
Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France
Le retour des fortes tensions politiques qui freinent l’adoption de mesures budgétaires, plus que nécessaire, entraîne des conséquences sur le marché obligataire mais aussi sur certaines valeurs boursières comme les banques.
Le spread OAT-Bund a refait une incursion au-delà de 80 points de base la semaine dernière, un écart que l’on n’avait pas observé depuis janvier. Le spread est passé de 65 points de base mi-août à près de 83 points de base mercredi dernier, une hausse relativement marquée donc. Il est important de rappeler que cette zone des 80 à 90 points de base constitue, jusqu’à présent, le pic de tension observé sur le spread OAT-Bund post-dissolution de l’Assemblée nationale.
Le risque de voir l’écart entre les taux 10 ans de la France et de l’Allemagne atteindre le niveau sensible des 100 points de base est élevé dans le contexte politique actuel. Lorsque ce spread fleurtait avec les 90 points de base fin 2024-début 2025, il s’agissait déjà de l’écart le plus important depuis 2012 et la crise de la dette en zone euro. Même si l’on peut parler de tensions sur les niveaux actuels, on ne peut toutefois pas encore parler de panique. La panique, c’est en novembre 2011, lors de la crise de la dette en zone euro, que ce spread est monté à 190 points de base, c’est-à-dire 1.9% d’écart entre les deux taux. Et pour les pays les plus fragiles de la zone euro à l’époque, comme l’Italie par exemple, ce spread était même monté à près de 550 points de base. Pire encore, le Portugal dont le taux à 10 ans s’était écarté de…1550 points de base avec le 10 ans allemand, c’est-à-dire plus de 15% d’écart ! Sans oublier, pour terminer, le risque ultime avec l’écart de…3800 points de base (!) entre les taux 10 ans de la Grèce et de l’Allemagne en mars 2012.
Voilà ce qu’est une situation de panique, un risque systémique, sur les marchés financiers. Nous en sommes donc très loin pour le moment, mais la vigilance des marchés est de mise.
Avant le vote de confiance de lundi, il conviendra de suivre ce jeudi l’émission de dette à long terme de l’Agence France Trésor. Le volume annoncé par l’agence est compris entre 9.5 et 11 milliards d’euros sur des échéances 2035, 2042 et 2056. Un moyen de mesurer l’appétit des investisseurs pour la dette française dans ce contexte politique et budgétaire sensible.
Après le vote de confiance lundi, il faudra ensuite de surveiller la décision de l’agence de notation Fitch, attendue le 12 septembre. La note actuelle de Fitch est AA- assortie d’une « perspective négative ». Suivront ensuite les décisions de Moody’s fin octobre puis Standard & Poor’s fin novembre.
Cet environnement politique et budgétaire déteint sur l’obligataire, on vient de le voir, mais aussi sur les marchés actions. Le CAC40 qui fleurtait avec les 8000 points avant l’annonce du vote de confiance est retombé depuis sous les 7700 points. Et ce sont les valeurs bancaires qui ont surtout subi les effets négatifs de cet environnement. L’indice Stoxx600 Europe Banks a abandonné 4.5% la semaine dernière. Après le puissant rallye haussier observé sur cet indice sectoriel ces dernières années (175% de hausse depuis octobre 2022 !), il est tout à fait possible que la situation politique et budgétaire en France entraîne des prises de gains supplémentaires sur les valeurs bancaires en France et en Europe.