Thu. Nov 21st, 2024

Par Jean-Marie MERCADAL – Directeur Général Délégué en charge des Gestions – OFI AM16

Il nous semble que le monde « post Coronavirus » verra émerger quelques thèmes majeurs…

 

La visibilité sur cette sortie de crise est encore assez faible, ce qui entretient une volatilité élevée. Comme à chaque grande crise il y a, et il y aura, des opportunités d’investissement, et nous nous posons également la question de « l’après ».
L’émotion qui affleure souvent dans ces moments difficiles engendre parfois des sentiments excessifs. Il convient de s’en méfier : combien de fois avons-nous entendu « cette fois, c’est différent » ! Pourtant, il nous semble que le monde « post Coronavirus » verra émerger quelques thèmes majeurs…

La vitesse des marchés est actuellement très impressionnante :
l’indice phare des actions américaines, le S&P 500, vient d’enregistrer sa meilleure semaine depuis près de 45 ans avec un gain de +12 %. Cela fait suite à une première baisse de près de -35 % en moins de 5 semaines. Les actions américaines ont ainsi regagné près de +25 % depuis les plus bas du mois de mars, effaçant ainsi la moitié des pertes initiales. Le cheminement des actions européennes a été pratiquement similaire.
Nous avons déjà fait part de notre analyse. La soudaineté de ces mouvements s’explique, dans un premier temps, par la stupéfaction des investisseurs face à l’arrêt brutal des économies lié au confinement généralisé des populations ; dans un second temps, le rebond est lié à la rapidité et l’ampleur des mesures prises par les Banques Centrales et les gouvernements.

Nous pensons qu’une phase plus incertaine et moins linéaire va s’ouvrir à court terme et qu’il est aussi temps d’essayer de penser à l’après-crise.
À court terme, les marchés évolueront au gré des annonces macro et micro-économiques qui sont désormais diffusées en nombre. Sur le plan économique, les statistiques sont chaque jour un peu plus impressionnantes : des contractions comprises entre 5 % et 10 % des PIB des grandes économies développéessont désormais annoncées. En revanche, il n’y a pas d’unanimité sur les scénarios de sortie, en « V », « U », « L »… Les avis entre stratèges diffèrent de plus en plus, ce qui devrait de ce fait alimenter une phase de marché plus heurtée. Par exemple, la banque américaine Goldman Sachs vient de revoir son scénario et pense désormais que le point bas des marchés a déjà été atteint. Elle envisage un S&P 500 à 3 000 points en fin d’année
sous l’effet de la baisse des taux et des plans de relance qui vont stimuler l’économie alors que le pic de l’épidémie va bientôt être atteint. D’autres pensent, au contraire, que cette crise aura un impact durable et marqué, et que les conséquences sur les bénéfices des entreprises n’ont pas encore été totalement intégrées. La saison des publications des résultats des entreprises va s’ouvrir cette semaine aux États-Unis. Il sera intéressant d’écouter les perspectives données par les chefs d’entreprises (s’il y en a !).

Nous estimons pour notre part que les impacts sur les résultats des entreprises seront très importants, c’est la raison pour laquelle nous sommes prudents sur les actions à court terme, avec une appréciation « neutre ». En effet, avec des récessions de cette ampleur, nous pensons que les bénéfices en masse des entreprises peuvent baisser de l’ordre de 30 % à
40 %, mais surtout, avec peu de visibilité sur les perspectives
2021 et un retour à des « bénéfices normaux »… En admettant
que l’on y revienne assez rapidement, le PER(1) des actions
américaines serait alors de 16, celui des actions européennes
de 13, ce qui n’est pas donné compte tenu de cette hypothèse
aléatoire, surtout avec des dividendes qui seront globalement
coupés de moitié cette année. Nous pensons qu’à court terme,
il vaut mieux tirer parti du manque de liquidités pour investir
en obligations crédit « Investment Grade » et « High Yield » qui
ont été fortement pénalisées par les conditions de marchés
récentes et qui offrent des rendements attractifs.

À plus long terme, il nous semble intéressant de commen-
cer à envisager l’après-crise. La crise que nous traversons

a en effet mis en évidence un certain nombre de fragilités
dans les pays occidentaux qui entraîneront des réponses et
des mutations inéluctables. Mais nous ne nous inscrivons pas
dans une démarche où tout doit être remis en cause comme
certains tentent de le distiller. La mondialisation a permis au
monde de prospérer depuis près de 30 ans, dans une relative
paix (comparée aux époques précédentes) et a permis à une

grande partie de la population mondiale de sortir de la pau-
vreté. Nous pensons donc qu’il convient d’être prudent avec

quelques tentations de retour à des concepts de nationalisation,
planification centralisée…
De façon plus pragmatique, force est de constater que cette
pandémie a provoqué des dégâts économiques très importants.
Cela va donc modifier encore davantage le comportement des
gouvernements, des consommateurs et des entreprises.

Les gouvernements, dans leur grande majorité, ont abandon-
né les questions d’orthodoxie budgétaire, et probablement

pour longtemps. C’est vrai aux États-Unis, mais le pays bénéfi-
cie de l’opportunité de se refinancer dans la plus grande mon-
naie de réserve internationale. La zone Euro est – quant à elle –

en voie d’une sorte de « japonisation », avec une démographie
vieillissante et des dettes croissantes achetées par la Banque
Centrale. Mais un fossé idéologique se creuse peu à peu entre
les pays du Nord et ceux du Sud. Malgré un plan de soutien
budgétaire global trouvé, cette fracture est loin d’être résorbée
et fera probablement de nouveau surface une fois l’épidémie
calmée. La solidité de la zone Euro sera donc sûrement testée
à nouveau par les marchés, surtout si certains pays de la zone
voient leur notation encore dégradée par les agences de rating.
Au-delà, la signification de ces dettes souveraines achetées par
la Banque Centrale pose une question de sens et de limites :
quelle valeur accorder à une monnaie assise sur des pays très
endettés ? Pourquoi ne pas envisager des formes de revenus
universels accordés aux citoyens ? Aujourd’hui, comme tous les
pays adoptent les mêmes politiques de déficit, les monnaies
sont relativement stables les unes par rapport aux autres, mais
ne vaut-il pas mieux investir dans des biens réels, dont l’or ?

Concernant les consommateurs et les entreprises, les investis-
seurs ont déjà noté un certain nombre de thèmes qui émerge-
ront ou prendront encore plus d’essor.

La thématique de la relocalisation. Elle avait déjà commencé
avec la guerre commerciale. La crise actuelle a montré une trop

grande dépendance de nos économies aux sous-traitants inter-
nationaux. Il y aura donc une réflexion sur ce sujet en ce qui

concerne les points essentiels de la sécurité nationale de chaque

pays : le secteur de la santé bien sûr, l’approvisionnement ali-
mentaire, et également l’énergie et le militaire potentiellement…

Autre bénéficiaire de cette crise, le monde « online ». Les
infrastructures réseaux, la cybersécurité, la communication
pour le télétravail et les téléconférences, le développement de
la 5G… vont s’accélérer avec la multiplication probable du
télétravail. En contrepartie, l’immobilier commercial pourrait
pâtir d’une réorganisation du travail dans le tertiaire.

La thématique de l’ESG (Environnement, Social, Gouvernance)
va également sortir renforcée de cet épisode. Elle était déjà
en voie de démontrer sa pertinence, mais les entreprises qui se
seront montrées les plus vertueuses dans le contexte difficile
de crise actuelle seront favorisées par les investisseurs.
Voici les principaux thèmes potentiels, il y en a bien d’autres.
Il conviendra d’étudier dans les prochaines semaines dans

quelle mesure il pourrait y avoir des opportunités d’investis-
sement, pour quelles conséquences, tout en gardant à l’esprit

que ces mutations potentielles se feront sur une période assez
longue.

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