour retenir les talents

Dans une enquête Skynova de 2022, une grande majorité de 1 010 propriétaires d’entreprises (21 % de grandes entreprises, 22 % de moyennes et 57 % de petites entreprises) déclarent retenir la main-d’œuvre. Les raisons invoquées par les employeurs pour expliquer la rétention de main-d’œuvre étaient que l’équipe était solide (48 %), que les licenciements sont mauvais pour le moral dans l’entreprise (47 %) et que les efforts de recrutement passés ou actuels se sont révélés difficiles (43 %). L’objectif de réduction des coûts de formation et des frais d’embauche (environ 4500 $ par travailleur) a également été mentionné par plus de 40 % des personnes interrogées. Un taux élevé de rotation des effectifs (15 %) n’est pas une raison suffisante pour justifier une stratégie visant à retenir les talents.

Pour retenir les talents, l’amélioration de la rémunération (50 %), une communication transparente et un meilleur environnement de travail constituent des éléments importants. Les compétences techniques que les dirigeants d’entreprise souhaitent conserver comprennent principalement des compétences en informatique, notamment la maîtrise et l’analyse des données, l’automatisation informatique et le codage. Parmi les soft skills, la gestion du temps, le leadership et la créativité apparaissent comme les qualités les plus recherchées.

Les plans de licenciement restent réduits

Le niveau des annonces de plans de licenciements est un autre indicateur de la rétention de main-d’œuvre. En décembre, l’enquête Challenger faisait état d’annonces de licenciements totalisant seulement 34 000 emplois. Les plans de licenciements ont en effet ralenti au second semestre 2023. Les banques et les entreprises technologiques ont fait la une des journaux avec des plans de réduction des coûts, mais les réductions d’effectifs restent limitées par rapport aux cycles précédents.

Conclusion Les tensions sur le marché du travail américain sont bien documentées. La croissance économique ne peut à elle seule expliquer le taux de chômage de 3,7 %. Les difficultés persistantes de recrutement ont conduit les entreprises à retenir la main-d’œuvre pour conserver les compétences et éviter les coûts de réembauche. La rétention de main-d’œuvre se traduit par des inscriptions hebdomadaires au chômage sous 200 000 et une baisse des licenciements. En cas d’atterrissage brutal de l’économie, on peut craindre que l’ajustement de l’emploi sera plus fort que par le passé, les entreprises dégageant des gains de productivité comme tenu des effectifs actuels.

Par Axel Botte

 

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