Trump 0 – 1 Marchés
Olivier Guillou, Directeur de la gestion chez Ecofi
La deuxième quinzaine d’avril a permis de redonner des couleurs aux marchés financiers et aux actifs risqués. Cette dynamique n’a pas bénéficié au billet vert qui semble perdre son statut de valeur refuge.
Face à ces désordres, l’économie mondiale a basculé dans l’incertitude face à l’imprévisibilité
de la politique américaine.
Les marchés actions progressent sur la semaine de ~4% en euros avec un rebond plus marqué sur les « Magnificent 7 » qui bénéficient du retour du sentiment « risk-on », les indicateurs de volatilité comme le VIX repassant en deçà de 25%. Les marchés de taux (souverain et crédit) progressent également, avec notamment une détente significative du taux américain 10 ans qui revient sous les 4,25 %.
Après le choc de l’annonce des droits de douane le 2 avril, ou « Liberation Day », l’idée que le plan ne s’est pas déroulé sans accroc et a contraint D.Trump à faire volte-face est largement partagée. Il est vrai que la réaction des partenaires commerciaux à l’instauration de tarifs réciproques a suscité beaucoup de levées de bouclier, notamment en Chine, principale cible. Au niveau domestique, sa cote de popularité s’affaisse rapidement, et ses soutiens économiques et financiers mettent en cause sa politique. De quoi justifier une trêve, tout en affirmant que c’était prévu dans le plan.
Depuis l’annonce par le président Trump le 9 avril dernier, d’une pause de 90 jours sur ces droits de douane (visant tous les partenaires commerciaux à l’exception de la Chine continentale), le soulagement, au moins temporaire, prévaut.
L’administration Trump a notamment annoncé le 11 avril une exemption temporaire des droits réciproques sur plusieurs types de produits électroniques.
Le président américain a aussi ouvert la porte à des négociations avec Pékin, afin de réduire substantiellement leur niveau. Néanmoins, jusqu’à présent, les autorités chinoises attendent des marques de respect pour engager des négociations.
Face à ces désordres, l’économie mondiale a basculé dans l’incertitude face à l’imprévisibilité de la politique américaine.
Même si les « hard datas » (statistiques économiques) restent bien orientées, les « soft datas » (sondages ou enquêtes d’opinion) ne présagent rien de bon, avec une forte dichotomie. Les échanges commerciaux vont souffrir, les échanges maritimes sont annoncés en fort repli.
Le consommateur ou le producteur américain qui vivaient sur les stocks de précaution de fin 2024 vont bientôt être confrontés au choc des prix et au choc de demande.
Les révisions à la baisse des perspectives de croissance sont probables, avec des disparités étalées dans la durée.
En revanche, les évolutions sur l’inflation sont plus débattues : en hausse aux États-Unis, en baisse probable en Europe en l’absence de contre-mesures, en lien avec la hausse de l’euro, la baisse du pétrole,
la pression des exportations chinoises pour contourner l’embargo américain de fait. Cette perspective ouvre la voie à une nouvelle baisse de taux en zone Euro en juin, portant le taux de dépôt à 2 %.
Les marchés anticipent plus de baisses, ce qui semble prématuré au regard de la tonalité de la BCE et de l’attente de la fin de période de 3 mois, le 9 juillet, pour les droits de douane réciproques visant le reste du monde – en cas d’absence d’accord avec les partenaires commerciaux concernés – ou dans les prochaines semaines pour certains secteurs spécifiques comme les semi-conducteurs ou les produits pharmaceutiques. La Fed, dont le président est de plus en plus visé de manière agressive et outrancière par D. Trump, va être confrontée à une équation difficile à résoudre entre liquidité, inflation et emploi.
Nous continuons de penser que l’emploi restera la clé, les impacts sur les secteurs du transport routier et du commerce de détail seront à suivre.
L’histoire jugera si D. Trump est tombé dans le piège de Thucydide, avec une perte de dominance économique et financière des Etats-Unis, une perte de confiance dans le billet vert (l’inverse était recherché), ou si les choses vont atterrir là où elles auraient dû commencer avec des droits de douane dits réciproques entre 10 et 20%.
Une inconnue demeure pour la Chine, même si des exemptions devraient se mettre en place.
Les prochaines semaines vont être décisives pour jauger des impacts négatifs sur la croissance et de la probabilité de récession mondiale, actuellement en hausse. Les premières
tendances sur le front des publications des entreprises restent satisfaisantes, mais l’incertitude conduit à réviser en baisse les perspectives bénéficiaires et à tempérer les perspectives d’activité.
La prudence est donc de mise.