Thu. Nov 21st, 2024

Mark Haefele, Global Chief Investment Officer GWM, UBS AG

Lors de la réunion des dirigeants du G20 de ce week-end au Japon, les Etats-
Unis et la Chine ont convenu d’une poursuite des négociations. Cependant,
aucune avancée notable vers un accord de réduction des tarifs douaniers n’a
été réalisée et aucune déclaration commune n’a été publiée. Le président
Donald Trump a déclaré que les pourparlers avec la Chine avaient «repris»,
tandis que le ministère chinois des Affaires étrangères, citant le président Xi
Jinping, a affirmé que la Chine était sincère dans sa volonté de poursuivre les
négociations, mais dans un cadre «équitable et de respect mutuel».

Ce dimanche soir, le président Donald Trump semblait ne pas souhaiter
s’engager dans de nouvelles hausses tarifaires sur les 325 milliards de dollars
d’importations chinoises qu’il avait menacé de taxer en cas d’échec des
négociations, mais sans pour autant envisager une suppression des tarifs déjà
en vigueur. Le président américain a déclaré qu’aucune hausse des droits de
douane n’aurait lieu «au moins pour le moment» et n’a évoqué aucune date
limite quant à la durée de la trêve. Il a également indiqué que la Chine allait
acheter une quantité «énorme» de produits agro-alimentaires américains.
La Chine a, pour sa part, tenté de négocier la fin des restrictions imposées
à certaines sociétés technologiques chinoises, comme Huawei, et la réunion
a permis quelques avancées sur cette question. Le président Trump a ainsi
affirmé que Huawei serait autorisée à acheter du matériel à des entreprises
américaines lorsque cela ne poserait pas de problème pour la sécurité
nationale et que son retrait de la «liste des entités» du département du
Commerce américain serait examiné «très attentivement.»

La Chine a reconnu qu’il était dans l’intérêt des deux parties de régler le
différend. Le président Xi a ainsi souligné qu’une «chose ne change pas:
la Chine et les Etats-Unis profitent tous deux de la coopération et ont tout
à perdre d’une confrontation.» Les investisseurs doivent cependant être
conscients que l’on est encore loin d’un véritable accord. L’administration
Trump a également fait pression sur la Chine pour qu’elle renforce la
protection de la propriété intellectuelle, mette un terme aux transferts de
technologie forcés et garantisse un meilleur accès aux marchés chinois. La
Chine entend, quant à elle, négocier une suppression des récentes hausses
des droits de douane imposées par les Etats-Unis. Les deux présidents
disposent tous deux d’une latitude importante en matière de politique
tarifaire, et les revirements soudains au niveau des négociations ont, jusqu’à
présent, été difficiles à prévoir. En outre, alors que les critiques s’accentuent
sur le fait que le Président Trump a cédé trop de terrain, le risque demeure
qu’il revienne sur sa position, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur les
actifs à risque.

Outre les progrès au niveau du conflit commercial sino-américain, la réunion
du G20 a apporté d’autres bonnes nouvelles pour le commerce mondial.
L’Union européenne et le Mercosur, le marché commun sud-américain, ont
ainsi conclu un accord commercial après vingt ans de négociations. Cet
accord, qui réduira ou supprimera les droits de douane, est le plus important
accord de libre-échange jamais négocié par l’UE.

Quelle est la prochaine étape?

Nous tablons sur une poursuite des discussions dans les prochains mois
avec, comme nous nous y attendions, une prolongation de la trêve
commerciale. Les deux parties ont tout intérêt à éviter une nouvelle série
de représailles. Une accentuation du conflit commercial pourrait en effet
ralentir la croissance américaine avant l’élection présidentielle de 2020, et
éventuellement compromettre les chances de réélection du président Trump.
Pour sa part, la Chine s’emploiera à éviter toute action américaine susceptible
de freiner davantage le développement de son secteur technologique,
considéré par les dirigeants chinois comme crucial pour l’avenir du pays.
Toutefois, nous pensons également qu’aucune des deux parties n’est pressée
de conclure un accord. Les deux présidents semblent tous deux considérer
qu’ils ont encore de bonnes cartes à jouer.

La cote de popularité du président Trump est stable, signe qu’il ne souffre pas
sur le plan politique de sa fermeté dans les négociations avec la Chine. Au
regard des récentes annonces de la Réserve fédérale, le président américain a
de bonnes raisons de penser que la banque centrale contribuera à compenser
l’impact négatif des incertitudes commerciales sur l’économie. Les marchés
américains n’ont pas non plus souffert. Le S&P 500 a ainsi atteint un sommet
record la semaine dernière, avec près de 19% de croissance depuis le début
de l’année.

Les chiffres de l’économie chinoise reflètent une situation plus tendue, avec
une croissance de la production industrielle à son rythme le plus faible depuis
2002. Le président Xi dispose néanmoins de leviers budgétaires et monétaires
pour soutenir la croissance. Nous tablons sur une nouvelle réduction de 100
à 200 points de base du ratio de réserves obligatoires en Chine. Le pays
peut également exercer des pressions sur les Etats-Unis de diverses manières,
notamment en menaçant d’interdire les exportations de terres rares ou de
restreindre l’accès de certaines sociétés américaines au marché chinois. Nous
ne tablons cependant pas sur de telles mesures dans le cadre de notre
scénario de base.

 

Aucune des deux parties n’étant dans l’urgence, nous pensons qu’il est peu
probable qu’un accord soit conclu sur notre horizon de placement tactique.

Quelle devrait être la réaction des investisseurs?

Les résultats de la réunion ne remettent pas en cause notre positionnement en
matière d’investissement. Nous maintenons notre surexposition aux actions
mondiales par rapport aux obligations de haute qualité sur notre horizon de
placement tactique, tout en nous couvrant grâce à une option de vente sur
le S&P 500.

La Fed et les autres banques centrales devraient, selon nous, chercher à
compenser le ralentissement découlant des incertitudes commerciales en
maintenant leurs taux directeurs à de faibles niveaux. A moins de chiffres
exceptionnellement bons avant la prochaine réunion de la Fed le 31 juillet,
cette dernière devrait agir de manière préventive pour préserver la croissance
et marquer ainsi son engagement à éviter une récession. La Banque centrale
européenne (BCE) a également adopté une position plus accommodante.
Nous pensons que les mesures prises par la BCE contribueront à maintenir
la croissance proche de la tendance ou juste en dessous, offrant ainsi un
contexte relativement favorable aux actions. Nous privilégions cependant
une approche régionale sélective. Nous surpondérons les actions américaines
par rapport aux actions de la zone euro. Nous estimons en effet que le
marché américain est mieux positionné dans le contexte actuel de risque
accru et d’incertitudes quant à la croissance, et que les gains affichés par les
actions de la zone euro vont au-delà de ce que justifient les fondamentaux
économiques.

Cependant, dans l’ensemble, nous ne tablons sur des rendements élevés pour
aucune des grandes classes d’actifs. Nous nous attendons certes à une baisse
des taux de la Fed, mais nous pensons que le marché exagère l’ampleur
de cette baisse. Le rendement des bons du Trésor américain à deux ans a
reculé d’environ 60 pb depuis début mai, et le marché intègre actuellement
une réduction des taux de plus de 100 pb d’ici la fin de 2020, ce qui nous
semble excessif au regard des chiffres de l’économie américaine qui résiste
plutôt bien. Cela fait plusieurs décennies que le taux de chômage, de 3,6%,
n’était plus aussi bas. De plus, la croissance reste proche de la tendance et les
conditions financières sont favorables. Par conséquent, nous sous-pondérons
les bons du Trésor américain à deux ans par rapport aux liquidités.
Sur les marchés des changes des pays développés, les monnaies refuges telles
que le franc suisse et le yen pourraient perdre de leur attrait du fait de la
relative atténuation des inquiétudes.

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