Fri. Nov 22nd, 2024

ACTION FUTURE 57

Questions à Philippe Chalmin ; propos recueillis par Jérôme Revillier.

Vous avez fondé et dirigez Cyclope, une société d’étude des marchés de matières premières et votre rapport annuel fait office de référence depuis bientôt 30 ans. Quelles leçons tireriez-vous de ces 30 ans d’analyses des matières premières ? 

Philippe Chalmin :

Cyclope a commencé à un moment qui ressemble grossièrement à aujourd’hui, c’est-à-dire une période de forts reflux des marchés, période similaire à celle que nous vivons actuellement.

L’année 1985, date de la première parution du Cyclope (qui ne s’appelait pas encore comme cela d’ailleurs !), a été marquée par le contre-choc pétrolier, l’effondrement des accords de l’étain, du café…

C’est assez symboliquement l’année de la fin d’une grande période de tension sur les prix qui avait débuté dans les années 70 et qui a commencé à très largement s’éroder au début des années 80.

Les trente années que nous venons de vivre représentent finalement un cycle sur les marchés. C’est-à-dire une longue période de prix déprimés s’accélérant avec l’implosion de l’URSS en 1990 et arrivant au point le plus bas à la fin du 20ème siècle. Il y a une 2ème phase sur les années 2004 et 2005 dont le déclencheur est la montée en puissance de la Chine et de ses besoins qui va être marquée par une période de très fortes tensions de 2005 à 2014 comme dans les années 70.

Finalement, sur ces 30 années nous avons 2 périodes.

La première, soit environ 20 ans, marquée par des prix déprimés, un désintérêt des matières premières puis la deuxième période, sur les 10 dernières années, marquée par une très forte tension.

Ça c’est la vision sur les marchés mondiaux sachant que ces 30 années ont été marquées par bien d’autres évènements comme la 3ème révolution industrielle ou l’arrivée des NBIC (Nanotechnologies, biotechnologies,

Informatique et science cognitives) dont a pu croire, peut-être à tort, dans les années 90 que c’était là le chemin de la nouvelle économie.

Mais l’évènement majeur reste la montée en puissance de la Chine, son émergence et sa maturité.

Cette période est aussi marquée par la poursuite du développement de l’instabilité généralisée des marchés, le champ des commodités qui ne cesse de s’étendre vers les produits monétaires, financiers mais aussi au sens plus large vers les matières premières. Le pétrole devient une commodité à partir des années 1985-1986, comme, sur les dernières années, le minerai de fer, l’acier et de nombreux autres.

Ainsi au-delà de l’aspect conjoncturel, ce sont là les mutations structurelles de ces 30 dernières années.

On sait la difficulté pour les marchés d’avoir de la mémoire.

Aussi, comment voyez-vous les 30 prochaines années tant la question des ressources naturelles sera au cœur de la problématique humaine dans un environnement sous tension ? 

L’instabilité des marchés est là pour durer, à commencer par les marchés monétaires.

Le défi majeur des 30 années à venir serait que le Monde trouve une gouvernance internationale qui n’existe pas à ce jour.

Finalement cette instabilité n’est qu’une conséquence secondaire car nous avons appris à vivre avec. Concernant les ressources naturelles, je

continue à penser que le défi le plus important va être de nourrir les hommes.

C’est dans le champ alimentaire que les risques de pénurie seront sans doute les plus importants.

Lorsque nous faisons un exercice de prospective, nous sous-estimons les mutations technologiques que nous vivons.

C’est probablement dans le champ agricole que ces mutations sont les plus lentes et les défis les plus importants. Du côté des énergies, minerais et métaux, nous voyons les limites de la planète sans savoir quel sera le mix énergétique dans 30 ans. Nous ne savons pas non plus de quelle manière nous utiliserons l’énergie, ni quels minerais et métaux seront les plus stratégiques. On peut penser que le cycle que nous avons vécu par le passé se reproduira.

Nous sommes entrés dans une période marquée par une surproduction et une surcapacité dont la conséquence est la diminution des investissements pour le renouvellement des capacités de productions. Donc nous ne pouvons pas exclure pour la fin de cette période, un

nouveau choc sur les marchés mondiaux comme nous l’avons connu sur la fin des années 70 ou dans les années 2000.

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